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15 février 2015 7 15 /02 /février /2015 01:00
Et si on se civilisait par le livre ? (rêvons un peu)
Et si on se civilisait par le livre ? (rêvons un peu)

 

Vous en conviendrez... Il y a de quoi être inquiet. Nous sommes en février 2015. Nous devrions être méfiants, même, envers qui ne l'est pas, envahi d'inquiétude. Foncièrement. Qui peut se sentir "confort" dans un tel monde ?

 

Et si la lecture était une voie possible pour retrouver l'espoir ?

 

Je ne vais pas développer les raisons qui font que la lecture transforme. C'est le propos qui file à travers tout ce blog, dans près de trois cents articles. Ils ne disent presque que cela. Prenez-en un au hasard.

 

Chaque amoureux de la lecture sait ce que lire, cette activité indispensable car inutile et intempestive, est capable de provoquer. Ce qui est vrai individuellement peut l'être à échelle macroscopique. Je n'ignore pas, cependant, que le savoir ne suffit pas. L'Allemagne des années 30 était avancée en matière d'éducation. Et bien des brutes ont été et sont lettrées. Il y a des rapports fanatiques à la lecture, du texte transcendant. C'est ainsi. Mais je ne connais pas d'humain considérable, au sens radical, qui ne soit sensible à l'art, et au sens. Dont l'écriture est l'impératrice, à tout jamais. Je n'en connais pas.

 

On pourrait ainsi rêver à une politique du livre. Pas à une action de lecture publique, qui existe, même si ses moyens sont rognés prioritairement (les communes ont réduit leurs investissements ces dernières années) en temps de "crise" (mais nous savons qu'il ne s'agit pas d'une fièvre de passage, mais d'une crise de civilisation globale, celle d'un système qui atteint le pic de ses contradictions intenables).

 

Oui, réfléchir à une politique radicale du livre. Qui viserait à le placer au centre de nos vies. Cela n'a jamais été le cas. Il l'a été, pour certaines couches sociales, ou plutôt fractions de ces couches. Mais il ne l'a jamais été à grande échelle dans une société de masse, à haut niveau d'éducation, comme l'est désormais la nôtre, si on comprend ce constat sur le long terme.

 

Evidemment tout complote contre une telle utopie, et d'abord la transformation pathogène du temps humain, qui éloigne les individus de la patience vers la beauté et l'émotion. Mais imaginons qu'il vienne à l'idée d'un gouvernement d'en faire, de ce livre qui résiste malgré les vents contraires, appuyé sur une société mobilisé, un axe premier, non seulement de sa politique culturelle, mais mobilisant toute sa puissance. C'est impossible certes, car le politique ignore tellement le long terme, et nos dites "élites politiques" qui n'en sont pas, travaillent à l'appauvrissement de la langue et flattent le flou, la pensée slogan, le manque de rigueur ou de nuance. Ils militent contre la logique du livre, en réalité. Ils confessent d'ailleurs qu'ils n'ont pas le temps de lire, comme notre propre ministre actuelle de la culture.

 

Toutefois, songeons-y à une telle politique de civilisation par l'écrit. Je vous épargnerai la question des "moyens" pour les médiathèques et les postes de profs de français, d'Histoire, de philosophie. On pourrait aussi parler de répartition de la plus value dans la chaine du livre, de droits d'auteur..  Tout cela, c'est primordial, mais il n'y a pas besoin de moi pour le dire. Des rapports entiers, intelligents, vous attendent sur le site servicepublic.fr. Des groupes de pression en causent mieux que moi.

 

Evidemment, c'est d'abord à l'école que nous penserions. Elle peut faire mieux, elle saurait faire mieux. Si on donne le pouvoir à ceux qui parviennent déja à transmettre le virus, et heureusement il y en a, j'en ai connus sur ma route et je leur suis reconnaissant pour toujours. Sans doute pourrait-on en particulier mieux exploiter ce par quoi l'image reine réclame l'écriture. Car on l'aime, l'écriture, sans le savoir, sans franchir le pont. Aimer une série télé, c'est être au bord de la lecture, car une série c'est de l'écriture d'abord, avant tout. Et toutes sortes de développements autour. Il en est de même avec la musique. Et tout jeune aime la musique. De ces passions solides on peut, on doit, revenir à la source : le livre.

 

Les librairies devraient être nos temples. Une société civilisée devrait exonérer toutes les librairies indépendantes de charges sociales, pour commencer (ce serait cent fois plus utile que les exonérations sans résultat d'aujourd'hui). Oui. La politique d'urbanisme devrait protéger ces temples contre la loi du marché immobilier. Donner des pouvoirs d'exception aux communes pour les préserver. Le livre doit avoir ses lieux pour exister. Il doit prendre de la place dans notre espace. D'où ma méfiance aigue envers le livre numérique, qui le rend invisible. Je préfèrerais qu'on dématérialise les voitures que les livres.

 

Chacun de nos jeunes devrait disposer d'un crédit lecture ouvert à sa naissance, dont un abonnement gratuit à un quotidien. Et durant tout au long de sa vie, avec dégressivité.

 

La télévision publique devrait redonner sa place au livre, aux écrivains, reconsidérés comme les éclaireurs du monde, sans la moindre concession à l'audience, sans les placardiser sur les chaines éducatives, ce qui est une manière d'en délester les autres. Les chaines privées devraient se voir imposer des obligations drastiques de défense de la culture. L'audience, ça se construit. Ca se méprise au départ, et ça se conquiert. Nous parlons de politique de civilisation. La télé publique devrait être dirigée par nos créateurs. Non par des financiers et des énarques, qui devraient y tenir un rôle secondaire, de second rang. Le livre, mais aussi ses arts siamois : le théâtre, le cinéma d'artiste et non de pur marketing, la musique (nos musiciens, nous les voyons en télé le jour des victoires de la musique) devraient être les VIP de la télévision.

 

L'université devrait renoncer aux cours magistraux, n'en déplaise aux mandarins, obligeant les étudiants à revenir aux textes (quelle tristesse que ces étudiants qui ne lisent pas. J'en étais malheureux lorsque j'étais à la fac. Le rapport utilitariste de nombre de mes copains au livre, y compris des littéraires ("c'est dans le programme") me désolait. Du coup ceux là n'étaient plus mes copains. C'est l'esprit même des examens qui devrait être revu pour ne pas récompenser l'adaptation et la révisionnite, mais la profondeur et la sincérité.

 

Il y a tant à penser et intégrer dans cette politique radicale du livre : de la prison (un pays a proposé des remises de peine en fonction de programmes de lecture) à la crèche ou fort heureusement on y travaille déja beaucoup.

 

Les politiques culturelles, et ceci vaut en général, devraient être reconsidérées, pour casser l'opposition entre pratique, éducation artistique et contemplation-consommation. Pour briser le mur entre l'élitisme et le mainstream. Entre le professionnel et l'amateur.

 

La question, c'est comment les deux dimensions se regénèrent en convergeant. Par l'organisation de projets ou chacun agit, dans la direction de l'autre, vers un moment où la rencontre existera et prendra sens. Tout cela existe, comme les résidences d'artistes. Mais reste confiné aux politiques culturelles. Or notre politique radicale du livre veut tout pénétrer. Aller partout. Dans tous les espaces publics, pour s'infiltrer ensuite dans les vies privées. Partout ou il y a des choses à dire, et donc à écrire et lire.

 

La politique en France est assimilée au pouvoir public. Or c'est juste une dimension parmi d'autres, réductionniste, de l'immensité du politique, qui embrasse toutes nos relations sociales. Nous avons aussi besoin de militants du livre. Les blogueurs en sont (j'espere en être un). Les gens qui organisent des clubs de lecture, d'échange de livres aussi, les organisateurs de salons et concours aussi. Même si comme partout les ambiguités et arrière pensées sont là. Mais nous devons militer pour le livre, non à l'aide de la morale et de l'utilité, mais au nom de l'amour des écrits et du plaisir. Pas seulement les bibliothécaires et les libraires. Mais tous ceux qui ne se résignent pas à sa marginalisation. A son mépris parfois. Qu'il ait été désacralisé, pourquoi pas ? Après tout il effrayait peut-être. Mais nous devons signifier au monde qu'il est un supplément immense de vie. Si l'éternité c'est le présent, alors le livre vous en ouvre les portes beaucoup plus immensément.

 

Cher lycéen tricheur qui visite ce blog pour faire ta fiche de lecture (je sais que tu es là, j'en ai des preuves): le livre, non seulement c'est hype, swag, mais c'est le trip complet.

 

 

 

 

 

 

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Lectures de Jérôme Bonnemaison

 

Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).


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D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.

 

Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.


Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk. Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.


 

De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la  bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».


 

J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde  le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.


 

Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.

 

 

Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…


 

Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.

 

 

Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.


 

Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.  


 

Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.


 

J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.


 

Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.

 

 

Jérôme Bonnemaison,

Toulouse.

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