Mes mille et une nuits à lire
Blog d'un lecteur assidu
B on, autant le dire de suite, "Le socialisme gourmand" de Paul Ariès , ce n'est pas un grand livre mais une intervention au passage, une contribution. Ca se lit vite, très vite, comme on boit un demi en terrasse, la pensée y est légère comme un crépuscule...
L e Portugal, dont mes parents s'étaient entiché, depuis la révolution des oeillets, éclaire mon enfance de son soleil, contrastant avec tous ces souvenirs plus ombragés, rangés dans la trappe de l'inconscient et que les évènements de la vie tirent de...
U n récent article de Francis Fukuyama, celui qui théorisa -belle sottise- la fin de l'Histoire après la Chute du Mur de Berlin, a attiré l'attention sur l'anxiété des classes moyennes, sur leur impatience, de par le monde. Elles sont la force active...
J e suis sensible au glamour. Longtemps je ne l'ai point été, y voyant sans doute un symptôme narcissique de l'ère bourgeoise, mais je pense que c'est la Soul, le Jazz, plus largement le grand souffle de la culture américaine, qui m'y ont ouvert. Les...
V oici un petit bijou de sagesse, d'intelligence exprimée dans la simplicité (et donc dans la fraternité), de sincérité - jusqu'à la confession-. Dans un petit essai, "Un paradigme" (excellentes éditions Allia), dont le titre ("un" et pas "le") souligne...
" C hansons ! Chansons que tout cela"... Inepte réflexion, car la chanson n'est certainement pas superflue, mais essentielle aux êtres parlants que nous sommes.... Dans son essai sympathique et teinté de nostalgie, où viennent s'intercaler des récits...
S i on devait ne lire qu'un texte pour fracasser l'idée nocive selon laquelle la culture relèverait du superflu, la lettre de Charlotte Delbo à Louis Jouvet, publiée en 1975 sous le titre " Spectres mes compagnons" serait très indiquée. Ce mépris de la...
" Enée aiguisa Mars en son coeur"... ... Jamais on ne se lassera du génie antique. En tout cas on ne devrait pas. Une telle petite phrase, issue de " l'Eneïde" de Virgile recèle tant d'intelligence, en ce qu'elle démontre, justement, la capacité de la...
Que voila un livre passionnant ! Voila un livre singulier, une plongée dans la vie contemporaine. Un vrai parcours. Un cadeau au lecteur sédentaire (que je suis). Je pense à John Reed en russie et dans le mexique insurgé. Même si Reed était clairement...
M isère de l'édition des essais en France, où le public lecteur reste coupé d'une partie importante du débat mondial (à moins de lire l'anglais facilement, donc d'être quelqu'un dont le métier est de lire...). L'essai d' Hannah Arendt sur les révolutions...
L e roman de F. Exley , "dernier stade de la soif" , date des années 60. Il retrace l'odyssée alcoolique et piteuse de son auteur. On me l'a offert (merci Florence L), et c'est une belle découverte. Les critiques semblent vendre ce livre comme celui d'un...
Paul Valéry goûte les paradoxes. Dont celui d'expliquer souvent qu'une des caractéristiques de la modernité, c'est l'imprévu, alors qu'il ose lui-même prévoir, jouer à l'oracle. Avec grand succès. " Regards sur le monde actuel et autres essais" regroupe...
Q uand Rainer Maria Rilke écrit ses "Lettres à un jeune poète" : jeune officier qui lui soumet ses poèmes d'amateur, il lui répond pour lui seul. Et pourtant on croirait à une correspondance avec le monde entier, à une fausse correspondance destinée à...
C 'est un livre d'ethnologie "savante" dans les règles de l'art et c'est néanmoins le meilleur roman que j'ai lu (d'une traite) depuis un bon moment, rédigé avec talent et clarté (ce qui montre que la rigueur en sciences sociales ne passe pas forcément...
D e temps en temps je me replonge dans des travaux de facture universitaire en sciences humaines, dont on se demande qui les lit, à part (et encore) leurs collègues positionnés sur les mêmes niches. Ils sont pleins d'intérêt au prix d'un débroussaillage...
R oberto Bolano n'a pas jugé utile de transmettre à un éditeur ce manuscrit écrit en 1989, paru après sa mort : "Le troisième Reich" , et en sachant cela, après avoir lu ce livre, on reste abasourdi de de son exigence littéraire. Avec un tel roman, peut-être...
"Trouble dans le genre" (le féminisme et la subversion de l'identité) de Judith Butler est considéré comme un ouvrage clé dans l'histoire du féminisme. Comme je m'y intéresse particulièrement depuis quelques temps, s'agissant d'un enjeu de libération...
Les hors séries Télérama sont vraiment de véritables "mooks". Mélange de livre et de magazine, réalisé avec soin et souci de l'inédit. Une oeuvre utile, un respect du lecteur qui ne court pas les couloirs du monde journalistique. J'aime beaucoup celui...
Antonio Munoz Molina a commis, avec son "Tout ce qu'on croyait solide", un pamphlet superbe, où son style efficace, son sens de l'anecdote et de la description sont placés au service d'une charge courageuse contre son propre pays qui est plongé dans une...
L 'essai démystificateur de Guillaume Duval, "Le modèle allemand au delà des mythes" est un livre très utile, alerte, incisif et convaincant. Voici quelqu'un qui n'a pas pris sa plume pour rien, même s'il ne fait qu'effleurer les conséquences de ses propres...
" La nouvelle pornographie" de Marie Nimier , petit roman intimiste écrit en 2002, n'a rien d'un manifeste pour le renouvellement du genre porno. C'est le moins que l'on puisse dire. Marie Nimier s'y met en scène face à la commande d'un éditeur qui lui...
H annah Arendt, qu'on croise souvent dans ce blog, et Gershom Scholem, cabbaliste et grande figure intellectuelle juive, se sont connus en Allemagne avant la deuxième guerre mondiale. Ils ont cheminé ensemble, divergé, et ont correspondu longtemps. Leur...
Q u'est ce que la réalité ? C'est quand on se cogne disait Lacan. Et Philip K Dick ne cesse d'y cogner ses personnages et de nous les montrer dans leur embarras, toujours au bord du gouffre. Seulement ils ne savent pas s'ils délirent ou sont dans une...
" Ce n'est pas la social démocratie qui conquiert les villes et l'Etat, c'est l'Etat qui conquiert le Parti, et je ne vois pas comment cela pourrait constituer un danger pour la société bourgeoise" Max Weber, 1903 J 'ai lu que Guy Bedos se sentait "politiquement...
M ircea Eliade était un sale type, qui a appartenu à la garde de fer roumaine (ce qui fut longtemps caché), une sorte d'aile droite de l'extrême droite, c'est dire... (dans son livre sur le procès Eichman Arendt rappelle comment les collabos roumains...
Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).
D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.
Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.
Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk.
Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.
De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».
J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.
Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.
Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…
Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.
Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.
Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.
Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.
J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.
Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.
Jérôme Bonnemaison,
Toulouse.