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24 août 2014 7 24 /08 /août /2014 23:31

La matrice de toutes les histoires reste pour nous, occidentaux, l'Illiade homérique.

 

Mais l'australien David Malouf choisit pour sa part, avec son roman "La rançon", d'y faire son nid.

 

Il revient longuement, d'un style prodige, fidèle aux sensations méditerranéennes que le mythe suggère, sur le moment de l'Illiade, où Achille le Grec, rend fou de colère par la mort de son ami Patrocle, tue Hector, fils du Roi de Troie Priam, et pendant onze jours traine son corps derrière son char devant les murailles de la ville. Priam alors, dans un total dépouillement, vient lui-même dans le camp grec proposer une rançon à Achille et reprendre le corps d'Hector pour lui rendre les hommages de ce temps. Achille accepte.

 

Malouf dit dans sa post face qu'il a découvert l'Illiade pendant la seconde guerre mondiale, le lien avec les évènement le choquant. Depuis  il est marqué sans doute par la dialectique du réel et de la fiction.

 

Ici il vient superbement densifier l'humanité dans l'Illiade, donner une épaisseur sensible aux personnages de la tragédie homérique, en donnant plus de vie à la nature qui les entoure aussi.  Mais aussi développer des aspects de ces moments qu'Homère a survolés ou omis.

 

Ainsi si l'on omet, c'est que l'on suppose que la scène est réelle. Alors non seulement la fiction est comme le monde, inépuisable, mais en plus elle est aussi réelle que le réel,  à partir du moment où elle compte dans nos vies. Et ces scènes ont beaucoup inspiré et compté.

 

En donnant leur pleine humanité à ces personnages, Malouf les autonomise des Dieux aussi. Priam, en prenant une initiative jamais réalisée, s'en remet à l'inédit, et évoque même le hasard qui fera ou non qu'il arrivera jusqu'au camp des achéens encore vivant. Aux côtés du charretier qui l'accompagne, il découvre sa commune humanité avec un sans grade absolu, mais aussi des dimensions essentielles de la vie qu'il a ignorées depuis qu'il est roi : le plaisir simple de la nature (mettre les pieds nus dans un torrent), le rapport direct à la nourriture et la connaissance de leur préparation, le bonheur de parler sans artifice. Il se coule dans la peau du père, et non plus du Roi  ; en vient à se demander pourquoi il a si peu souffert, au final, de la perte de si nombreux fils. Et c'est comme cela qu'il rencontre Achille, qui lui aussi pense à son jeune fils qui arrive de Grèce, et au défunt Patrocle, son ami d'enfance (Malouf invente la naissance de cette amitié qui n'est pas évoquée par Homère). Le portrait du roi Priam est une belle réflexion sur l'amputation d'humanité que provoque le pouvoir absolu.

 

Homère fut tout près d'inventer l'Histoire en somme. Celle faite par les Hommes. Ses personnages, ici, s'y risquent. Mais ils inventent aussi le roman, sortant de l'épopée, pour vivre leurs doutes, manifester de l'introspection, des sensations longuement exposées, des rêveries. Malouf n'a pas supprimé les Dieux, loin s'en faut. Ce monde là ne peut tenir sans eux. Mais il y a une distance. Les personnages sont tournés vers eux-mêmes et vers les autres, les Dieux sont des circonstances.

 

Ce qui n'était que passage de la grande Illiade, prend de toutes autres proportions. Mais ce sont bien eux que nous connaissions : Priam, Achille, Hécube, Cassandre. Ainsi ce sont les histoires qui nourrissent, pour l'éternité, nos Histoires. Histoires inspirées, en gigogne, amplifiées. Tout à la fois.

 

Illiade un peu plus humaine encore ("Une rançon", David Malouf)
Illiade un peu plus humaine encore ("Une rançon", David Malouf)
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E
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Lectures de Jérôme Bonnemaison

 

Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).


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D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.

 

Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.


Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk. Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.


 

De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la  bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».


 

J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde  le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.


 

Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.

 

 

Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…


 

Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.

 

 

Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.


 

Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.  


 

Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.


 

J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.


 

Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.

 

 

Jérôme Bonnemaison,

Toulouse.

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