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26 avril 2014 6 26 /04 /avril /2014 13:57

Enthousiasmé par son World War Z très récemment chroniqué dans ce blog, j'ai décide de poursuivre l'œuvre de Max Brooks consacrée au fléau zombien en lisant son "Guide de survie en territoire zombie". Bien m'en a pris.

 

Il s'agit d'un manuel très pratique, abordant sur un ton pragmatique, utilitariste, tout ce qu'on doit savoir pour saisir une chance de s'en tirer face à une épidémie zombique. Les différents niveaux de crise (1, 2, 3) sont abordés, et nous disposons là d'une mine de conseils pratiques absolument indispensables. Ils pourront d'ailleurs être utiles dans d'autres types de situation posant un risque vital : mais nous avions vraiment besoin de ce guide spécifique, l'apparition de zombies dans notre environnement ayant certes des points communs avec la grippe espagnole, mais soulevant nombre d'autres enjeux, dont le combat pour la survie avec des créatures hideuses, stupides et brutales, animées par l'unique préoccupation de nous dévorer et disposant d'une endurance sans limite (jusqu'à décomposition de leur corps, qui met à peu près cinq ans tout de même).

 

A vrai dire, l'auteur postule que la survie est le seul but possible. Il ne nous propose pas une réflexion plus fondamentale sur le sens qu'on peut y donner. Or quand on voit ce qu'il est nécessaire de traverser, on peut se demander si cela vaut le coup... C'est un manuel à usage individuel, le collectif n'étant abordé que de manière utlitariste, à travers l'union des forces. A un moment, l'auteur nous dit que certes on peut aider quelqu'un en difficulté, pourquoi pas, mais franchement il ne s'attarde pas. Le ton de réalisme absolu est de mise face à l'ampleur de la menace. Un semblant de morale prévaut tout de même : il s'agit bien de sauver l'espèce en se sauvant soi-même, et on ne nous conseille pas de voler ou de manger nos semblables, mais au contraire de nous méfier des bandits qui profiteront du chaos général.

 

C'est un livre très drôle, si on aime l'humour noir, car en vérité ceux qui commettent des impairs finissent souvent en steaks hachés. En réalité le livre nous livre une image de nous-même comme nous sommes aujourd'hui : dépendants, émollients, pas débrouillards pour un sou, emprisonnés dans des environnements qui exposés à une menace perdent toute valeur. Drôle est aussi le ton très scabreux et cette idée, progressant à travers le livre, selon laquelle pour survivre il faudrait en gros préparer le combat des années à l'avance et ne se préoccuper que de cela (préparant des parcours, des plans B, la constitution de stocks, d'une équipe, la planification d'un entraînement régulier...). L'ampleur de notre vulnérabilité face à une menace globale déclenche le rire... Jaune.

 

Le Guide intègre sur un mode sarcastique (j'aime beaucoup les petits dessins type notice) toute celle production culturelle de la catastrophe, qui caractérise notre époque de peur de l'avenir, d'effondrement du concept de progrès. On songe au sublime "La Route" de Cormac Mac Carthy. Si cette culture du désastre a un temps cherché la menace ailleurs : la météorite, l'alien, elle se recentre sur terre. Elle comprend désormais que la menace est endogène. Tel Godzilla ou The Host. Les morts vivants sont une menace on ne peut plus endogène, puisque nous sommes eux, ils se nourrissent de nous, et nous devenons eux.

 

Les zombies sont des créatures univoques, brutales, gémissantes et crétines (ce qui participe grandement du comique du livre), fonctionnant à l'instinct de dévoration sans limites, sans aucun égard pour leurs semblables qu'ils ne voient même pas. A qui vous font ils penser ? A l'homme consumériste sans doute ? Quelqu'un qui fonce tout droit à sa perte et à la nôtre et qu'on ne peut pas raisonner. Irrécupérable.

 

Le Zombie c'est nous, notre versant terrifiant. Il se gave de chair un point c'est tout. Nous secrétons le zombie. Il est moche, cruel, unidimensionnel comme le disait Marcuse. Le monde fabrique ses propres fossoyeurs. A vrai dire, certaines périodes de l'histoire approchent la grande catatrophe zombie. Ce qui s'est déroulé au Rwanda y ressemble.

 

Max Brooks, je crois, a eu un succès de lecture dans les cercles alternatifs. Et pour cause. Il nous décrit un avenir promis au désastre, dont la seule certitude est que nous aurons à lutter pour difficilement survivre. On ne peut rien y changer, on doit juste s'y préparer. L'élimination des zombies, en cas de survie de l'espèce au premier choc, met ensuite des décennies. Et le monde doit être rebâti. Brooks recense de nombreuses épidémies locales dans le passé qu'il nous relate avec un grand sens romanesque et réaliste. On les tait systématiquement, à chaque fois. On trouve là l'allégorie de pouvoirs qui s'aveuglent et nous préservent de vérités pour gagner du temps. Brooks en appelle ainsi à s'informer soi même et à ne plus croire à la parole officielle.

 

Un guide bien de son temps, donc. Qui régalera les grands pessimistes grinçants.

 

 

 

 

 

 

La survie mode d'emploi (Guide de survie en territoire zombie, Max Brooks)
La survie mode d'emploi (Guide de survie en territoire zombie, Max Brooks)
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Lectures de Jérôme Bonnemaison

 

Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).


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D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.

 

Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.


Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk. Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.


 

De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la  bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».


 

J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde  le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.


 

Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.

 

 

Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…


 

Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.

 

 

Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.


 

Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.  


 

Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.


 

J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.


 

Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.

 

 

Jérôme Bonnemaison,

Toulouse.

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