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24 avril 2013 3 24 /04 /avril /2013 15:38

portaitdehannaharendt.jpg Lire Hannah Arendt est difficile et suppose des préalables, comme aborder la moto suppose de savoir faire du vélo. On ne le niera pas. J'ai souvent essayé et beaucoup échoué, mais à chaque fois je saisis qu'il y a dans cette oeuvre une percée. Alors je persiste.

 

En écrivant "Vies politiques" (qui alterne entre des passages obscurs et d'autres très accessibles, plus littéraires que d'habitude, où Arendt démontre un talent psychologique et un don d'écrivain), elle a sans doute songé à ces "vies illustres" de Plutarque qui édifièrent d'anciennes générations. Sans ces biographies d'Alexandre ou Alcibiade, Napoléon n'aurait sans doute pas écumé l'Europe et empli ses terres de sang. Les textes sont des barils de dynamite. Mais Arendt ne nous parle pas de héros. Elle parle de lueurs en de "sombres temps", principalement (hormis Lessing qui vécut au 18eme en Allemagne) des gens qu'elle a connus personnellement (même si elle ne l'évoque pas forcément) et qui par leur souci politique ont justifié quelque espoir en l'humanité. Des gens très différents. Certains m'étaient inconnus, d'autres sont dans mon panthéon intime, certains sont devenus mythiques pendant leur vie ou après et d'autres sont oubliés.

 

La notion de "vie politique" est pour Arendt toute singulière. N'imaginons pas la vie d'un militant, ou celle d'une personnalité politique (bien que ceux là peuvent aussi être concernés). Pour Arendt, le mot de politique est saisi au sens où les grecs le comprenaient. Aussi par vie politique, à mon humble avis, on doit comprendre vie d'un individu conscient de sa présence et de sa responsabilité parmi les siens, dans la cité. Vie consciente parmi les humains

 

Et c'est bien de ces personnages dont nous parle Arendt. Ceux qui en de sombres temps, lorsqu'il était "minuit dans le siècle" (Victor Serge), ont gardé le souci d'éclairer la cité avant tout. Comment ? Simplement en s'efforçant d'être humain parfois. Il s'agit donc d'illuminations dans l'obscurité, d'une lumière "vacillante et faible", incarnée dans des individus plus que dans des concepts ou des théories. Ces individus auraient sans doute pu produire cette lumière dans n'importe quelle circonstance. Arendt en est rassurée et on peut la comprendre, car ce qu'un seul peut illustrer démontre la possibilité de la grand route.

 

Etre humain en de sombres temps, c'est ne pas renoncer à la vie de la pensée. A vivre pleinement dans la pensée. Comme Lessing qui n'"a jamais fait la paix avec le monde dans lequel il vivait". C'est ne pas abdiquer la liberté de penser contre la sécurité que la tyrannie propose. 

 

"On pourrait dire que l'humanité vivante d'un homme décline dans la mesure où il renonce à la pensée, et se fie aux résultats, aux vérités reconnues ou même méconnues, les utilisant comme une monnaie pour s'acquitter de toutes les expériences".

 

Les "vies politiques" racontées et analysées par Arendt avec admiration mais aussi sévérité et ambivalence (et même une certaine irrésolution pudique quand il s'agit d'Heidegger), ont souvent partie liée avec la compassion. Ce sentiment dont Rousseau disait qu'il caractérisait plus l'humain que la raison.

 

Pour Arendt, la fraternité dans les temps obscurs concerne au plus haut point les groupes de persécutés (elle en fit l'expérience lors de son errance en France fuyant les tueurs nazis -voir la belle biographie que lui consacra Laure Adler). Mais cette chaleur s'exprime au dehors et touche des individus en dehors du groupe. Avec pessimisme, Arendt note que l'humanité incandescente des humiliés ne survit pas à la période de l'humiliation : "politiquement elle est absolument non pertinente".  La philosophe exprime ici sans doute son amertume sur Israël, pays avec lequel elle entretint les rapports des plus complexes. 

 

Arendt elle même explique qu'à la question "qui êtes vous" ? elle a longtemps répondu "une femme juive". Car la persécution supposait la solidarité. 

 

Elle dit alors quelque chose de très important, qui devrait faire méditer nos amis laïques les plus offensifs, risquant de glisser dans la stigmatisation de catégories :

 

" dans les temps de diffamation et de persécution : on ne peut se défendre que dans les termes de l'attaque"....

 

Cette remarque me semble tout à fait éclairante pour notre temps. L'offensive compréhensible contre le communautarisme, le repli, l'identitaire, lorsqu'elle prend une forme inappropriée, trop ciblée, directe, ne fait qu'enflammer ce qu'elle dénonce. Les provocations anti religieuses fonctionnent comme de l'essence sur un foyer. Chaque charge contre les dérives de l'Islam, vient nourrir ces dérives, de manière évidente. Mais jamais cela ne sert de leçon. Les dénonciateurs sont satisfaits de leurs imprécations unilatérales, ne songeant jamais qu'ils s'adressent à des êtres pensants et animés d'affects, sans songer à leurs réactions. 

 

La fraternité ou la compassion, ce sont des notions politiques chez Arendt, comme chez les grecs. La fraternité suppose le dialogue, qui fonde le monde humain. Celui-ci n'est pas humain parce que fabriqué par l'homme mais parce que discuté par l'homme.

C'est ce qui est admirable chez un Lessing, au regard d'Arendt. Jamais Lessing n'aurait sacrifié une amitié à un désaccord théorique. Il avait un sens élevé de cette "philia" qui est au coeur de l'idée de Cité. L'humanité pour cet amateur de polémique était liée à un parler incessant. 

 

Un moment fascinant de ce livre (et je le concède un motif premier de son achat par mes soins) est le chapitre consacré à Rosa Luxembourg, avec lequel d'ailleurs je ne suis pas forcément d'accord sur nombre de points. Mais cette rencontre théorique entre les deux grandes femmes allemandes (et juives, belle revanche) de leur siècle est fascinante. Arendt n'est pas marxiste même si elle a toujours été entourée de marxistes. Arendt est irréductible. Mais elle dresse ici un éloge brillant de Rosa Luxembourg, qui ferait rougir de honte un social démocrate allemand. Elle rappelle d'ailleurs que le gouvernement de la RFA a honteusement légalisé les meurtres de Karl et Rosa, ce que même la République de Weimar bâtie sur ces assassinats n'a pas osé.  

 

Rosa Luxembourg se disait faite pour garder les oies. Elle n'était pas Lénine, elle aurait pu aller travailler dans un laboratoire scientifique ou n'importe quelle autre lieu de travail compliqué. C'est le sentiment d'injustice et lui seul qui l'a poussée vers l'action politique qu'elle n'a jamais séparé un instant de la pensée. 

 

Arendt reconnait que sa théorie sur l'impérialisme et l'accumulation du capital était prophétique. Elle y expliquait la tendance du capitalisme à surmonter ses contradictions en occupant toute la planète et en l'épuisant, alors l'écroulement se profilerait. Nous vivons une époque qui semble confirmer ce que Rosa Luxembourg écrivait. 

 

Rosa Luxembourg était d'une telle intégrité intellectuelle qu'elle traduisit elle même devant un congrès socialistes les piques efficaces que Jaurès adressa à ses théories, y mettant y compris l'éloquence. 

 

C'est dans le groupe polonais des juifs socialistes que naquit un esprit de solidarité qui jamais ne se démentit. Cette fraternité marqua à jamais ses membres, jusqu'à rendre Rosa aveugle lorsqu'elle nie le phénomène national, étendant cette idée de la fraternité (Arendt remarque toutefois que la guerre a donné raison à Rosa sur sa crainte du nationalisme).

 

Le drame de Rosa a été d'être fraternelle justement. Elle a cru à son parti, lorsqu'elle fut chargée de mener la lutte contre le révisionnisme de Berstein et la rupture avec le marxisme. Elle remporta le combat, mais elle s'illusionna sur les raisons de la victoire : en réalité l'orthodoxie du parti n'était pas sincère, elle ne reflétait qu'un conservatisme et une volonté de rester cloîtré dans cette contre société qu'était devenu le parti socialiste allemand avec toutes ses institutions. On se proclamait révolutionnaire mais on pensait que ça n'arriverait pas en réalité. Lorsque les choses sont devenues sérieuses (la guerre obligeant à choisir entre le système et la rupture), ce décor s'écroula.... Rosa frôla le suicide mais devint alors le personnage grandiose que l'on sait.

 

D'après Arendt, si Berstein le réformiste partageait au fond avec l'appareil du parti une répulsion pour la révolution, il était proche de Rosa Luxembourg en ce qu'il était sincère intellectuellement. Et il est vrai, Arendt ne le dit pas mais je m'en souviens, que face aux trahisons scandaleuses du Parti au moment de l'écroulement de l'Empire, Berstein et les spartakistes se sont à un certain moment rejoints sur les mêmes analyses et le souci de loyauté à l'égard de la classe ouvrière en tout cas.

 

RL fut la première préoccupée, avec quelle prescience, sur les risques immenses d'une révolution déformée. Et on doit se souvenir, comme le fait Arendt, du soin que prirent les staliniens (jamais Lénine et Trotsky malgré les désaccords) à marginaliser sa pensée. 

 

Hannah Arendt sait débusquer les lumières là ou elle sont sans préjugé. C'est ainsi qu'elle dresse le portrait plein de louanges du pape Jean XXIII, ce pape surprise, qu'on avait élu comme un chef de transition, et qui bouleversa l'Eglise. Justement parce que personne ne l'attendait.

 

Arendt admire chez lui le sens de la cohérence simple : Jean XXIII est Pape, et il est un catholique sincère. Il ne se pose guère plus de questions et s'efforce de mettre en accord sa croyance et ses actes. Avant qu'il soit pape, il était de la même veine. En 1941, alors qu'il officie en Turquie, il est convoqué par les allemands qui lui demandent d'intercéder pour que l'invasion de l'URSS soit soutenue par le Vatican. Il répond très directement, alors que l'extermination n'est qu'à ses débuts : "Et que dirai je des millions de juifs que vos compatriotes sont en train d'assassiner en Pologne et en Allemagne ?".  

 

D'autres vies lumineuses s'expriment par la pensée. Karl Jaspers  pensait que les questions politiques étaient trop sérieuses pour être laissées aux politiciens et sa philosophie était celle d'un homme inviolable soucieux de politique avant tout. Un homme seul et politique

 

Jaspers a vu dans la mondialisation un danger. D'abord parce qu'un Etat mondial ne serait pas la réalisation ultime de la politique, mais bien sa fin. La politique passe par la pluralité, la diversité, les "limitations réciproques" entre forces et donc nations ou ensemble de nations (filiation de Montesquieu).  Mais aussi parce que Jaspers a vite identifié la communication mondiale comme un changement fondamental, rassemblant tous les pays dans un même présent, sans qu'aucun avenir commun ne soit garanti contrairement à ce qu'Hegel ou Kant avaient pensé. Au même moment ou le village devient monde, les armes de destruction massive permettent de le détruire entièrement. La solidarité mondiale est d'abord puissance de négation. 

 

La réponse doit être une "communication illimitée" entre les citoyens du monde, et avec tout ce qui a été pensé, c'est à dire avec la culture. Penser est une pratique des hommes entre eux. Penser fait appel à la raison que tout homme possède et à son souci existentiel. 

 

La condition humaine existe parce qu'aux alentours de - 500 avant JC un même phénomène a émergé partout, avec les figures de Bouddha, de Confucius, de Lao Tseu, des prophètes, de Zoroastre, d'Homère, des tragédiens et philosophes grecs. L'Homme a séparé la pensée du mythe, s'est mis à réfléchir sur la globalité en tant que globalité, sur la pensée en tant que pensée. Il a inventé la condition humaine.  Le Sage est apparu. Les évènements ont pris sens dans une Histoire qui a été dotée de sens. C'est bien la pensée philosophique qui peut aujourd'hui comme hier consolider la condition humaine.

 

Le livre comporte des portraits émouvants de figures plus ou moins connues. Tel Gurian, né juif russe, devenu auteur catholique allemand, qu'a connu Arendt, et dont je n'avais jamais entendu parler. Arendt dresse le portrait touchant d'un homme "complètement étranger au monde des choses", maladroit, comme si les objets "objectaient" à l'humanité du monde et se dressaient entre les humains. Gurian dévorait tout ce qui concernait les affaires humaines avec une "sublime indifférence" pour tout élément physique. Comme pour se venger d'une existence où l'âme était enfermée dans un corps, lui-même évoluant parmi des choses mortes. Un inadapté donc, infimiment vulnérable et élevé. Pour ce genre de personnes, agir même est problématique, car cela entraîne la dégradation inévitable de la grandeur humaine. Ce Gurian était provocateur car il ne supportait pas les barrières que les conventions dressaient entre les âmes. Et comme la plupart des figures décrites, il avait une passion pour les opprimés. 

 

Autre figure touchante : Karen Blixen, qui devint écrivain tardivement pour donner un sens à sa tragédie africaine, démontrant ce dont est capable la parole humaine.

 

Deux personnages occupent une grande place dans la réflexion de la philosophe : deux amis, Bertold Brecht et Walter Benjamin. Deux marxistes.

 

Le portrait de Brecht est très contrasté, impitoyable et admiratif. Impitoyable parce qu'admiratif, car comme Arendt le dit : "ce qui est permis à un boeuf n'est pas permis à Jupiter" et les dons immenses de Brecht rendent ses fautes insupportables.

 

Ce qui peut arriver de pire à un poète dit Arendt c'est de perdre son don, et c'est ce qui malheureusement arriva à Brecht lorsqu'il décida d'aller vivre à Berlin Est. Il y alla parce qu'on lui proposait de pouvoir travailler avec des moyens, et donc finalement ce fut un motif que toujours il repoussa (l'art pour l'art) qui le décida. Jamais il ne put y écrire un poème ou une pièce dignes de son talent. La liberté est la bougie du poète. Sali par ses odes à Staline, Brecht finit mal une vie marquée par une absence d'apitoiement pour soi même, une empathie constante et magnifique pour les pauvres, les réprouvés, les sans noms, empathie qu'il illustre par sa manière de tourner la poésie en chant populaire

 

C'est après l'exil d'Allemagne qu'il commence à parler en stalinien, continuant à assimiler l'hitlérisme au capitalisme, contre toute raison. Il gâche son talent. Il ferme les yeux sur les procès de moscou, les trahisons staliniennes en Espagne qui touchent certains de ses amis. 

 

Comment l'expliquer ? Arendt pense que comme un Robespierre, Brecht est victime de sa propre tendance à la compassion, qu'il convertit en dureté abstraite. Brecht a été ambulancier pendant la grande guerre, il n'a pas réagi comme un Céline. Il a toujours voulu être aux côtés des dominés, et a voulu ardemment être un homme ordinaire. Sincèrement. Il n'a pas versé dans le nihilisme : pour lui la mort de Dieu devait être reçue comme une bonne nouvelle, jubilatoire, parce que signifiant la mort de l'Enfer aussi. 

 

Au final, Brecht est à plaindre : "la réalité l'écrasa". 

 

Son ami Walter Benjamin, un proche d'Hannah, était très différent. D'après elle, ce fut "le marxiste le plus singulier jamais produit par le mouvement". Un être d'une malchance incroyable. Lorsqu'il se suicide, à la frontière franco espagnole, le geste étant déclenché par l'épuisement et le refoulement à la frontière, le hasard fait que le passage a été impossible ce seul jour. La veille ou le lendemain, Benjamin serait passé en Espagne. Et toute sa vie il se fourra dans les pires des situations. 

 

Cet inclassable, de ce fait condamné à la gloire posthume, était méconnu, impublié, écrivant dans des formats impubliables, choisissant les voies conduisant à l'impasse. Mais ceux qui le connaissaient ne doutaient pas de son génie aujourd'hui reconnu. Benjamin est aujourd'hui sans doute un des penseurs les plus cités en philosophie, en science politique, en théorie de l'art. 

 

Il aurait détesté être un homme utile. Il était homme de lettres, indéfinissable. Ecrivant par citations et fragments. Son marxisme était unique : métaphorique et centré sur la superstructure. Ce qui l'attirait dans le marxisme, c'est la puissance recelée dans le poème "correspondances" de Baudelaire : le pouvoir de relier des phénomènes entre eux. 

 

La figure de Benjamin est d'après Arendt une sécularisation de l'homme d'étude de la Torah. Il n'aurait pas pu envisager autre chose que de lire et d'écrire, et d'accumuler une montagne de livres, confisqués par les nazis (ce qui le démoralisa au plus haut point). Bibliomane, Benjamin était collectionneur, fasciné par les petits objets, comme un enfant qui n'a pas encore assimilé l'objet à une marchandise mais qui le considère comme tel.

 

Benjamin, dont le cousinage avec Kafka est frappant, n'a jamais choisi entre le sionisme et le marxisme. Car au fond il savait qu'aucun absolu ne l'attendait. Il ne pouvait croire en aucune tradition, et n'aurait pas non plus admis que Moscou soit une nouvelle jerusalem. Il aurait pu faire sienne la phrase de Kafka : "Mon peuple, à supposer que j'en ai un".

 

Le paradis de Benjamin c'était Paris. Cette ville où s'incarnait la figure du flâneur qui l'a beaucoup occupé, à travers ses écrits sur les fameux "passages" sur les boulevards (dont parle aussi longuement Aragon dans "le paysan de paris" et que vivant à Paris il y a dix ans je m'empressais de découvir intégralement). Une ville ou le piéton est roi. Alors que dans d'autres paysages urbains on peut marcher sans croiser personne, ici tout le monde croise tout le monde, et Paris est ainsi la ville prisée des réfugiés comme des bohémiens. 

 

Voici donc ces "vies politiques", ces vies avec la pensée, sans concession au fond, qu'Hannah Arendt nous décrit pleine d'admiration sans cacher ses réserves. Elle est de leur trempe.

 

Il y a ce dernier chapitre, bien étrange, sur Martin Heidegger, son ancien amant et maître. Ce rallié au nazisme. Elle n'y parle pas de leur relation. Elle explique en quoi une génération a vu en Heidegger une grande lumière, ayant le sentiment de retrouver non pas un énième commentateur de la philosophie, mais un penseur dépassant enfin la vieille métaphysique. Elle n'élude pas le "problème" Heidegger, mais curieusement l'aborde laconiquement. Comme si l'explication ne nous concernait pas vraiment, mais restait à régler entre elle et lui, ou ne nous regardait pas tout à fait. Elle s'en tient à dire que lorsque le grand philosophe, de premier plan dans l'histoire humaine, se mêle des affaires du siècle, il ne peut que se rallier à l'absolutisme totalitaire. C'est ce que réclame la force de sa pensée. C'est là, selon Arendt, la vraie faute d'Heidegger. Le reste, elle le garde pour elle. Et pour lui. Quel dommage.

 

 

 



 

 


 


 


 

 

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commentaires

M
Merci pour cette belle colère...<br /> Je crois qu'il faut que je vous donne une autre ligne de recherche, afin de vous permettre de saisir plus facilement ce que sont mes préoccupations.<br /> Elle se trouve ici :<br /> http://souverainement.canalblog.com<br /> Bonne journée à vous,<br /> Très cordialement,<br /> Michel J. Cuny
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M
Bonjour,<br /> L’intérêt que vous portez à Hannah Arendt me détermine à vous indiquer l’étonnement qui a été le mien à lire, avec la plus grande attention, « Les origines du totalitarisme ». Vous en trouverez la<br /> marque dans :<br /> http://crimesdestaline.canalblog.com<br /> Très cordialement à vous,<br /> Michel J. Cuny
Répondre
J
<br /> <br /> j'ai vu votre article et votre blog pro stalinien. Je n'en partage pas du tout la logique, vous ne pouviez pas tomber plus mal. Je hais le stalinisme, et les restes qu'il a laissé dans les<br /> mécanismes intellectuels aussi bien chez ses renégats comme un F Furet que dans les représentations du monde de l'extrême gauche. Si nous ne vivons pas dans une société décente, c'est largement à<br /> cause du grand hiver Thermidorien que ce psychopathe, grand chef de la bureaucratie, a laissé tomber sur l'espoir venu de l'Est. Lénine l'avait senti venir, trop tard. Un de mes livres préférés,<br /> pour etre clair, est la ferme des animaux d'orwell, qui montre magnifiquement le processus de trahison stalinienne. Car le stalinisme est une déviation droitière. Un autre est le zéro et l'infi<br /> de Koestler. Dans mon panthéon figurent andreu Nin, léon trotsky, et bien d'autres grandes figures assassinées par les sbires de ce curé redéguisé en gangster puis en tortionnaire infernal. La<br /> perte de la guerre d'Espagne, qui est pour moi un crève coeur, nous la devons en partie au cancer stalinien qui a rongé le camp républicain. Si les espoirs d'une société égalitaire et libre en<br /> même temps sont pour l'instant éteints, nous le devons à l'immense gâchis du stalinisme et à ses crimes innombrables, à ses trahisons du mouvement ouvrier partout dans le monde. En 36 et 68 en<br /> France. A Budapest et à Prague. Les fautes du PC allemand stalinien ont grandement aidé hitler à accéder au pouvoir, et je ne parle même pas du pacte honteux plus tard. Partout ailleurs les<br /> partis croupions staliniens servaient comme des laquais l'intérêt d'une nomenkatura pourrie usurpant le beau mot de socialisme. Pour se lancer dans du révisionnisme comme vous le faites, il faut<br /> vraiment ignorer des pans entiers de la culture de notre siècle. Les trajectoires brisées de toute une génération de combattants révolutionnaires liquidés par ce grand paranoïaque. Des montagnes<br /> de preuves sont dans la littérature, l'histoire, les biographies de milliers d'hommes. Les meurtres de masse politiques, la iquidation de l'état major, la dékoulakisation, cette abomination... Le<br /> stalinisme c'est la violence, l'oppression, le mensonge, mais aussi la bêtise, le saccage de l'art, de la pensée matérialiste usurpée.  J'espère pour vous que c'est de l'ignorance ou quelque<br /> névrose. Mais ce n'est vraiment pas beau ce que vous faites. Il y a tellement de grandeur ailleurs, nul besoin d'aller en inventer dans ces monstruosités. Reprenez vous !<br /> <br /> <br /> <br />

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Lectures de Jérôme Bonnemaison

 

Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).


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D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.

 

Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.


Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk. Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.


 

De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la  bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».


 

J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde  le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.


 

Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.

 

 

Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…


 

Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.

 

 

Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.


 

Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.  


 

Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.


 

J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.


 

Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.

 

 

Jérôme Bonnemaison,

Toulouse.

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