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8 janvier 2019 2 08 /01 /janvier /2019 00:50
Les pieds-rouges, ou la perdition dans l'anonymat - Algérie, les années pieds-rouges - Catherine Simon

Les perdants de l'Histoire ont toujours beaucoup à nous apprendre. Même quand ils reproduisent, de manière frappante, les erreurs de leurs modèles, dont toutes les preuves sont disponibles. Et parfois, même, ils les reproduisent... plusieurs fois dans leurs vies, comme certains de ces dits "pieds-rouges", dont parle Catherine Simon, qui fut correspondante du Monde à Alger, dans un essai très intéressant, "Algérie, les années pieds-rouges, des rêves de l'indépendance au désenchantement (1962-1969). Ce livre est déjà un peu ancien, il a dix ans, mais son sujet m'a conduit à me le procurer très vite quand j'ai découvert son existence. 

Qui sont les pieds-rouges, dont le point commun est un mélange d'absolu désintéressement (ils ne se faisaient pas payer bien souvent), et une grande naïveté ? Ce sont des français qui ont fait le chemin inverse des pieds noirs. Quelques milliers (loin du million de pieds noirs). Ce sont des militants de gauche de diverses obédiences (simples internationalistes sans structure, trotskystes de différentes factions, militants syndicaux de la CGT ou de l'UNEF, communistes, anarchistes), qui pour certains ont aidé le FLN pendant la guerre (les dits porteurs de valise, telle la mère de Christian Boltanski, évoquée dans le roman "le guetteur" en 2018), pour d'autres ont déserté l'armée française, pour d'autres étaient en Algérie, sympathisants de la décolonisation (comme cette ethnologue formidable, Mme Favret Saada) et restés après les accords d'Evian.

PARTIR CONSTRUIRE LE SOCIALISME

Certains aidaient le FLN en France et sont donc partis à Alger ou Oran en 62, d'autres étaient déjà au sud de la mare nostrum, dans les rangs du FLN, à Tunis par exemple. D'autres viendront au fur et à mesure. Parmi eux, certains deviendront des personnalités assez exceptionnelles, comme Elizabeth Roudinesco, ou Hervé Bourges, Gérard Challiand, aujourd'hui un spécialiste reconnu du monde arabe, soutien des kurdes. On comptera au sein de cette nébuleuse le belge (mais très français) Michel Raptis, le fameux "pablo" mythique dans le courant trotskyste mondial. L'auteure s'est lancée à leur recherche, en a retrouvé un certain nombre, et d'autres non, évaporés dans l'anonymat. Sa principale source est leur parole. Certains trous de mémoire se sont comblés, d'autres sont restés opaques.

A cette époque là, les "radicalisés" ne partaient pas pour le djihad islamiste, mais pour rejoindre une révolution socialiste mondiale dont l'épicentre symbolique et inspirateur se trouvait à Cuba, et dont Guevara était la figure charismatique. Ils ont tous cru que l'Algérie allait en être le second foyer voire le foyer principal, débordant ensuite sur l'Europe (les quelques partants pour le kurdistan révolutionnaire ne se sont pas réclamés d'eux, mais des générations précédentes, celles de la Résistance et des Brigade Internationale espagnoles) La société capitaliste, avant même la "mondialisation" accélérée, à l'âge de son "impérialisme", disait-on, en recul, produisait déjà des jeunesses radicalisées. Mais voila, l'objet était très différent. On pourrait aussi discuter des différences sociologiques, même si le caractère interclassiste se retrouve en fait dans les phénomènes d'antan et d'aujourd'hui.

UNE AFFAIRE DE FAMILLES

Je suis d'une génération qui a été éduquée par des parents politisés par la guerre d'Algérie. Les soixante-huitards. On ne les comprend pas sans référence à cette guerre, leur vraie moment de prise de conscience politique (y compris pour la droite d'ailleurs), et depuis toujours on m'en a beaucoup parlé. Jusqu'à me transmettre cette passion pour le sujet, et même ce sentiment familial qui pénètre nombre de français, je crois, quand on parle de l'Algérie. Qui dit famille dit névroses, ruptures, secrets, évidemment. Ce sentiment n'est pas exempt de regrets, de nostalgie, même de ce qu'on n'a pas vécu soi-même, mais ce qui a marqué les nôtres nous marque, parfois, sans besoin de beaucoup de moyens pour y parvenir. J'ai travaillé dans le social, pu constater les rapports très spécifiques qui peuvent se nouer avec les algériens ou leurs enfants, hérités d'une colonisation et d'une décolonisation particulière. J'ai lu Fanon, avec grand profit, qui décelait déjà certaines composantes de ce rapport.  Camus, évidemment, nous ramène, pour ses lecteurs, à l'Algérie, comme aujourd'hui un Kamel Daoud ou la musique de Souad Massi. J'ai eu vingt ans au tout début des années 90 et j'ai été marqué, étudiant, par la guerre civile algérienne, dont certains ne nos copains souffraient directement. Quand on parle de l'Algérie, prosaïquement, "ça fait tilt", beaucoup plus que le yemen, ou l'Egypte. C'est ainsi. Le printemps arabe m'a passionné, je crois qu'il refleurira, qu'il vit ce que la France a vécu avec les restaurations et le second Empire, mais je me souviens de frémir en me demandant ce qu'il allait arriver à l'Algérie, dont le Président (fantoche ?) est tout de même encore, un acteur central de la libération nationale et des premières années d'indépendance. L'Algérie n'a pas véritablement dépassé ces premières années de construction, décidément.

DEGRISANTS

Même très dégrisé on n'est pas à l'abri de se dégriser encore plus profondément, et c'est mon cas en lisant l'essai sans fard de Catherine Simon, mais bien pesé. Pour moi, de ce qu'on m'avait transmis, l'Algérie indépendante avait connu un bref moment d'espoir authentique, d'ouverture, avec Ben Bella l'autogestionnaire, pour vite sombrer avec le tournant du coup d'Etat de Boumediene. On pouvait voir un renouvellement tragique du schéma conduisant Trotsky, intellectuel brillant et humain, malgré ses défauts, à échouer face au champion psychopathe de la bureaucratie, Staline. Evidemment, c'est plus complexe. Ben Bella avait pris le pouvoir en alliance avec son successeur, et se révèle un personnage ambivalent, équilibriste, sachant ne pas voir les horreurs commises sous son commandement, hésitant, et finalement le payant tout à fait. Mais à cette époque, les pieds-rouges, pris dans l'enthousiasme de la nation révolutionnaire à bâtir ne le comprenaient pas vraiment, et les premiers signes de la glaciation ont été pris pour des "séquelles" incontournables de la sortie du colonialisme. Certains des pieds-rouges ont été, comme Hervé Bourges ou "Pablo" de proches conseillers de Ben Bella.

DES GENS DIVERS DANS L'ETE DE LA JOIE MASQUANT LES PREMIERS NUAGES NOIRS

Dans ce livre on découvre aussi la diversité des profils, et des histoires personnelles à peine croyables. Celle de Louis Fontaine, qui aida le FLN en travaillant comme ouvrier volontaire, dans des conditions très dures, dans une usine d'armement clandestine de l'Armée de Libération., par exemple.  Renvoyé en France manu militari après le coup d'Etat de Boumediene de 65, sans rien, sa vie à reprendre à zéro, comme s'il avait été congelé pendant de longues années.

Après l'indépendance vient un été de joie en Algérie. Mais derrière cette joie, la jeune Nation a du souci à se faire. Quatre français sur cinq sont partis brutalement, privant le pays de l'essentiel de ses compétences techniques. Certains ont tout brûlé avant de partir. D'emblée des drames considérables ont lieu, mais passent inaperçus, au milieu de l'enthousiasme général... Il est désespérant de noter ces mécaniques fatales, logiques, implacables, que nul miracle historique ne sait épargner. C'est le massacre des harkis, qui en dit long sur la culture de violence qui va perdurer, jusqu'à aujourd'hui, héritage du colon en partie, mais disons-le bien en partie, car chacun est responsable de ses actes. 

D'emblée aussi, les tensions au sein des composantes de la révolution algérienne se révèlent.  Entre les courants, entre les civils et les militaires. Et les méthodes violentes qui ont inéluctablement du être utilisées, aussi bien contre la puissance coloniale que pour imposer le FLN comme élément dirigeant de la révolution, se perpétuent là aussi. Les pieds rouges ne se mêlent pas de ces affaires, leur présence est pour le moment appréciée, saluée, souhaitée, et certaines affaires se règlent entre algériens. Mais plus les pieds rouges vont s'insérer dans le cœur de la société (par exemple en se mariant), plus ils ne pourront éviter de voir, et parfois de subir directement. Dès cet été, des affrontements confrontent l'armée dite des frontières, dirigée par Boumediene, et les Willayah de la résistance algérienne. Boumediene s'illustre par sa violence et sa volonté. Très vite, aussi, la question berbère va resurgir, et Hocine Haït Ahmed devenir un dissident, y compris par des méthodes militaires, donnant lieu à des répliques sanglantes, à l'avantage d'Alger.  D'autres dissidences viendront comme celle de Boudiaf. Elles seront traitées par la répression, manifestement registre politique un peu unique de la génération qui a pris le pouvoir.

Un autre sujet rapidement posé est celui des biens laissés vacants par l'exode des pieds noirs. Un très mauvais signe est donné. Dans un premier temps, les algériens s'emparent des biens laissés, anarchiquement, puis le nouveau pouvoir centralise le processus, mais tout de suite l'utilisation reflète les volontés de captation de certains milieux, les coteries, et constitue le moyen de faire émerger une couche de bureaucrates dans la révolution, à vitesse express. Avant la rente pétrolière il y eut celle des biens vacants.

AU TRAVAIL

Les pieds-rouges connaissent la révolution française, et tout cela ne les effraie pas, pour le moment. Ils se mettent au travail, dans des secteurs diversifiés de la vie des trois millions d'algériens. Ils dirigent des hôpitaux, s'affrontant déjà à la bureaucratie du nouveau pouvoir, dans un pays absolument privé de compétences médicales ou mêmes soignantes. Une française entre au cabinet du ministère de la santé, mais on retrouve des français à tous les niveaux, dans la formation, l'idée étant suivant d'essaimer, de "faire la soudure" avec les algériens.  Ces français se retrouvent mêlés à d'autres blouses blanches venues de Cuba, de Russie, de Bulgarie, dans un sacré capharnaum. Certains emmènent l'enfance algérienne, extrêmement nombreuse, en colonie de vacances, pour la sortir un peu de sa misère et de sa stagnation, ou mettent en place des orphelinats, pour les enfants d'un million d'algériens morts pour la liberté. Ils y appliquent leurs idées autogestionnaires, alors en phase avec le Président Ben Bella, et l'aile gauche du FLN, qui inspirent les décrets sur l'autogestion de la production par les travailleurs. Mais pas avec toute l'Algérie, évidemment.  L'armée française est toujours là, dans le cadre des accords d'Evian, et les français pieds rouges doivent veiller à ne pas tomber sur elle (l'amnistie des déserteurs ne sera opérée en France qu'en 1966). 

Les pieds-rouges se retrouvent face à une Algérie illettrée, empêtrée dans le traditionalisme (certaines élèves ne reviennent pas en cours, à cause d'un mariage forcé), én décalage avec le discours révolutionnaire du FLN, à double tranchant (ce qui est dit aux français n'est pas toujours dit de la même manière aux algériens). Ils constatent aussi un appétit de savoir considérable, qu'ils n'ont pas les moyens de satisfaire. Bref le tableau est chaotique et contradictoire.

Un certain nombre de militants ont continué à faire ce qu'ils savaient faire, c'est à dire militer, en s'intégrant dans la nouvelle presse. Même si la presse est peu lue par le peuple, qui ne sait pas lire. C'est ainsi que naît "révolution africaine", dirigé par Jacques Vergès, journal de grande qualité, laissé assez libre d'agir. Les communistes s'activent dans "Alger Républicain". On signe avec des pseudos arabes. Dans la culture, l'expérience de la Cinémathèque d'Alger, très dynamique et audacieuse, animée par des français, fut marquante, et a sans doute participé à la vocation d'artistes aujourd'hui majeurs.

Mais les pieds-rouges doivent vite avaler les couleuvres. Le rapide débat sur la nationalité, lie l'Etat à la religion musulmane, ce qui ne crée pas les polémiques d'aujourd'hui, mais n'entre pas dans les schémas révolutionnaires classiques. Le droit de la nationalité est inspiré par le droit du sang.  La vie syndicale est putschée par le pouvoir politique, violemment, ce qui n'augure pas d'un cours démocratique pour la révolution. Les journalistes français se taisent. Ils n'entrent pas en conflit ouvert avec le pouvoir. Ce serait restaurer une parole coloniale. Ils essaient alors de se concentrer sur ce qu'ils peuvent accomplir de positif. Ce n'est pas toujours possible. Les initiatives pour l'émancipation des femmes sont freinées. Certains sont lucides plus rapidement. Gérard Challiand par exemple, qui très vite ose publier en France une critique du cours de la révolution. Jeanne Favret Saada, qui a obtenu de Ben Bella d'aller enquêter avec des ethnologues dans les profondeurs du pays, se rend compte du système de corruption et de développement de potentats locaux qui va miner, à la base, la révolution algérienne, parmi d'autres causes, les questions au sommet et à la base se tenant la main.

DOMMAGES COLLATERAUX DU THERMIDOR ALGERIEN

Et puis, avant même la chute de Ben Bella, en 1965, la prise de pouvoir de l'armée de Boumedienne (avec lequel il s'était allié, mais qui crée un axe conservateur avec Bouteflika, frustré d'être relégué par le Président), les français sont touchés, plus ou moins directement, par les règlements de compte et les liquidations., de par leurs amitiés avec tel ou tel réseau. On leur fait notamment porter le chapeau d'un embryon de guérilla maoïste dirigée par un descendant... D'Abdelkader en personne. La manipulation de l'étranger étant toujours un argument efficace. Quand des pieds rouges sont mis en cause, on demande aux autres de signer des tribunes se désolidarisant, ce qui a créé des conflits de loyauté, déchirants jusqu'à nos jours. 

Mais c'est après l'éviction de Ben Bella que les pieds-rouges vont subir le violent contrecoup de leurs illusions. Jusqu'à être torturés pour un certain nombre, et même, certainement, liquidés, même si on manque de preuves. La "tchéka algérienne", déjà active pendant la guerre civile, allée se former auprès du KGB et des anciens tortionnaires.... métropolitains.... Va pouvoir s'en donner à cœur joie. L'offensive des militaires pour reprendre l'intégralité du pouvoir à leur profit viendra après la manifestation des femmes d'Alger de 1965, qui constituera un choc pour les conservateurs et un prétexte pour les officiers. Les femmes y ont exprimé leurs attentes révolutionnaires, et la réaction patriarcale a été forte. L'armée s'est présentée alors comme la garante des piliers de la civilisation arabe, et a affirmé les positions nationalistes du régime.  Ben Bella a été présenté comme trop vulnérable pour tenir le pays sur le bon cap.

Beaucoup de français étaient proches de l'aile gauche révolutionnaire qui appuyait Ben Bella, notamment les trotskystes. Ils seront sur les listes d'arrestation de la police politique après le coup d'Etat. Beaucoup se cachent, avant de rentrer en métropole, certains sont capturés, emprisonnés parfois des mois, torturés, selon des méthodes qui rappellent étonnamment celles du colonisateur. Certains seront emprisonnés en France pour désertion ou utilisation d'une fausse identité.

Puis au fur et à mesure, le régime prendra une forme plus nationaliste, et avec la guerre des six jours nettement anti sioniste, ce qui confrontera certains français d'ascendance juive à des suspicions voire des attaques violentes. Peu à peu, toutes les tendances politiques, y compris les communistes, seront touchées. Le régime algérien organisera la substitution volontaire des coopérants techniques français aux anciens militants. Ces coopérants, certes tiers mondistes, ne se mêleront pas de politique. Certains, très peu, resteront tout de même, changeant de statut, comme Hervé Bourges (lui même violenté après le coup d'Etat).

Pour certains, par exemple les femmes mariées à des algériens, considérées comme mineures, le départ est compliqué. Mais le régime a intérêt, finalement, à se délester de ces révolutionnaires encombrants, et surtout devenus inutiles dans la communication politique du pays, qui n'est plus en continuité immédiate avec la stratégie de lutte contre le colonialisme. Boumediene, snobé par Castro qui était un ami de Ben Bella, se tourne vers l'URSS. Les français, sauf cas exceptionnels, de la première vague, s'en vont, remplacés par des techniques adoubés par l'Etat français, bien payés, et dociles.

LE DIFFICILE RETOUR, LE JEU CONTRADICTOIRE AVEC LES ILLUSIONS PERDUES

Le retour est brutal. La gauche française n'est pas prête à entendre ces récits, elle culpabilise de son échec (c'est De Gaulle qui a signé à Evian). Certains ont du mal à se réinsérer, d'autres vivent de cruelles dépressions. Il n'y a aucun cadre pour faire un bilan collectif de cette période, laissée dans le silence. Pour autant ce qui sauve ces gens, c'est sans doute leur jeunesse et une époque où l'on pouvait rebondir tout de même (ceci l'auteure l'oublie), le fait que de nouvelles causes vont fleurir (dont le Vietnam), et faire oublier Alger. Et puis ils y ont aussi beaucoup appris.

Ce qui les sauve aussi, c'est qu'ils peuvent se dire qu'ils n'ont pas eu tout à fait tort, que la décolonisation était nécessaire, qu'ils ont pu former des algériens sur des domaines essentiels.  C'est peut-être, à mon avis, ce qui explique que beaucoup d'entre eux sombreront aussi dans certaines illusions dont l'expérience algérienne aurait du les vacciner : le maoïsme, le soutien sans nuance au Vietnam. Les croyances sont tenaces, le manichéisme aussi, le romantisme politique encore plus. Beaucoup d'entre eux seront au cœur des tumultes politiques de l'avant mai 68, du mois mythique, et des suites.  Si on regarde leur biographie, il est intéressant (je trouve, c'est mon constat) de voir que certains ont du clairement changer d'optique pour relancer leur vie, leur désir. Roudinesco passe de la littérature à la psychanalyse (ce qui suppose d'en faire une), Favret Saada se tourne vers un univers totalement différent, le bocage normand, certains se convertissent au bouddhisme.

Quant à l'Algérie, malheureusement, on peut encore dire aujourd'hui qu'elle n'est pas sortie des errances de ces premières années. L'espoir aura été fugace. Les funestes chemins engagés par l'armée et Boumediene ont produit, en retour, la contagion islamiste, favorisée par un nationalisme borné, violent, refusant d'envisager l'émancipation féminine, ne parvenant pas à concilier une double vocation culturelle pour l'arabe et la francophonie, mais instrumentalisant ce débat en le clivant pour manipuler les populations. Le lien avec la France, ne sera jamais rompu, mais pas forcément pour le meilleur. Et cela, dès l'époque des pieds rouges, c'était perceptible, quand Ben Bella acceptait la poursuite des essais atomiques dans le Sahara algérien, et que la police politique s'inspirait, dans une sorte de contrainte de répétition freudienne, des méthodes ignobles que ses propres membres avaient subies.

Triste histoire.

Celle d'une décolonisation pleine d'espoirs si vite retombés.  Celle aussi d'un "socialisme", qui couvrit plus de la moitié de la planète, mais qui ne parvint pas à donner, au XXème siècle, naissance à une société d'égalité et de liberté conciliées. Rien ne dit, pour autant, que ces échecs rendent l'idée impossible à jamais.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Lectures de Jérôme Bonnemaison

 

Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).


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D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.

 

Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.


Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk. Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.


 

De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la  bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».


 

J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde  le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.


 

Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.

 

 

Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…


 

Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.

 

 

Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.


 

Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.  


 

Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.


 

J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.


 

Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.

 

 

Jérôme Bonnemaison,

Toulouse.

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