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18 août 2012 6 18 /08 /août /2012 12:14


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Jours de canicule.

Il en est même difficile de lire. Je suis dans un profond roman qui m'est tombé dessus comme ça, venu du ciel. Mais trop tôt pour en parler, ce sera pour la prochaine.

 

... Donc : petite pause poétique !!! Eh oui !

 

Les féministes, enfin celles qui sont d'un esprit raffiné et subtil - il y en a beaucoup fort heureusement (mais le féminisme, souvent appréhendé sommairement pour pouvoir le caricaturer, est parcouru de débats dantesques et de tendances philosophiques sérieusement divergentes) - distinguent souvent machisme et virilité. Ainsi elles parviennent à penser l'égalité dans la différence. Pas une différence statique, figée, d'essence éternelle, ou même tout à fait monolithique, non. Mais une différence tout de même, aux sources diverses et encore mystérieuses (et pourquoi pas !), qui fait aussi (beaucoup à mon sens) le prix de notre présence commune dans l'humaine condition. Ces femmes ne demandent pas aux hommes de renoncer à la virilité bien au contraire. Bon... Encore faudrait-il cerner de quoi il s'agit.

 

Le poème de l'américain Walt Whitman"une femme m'attend", peut peut-être nous y aider un peu. 
Voyons cela. De toute façon aujourd'hui il fait 435 degrés et vous ne devez pas vous agiter sous peine de déshydratation, alors... Laissez vous porter. Je vous préviens, c'est un peu "Hot" quand même... Laissons nous tomber dans les "Feuilles d'herbe" du poète :
 

"Une femme m’attend
Une femme m’attend, elle contient tout, rien n’y manque;
Mais tout manquerait, si le sexe n’y était pas, et si pas
la sève de l’homme qu’il faut. Le sexe contient tout, corps, âmes,
Idées, preuves, puretés, délicatesses, fins, diffusions,
Chants, commandements, santé, orgueil, le mystère de la maternité,
le lait séminal, Tous espoirs, bienfaisances, dispensations,
toutes passions, amours, beautés, délices de la terre,
Tous gouvernements, juges, dieux, conducteurs de la terre,
C’est dans le sexe, comme autant de facultés du sexe, et toutes
ses raisons d’être.

Sans doute, l’homme, tel que je l’aime, sait et avoue les délices
de son sexe, Sans doute, la femme, telle que je l’aime, sait et
avoue les délices du sien.

Ainsi, je n’ai que faire des femmes insensibles,
Je veux aller avec celle qui m’attend, avec ces femmes qui ont le sang
chaud et peuvent me faire face, Je vois qu’elles me comprennent et
ne se détournent pas.

Je vois qu’elles sont dignes de moi. C’est de ces femmes que je veux
être le solide époux. Elles ne sont pas moins que moi, en rien;
Elles ont la face tannée par les soleils radieux et les vents qui passent,
Leur chair a la vieille souplesse divine, le bon vieux ressort divin;
Elles savent nager, ramer, monter à cheval, lutter, chasser, courir, frapper,
fuir et attaquer, résister, se défendre.

Elles sont extrêmes dans leur légitimité, - elles sont calmes, limpides,
en parfaite possession d’elles-mêmes. Je t’attire à moi, femme.

Je ne puis te laisser passer, je voudrais te faire un bien;
Je suis pour toi et tu es pour moi, non seulement pour l’amour de nous,
mais pour l’amour d’autres encore, En toi dorment de plus grands héros,
de plus grands bardes.
Et ils refusent d’être éveillés par un autre homme que moi.
C’est moi, femme, je vois mon chemin;
Je suis austère, âpre, immense, inébranlable, mais je t’aime;
Allons, je ne te blesse pas plus qu’il ne te faut,
Je verse l’essence qui engendrera des garçons et des filles dignes
de ces Etats-Unis; j’y vais d’un muscle rude et attentionné,
Et je m’enlace bien efficacement, et je n’écoute nulles supplications,
Et je ne puis me retirer avant d’avoir déposé ce qui s’est accumulé
si longuement en moi, A travers toi je lâche les fleuves endigués
de mon être, En toi je dépose un millier d’ans en avant,
Sur toi je greffe le plus cher de moi et de l’Amérique,
Les gouttes que je distille en toi grandiront en chaudes et puissantes
filles, en artistes de demain, musiciens, bardes; Les enfants que
j’engendre en toi engendreront à leur tour, Je demande que des hommes
parfaits, des femmes parfaites sortent de mes frais amoureux;
Je les attends, qu’ils s’accouplent un jour avec d’autres, comme
nous accouplons à cette heure, Je compte sur les fruits de leurs
arrosements jaillissants, comme je compte sur les fruits des
arrosements jaillissants que je donne en cette heure.
Et je surveillerai les moissons d’amour, naissance, vie, mort,
immortalité, que je sème en cette heure, si amoureusement."

 

....

(Vous vous dites sûrement, là Walt il est un peu parti... Eh oui, c'est vrai qu'il a un peu lâché prise... Mais c'est un poète que voulez-vous...)

 

Dans ce poème, Whitman assume son désir et il s'empare de la femme qui l'attend. Elle l'attend parce qu'elle aussi a ce désir. L'homme viril sait qu'il y a un désir féminin et pas un objet de son désir, ou un être qui conssent, fataliste, à son désir, et cela le rend heureux. Mais sa virilité, justement, est dans la dignité de son propre désir. Dans la pleine conscience de l'intégrité de la femme et de la réciprocité. L'homme digne de ce nom n'a rien de commun avec un misérable lubrique, appauvri par son unilatéralisme minable. Ce qui l'attire avant tout, c'est la richesse infinie de cette femme qui l'attend.

 

Whitman réconcilie, loin des gnostiques et leurs héritiers, le corps et l'esprit. Le sexe est beaucoup plus que le sexe, on se trompe en essayant de le rendre annexe, d'en faire un plaisir seulement particulier. On se trompe évidemment en le salissant, en le rendant honteux et coupable, ou même inférieur à on ne sait quelle dimension (attention honte et pudeur n'ont rien à voir, et Whitman s'il est viril, est pudique). Car le sexe a partie liée avec la grandeur du monde.

 

L'esprit s'étend au monde charnel. C'est pourquoi l'usage du corps est tellement lié à l'amour. On peut évidemment penser, et on aura pas totalement tort, que l'amour est un piège tendu à la conscience pour lui faire accepter le sexe et la reproduction. Mais avec les êtres humains, qui ont tout compliqué depuis leur sortie de l'animalité, la dialectique n'est jamais loin : le sexe ouvre aussi, pour les êtres qui ont la chance de cette perception (comment on y parvient, pourquoi on ne le ressent pas, ce sont de vastes questions), sur de nouveaux continents de l'amour. Aux êtres non prosaïques tout est permis, et Walt W nous montre le chemin possible à travers ces belles accumulations qui peuplent ses vers.

 

La sensualité n'est pas une tare ou une faiblesse mais un des signes de la grandeur d'une femme. Whitman ne "veut pas des femmes insensibles", car c'est dans la manifestation de la chair que toute la vérité du monde est accessible à l'homme et au poète. La chair ne se suffit pas, l'esprit ne se suffit pas, la vraie vie c'est leur unité et nous pouvons y parvenir car nous avons tout pour cela, chaque être humain.

(Ca le fait non ? Ne vous plaignez pas !)

 

Le sexe c'est naturel bien entendu. Et WW l'intègre dans une sorte de panthéïsme charnel. Il s'agit de célébrer et de revivifier sans cesse cette nature dont nous sommes une monade certes, mais toujours ancré au coeur du monde. Le sexe, c'est donc, rien de moins, une fenêtre sur l'Immortalité, et le vecteur superbe de la continuité incroyable de la puissance naturelle. Ce n'est pas étonnant alors, que l'on s'y adonne. C'est une chose rare, comme la musique, qui est une victoire contre le temps et l'isolement.

 

Ils sont forts ces américains !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Lectures de Jérôme Bonnemaison

 

Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).


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D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.

 

Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.


Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk. Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.


 

De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la  bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».


 

J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde  le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.


 

Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.

 

 

Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…


 

Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.

 

 

Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.


 

Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.  


 

Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.


 

J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.


 

Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.

 

 

Jérôme Bonnemaison,

Toulouse.

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