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24 novembre 2014 1 24 /11 /novembre /2014 23:33

Un roman qui poursuit une cause juste est il nécessairement un bon roman ?

 

Non. C'est en tout cas mon avis de lecteur. Je vais ici dire que je n'ai pas aimé le roman dont il s'agit, en l'occurence "Dragon bleu, tigre blanc" de Qiu Xiaolong. Donc que ce n'est pas un "bon roman" (de mon point de vue bien évidemment, mais tout est point de vue).

 

Je n'aime pas trop ça, parler des lectures que je n'ai pas aimées, je préfère défendre des livres. Mais je voudrais aussi dire ce qui, de mon point de vue de lecteur, qui a le droit d'en avoir un (à partir du moment ou une parution s'expose) n'est pas un bon roman. L'auteur, qui vend partout dans le monde, s'en fiche. Mais il aurait bon droit de dire "tu es un lecteur en carton". Chacun son droit.

 

Il s'agit d'un roman policier qui se passe en Chine contemporaine, écrit par un exilé dissident, et qui dénonce la corruption à Shangaï et ses aspects impitoyables. La cause est juste. L'auteur vend beaucoup, et sans doute le vecteur romanesque et polardeux, dont on sait que c'est le genre en vogue, lui permet de toucher des millions de gens et de mettre la pression sur le régime qu'il combat. S'il écrivait de savants essais sur les rouages du PC Chinois, peut-être, sans doute, son propos passerait -il inaperçu.

 

Mais ici c'est un blog de lecture. Et donc j'ai envie de dire que ce n'est pas un bon roman.

Pourquoi ?

 

D'abord parce que l'intrigue est pauvre. En gros un policier de haut niveau est écarté, il ne sait pas pourquoi. On tente de le piéger puis pire. Et peu à peu il trouve pourquoi, mais en gros en allant voir des collègues sympas qui cherchent sur internet, interrogent des gens qui leur répondent, et copient des mails qui dénoncent les méchants. On s'ennuie. Manifestement, c'est inspiré d'un scandale réel. Mais le réel n'est pas le romanesque. Il ne suffit pas au romanesque.

 

Ensuite, parce que, cédant sans doute aux attentes, le roman est principalement un voyage touristique, à forte tendance gastronomique comme le tourisme aujourd'hui, dans la Chine d'aujourd'hui. D'ailleurs l'obsession gastronomique, le fait de nous détailler pendant des heures ce que mangent les personnages, est une tare commune dans le polar contemporain. Je ne m'explique pas pourquoi. Mais c'est ainsi. D'ailleurs peut-être quelqu'un a commencé (Montalban ?) et les autres ne font que suivre. C'est possible. Ainsi a t-on droit à examiner tous les plats de maints restaurants, agrémentés de thés. C'est lassant. C'est presque indigeste, au sens propre. On ne fait que manger dans ce roman. Moi je ne lis pas pour déjeuner par procuration.

 

C'est censé être un roman policier réaliste. Mais tout réalisme est il romanesque ? Bof.

 

Il faut y ajouter cette sensualité pudibonde asiatique que l'on attend, et qui est au rendez-vous. Ce qui est au rendez-vous dans un livre est toujours décevant. Les femmes sont belles, évidemment. Elles ont de jolis peignoirs. Elles sont grandioses, prudes, mais disposées à sacrifier leur vertu pour l'homme qu'elles aiment sans lui dire. C'est censé nous faire rêver.

 

Ensuite il y a ce défaut, qu'on retrouve chez Jorge semprun, de faire sans cesse répéter par coeur des poèmes aux personnages. Vous connaissez vous, des gens qui récitent des poèmes sans cesse, même au milieu d'un dialogue ? Il se trouve que là, ce sont tous les personnages. Bon. Est-ce chinois ? C'est ce qu'on croit comprendre. Moi ça me laisse quand même circonspect. Je crois que c'est surtout destiné à "faire littéraire". La touche de beauté au milieu du récit ennuyeux d'un type qui remonte, en téléphonant depuis des restaurants, une histoire de corruption d'une banalité morne.

 

Le style est lêché. Mais n'a rien d'exceptionnel qui pourrait sauver le roman.

 

Quand on lit un roman et qu'on sent que ce sont des lasagnes, des couches superposées (la gastronomie, la corruption, les poèmes), on sent que le roman est mal cuit. Un roman c'est sans doute une sauce, pas des lasagnes. Un roman ne doit pas trop donner sa composition, sinon on n'entre pas en lui. D'ailleurs, signe fort : on ne se rappelle pas des personnages. Un certain "Fei' par exemple, apparait et meurt. Mais quand il meurt, je ne me rappelle pas de qui il est. La psychologie des personnages est absente. Ils n'existent pas. Il y a d'excellents romans non psychologiques. Dont la psychologie ressort de l'action. Mais ici les personnages mangent, et sont très gentils les uns avec les autres. A vrai dire, on ne leur prête aucun intérêt.

 

Bravo pour le succès, bravo pour le courage politique. Mais pas pour le roman. Désolé. A offrir en annexe du Routard Chine.

Cause juste, mauvais roman ("dragon bleu, tigre blanc", Qiu Xiaolong)
Cause juste, mauvais roman ("dragon bleu, tigre blanc", Qiu Xiaolong)
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commentaires

G
&quot; Personne n'a jamais tout à fait tord. Même une horloge arrêtée donne l'heure juste deux fois par jour.&quot;<br /> <br /> Bah quoi? Je commence toujours mes phrases par un proverbe chinois moi aussi... Tu en doutes? Tu dois avoir raison...<br /> <br /> Plus sérieusement. Ta critique est intéressante. Elle soulève pour moi la sempiternelle question du style. Peut-on apprécier un ouvrage sans style? Et surtout qu'est ce que le style? <br /> <br /> Bref, personnellement je n'arrive pas à accrocher à un ouvrage s'il n'a pas une poétique, quelque chose qui m'accroche. Mais comme le dit le proverbe de tout à l'heure &quot; Personne n'a jamais tout à fait tord&quot;, indique que chacun peut y trouver son compte...
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Lectures de Jérôme Bonnemaison

 

Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).


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D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.

 

Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.


Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk. Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.


 

De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la  bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».


 

J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde  le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.


 

Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.

 

 

Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…


 

Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.

 

 

Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.


 

Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.  


 

Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.


 

J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.


 

Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.

 

 

Jérôme Bonnemaison,

Toulouse.

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