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19 mars 2016 6 19 /03 /mars /2016 14:06
Entre nous et le chaos -" Qu'est-ce que la philosophie ?" Gilles Deleuze et Félix Guattari

" Nous demandons seulement un peu d'ordre pour nous protéger du chaos"

 

Ils sont durs à lire les bougres.

C'est que lorsqu'ils rédigent à quatre mains, ils se lâchent et laissent s'exprimer toutes les associations qui s'expriment à partir de leur immense culture. Gilles Deleuze et Félix Guattari ça pense et ça ne communique pas...  encore que c'est aussi une manière de communiquer car l'opacité est extrêmement attirante pour le glaneur de sens, ainsi que pour le snob évidemment, elle est comme une porte sublime pleine de promesses. On donne ici forme idiosyncratique à de la pensée en duo, et tant pis pour toi si tu ne suis pas et si tu n'as pas les clés pour entendre les innombrables références qui ne sont pas explicitées dans leur convocation mais totalement fondues dans la pensée en train d'opérer tandis qu'elle s'écrit. Ces deux- là devaient se mettre d'accord sur la problématique, puis écrire vite dans une sorte de transe.

 

D'ailleurs tu n'es pas obligé de liret si tu t'y risques, muni d'une sérieuse culture philosophique et littéraire tu peux sauter des passages opaques. Ce que j'ai fait en lisant l'anti oedipe, et cela a encore été mon cas en lisant ce "Qu'est-ce que la philosophie ?" tardif dans leur vie . Non pas un testament mais un retour sur soi même un peu anxieux au dépat : nous sommes censés être des philosophes. Mais qu'avons nous fait exactement se demandent les amis?

 

Ni sagesse ni dispute

 

La réponse est simple, au terme d'un voyage tumultueux à chaque ligne. La philosophie compose avec l'art et la science un arsenal dont nous disposons pour faire face au chaos.

 

Les auteurs ont dit avant ce livre que la philosophie peut être définie comme une activité consistant à créer des concepts.

 

- Sa spécificité n'est pas de penser, on pense sans elle.

 

- Elle ne consiste pas à la dispute. On se dispute sans elle, et à vrai dire 'la philosophie a horreur des discussions", affirmation qui rappelle la définition de la pensée par Arendt comme activité éminemment solitaire. Cependant il y a un paradoxe ici qui est tracassant, car les auteurs nous rappellent que la philosophie est fille de l'amitié, c'est parce qu'une société de l'amitié a émergé en grêce qu'on s'est mis à philosopher

 

- Elle n'est pas une sagesse ni une contemplation méditative - et la sagesse existait avant la philosophie -.

 

Une grande confusion utilitariste de notre temps, dont les auteurs n'ont pas eu le temps de voir toute l'expression commerciale, laisse penser que la philosophie c'est apprendre à être heureux ou "bon citoyen" - cf les cafés philo subventionnés-. La philosophie n'est ni "civique" ni "thérapeutique", elle  n'est pas définie non plus, malheureusement c'est le cas en France institutionnalisée jusqu'à la nausée, comme le fait d'être diplômé en philosophie, ou de citer des philosophes dans des essais - c'est moi qui parle là, pas Gilles et Félix. Non. Elle est une activité précise qui consiste à créer du concept.

 

La philosophie est immanente

 

"Platon disait qu'il fallait contempler les Idées, mais il avait fallu d'abord qu'il crée le concept d'Idée".

 

L'expression "créer des concepts" est matérialiste, et la philosophie est pour ces auteurs nécessairement matérialiste, placée sous les auspices de l'immanence - ce qui surgit de soi - et non de la transcendance, ce qui nous dépasse et s'impose à nous. La philosophie est Spinoziste nécessairement car ce "prince des philosophes" a traqué la transcendance impitoyablement, partout.  La philosophie est immanence, le religieux est transcendance.

 

Le concept ou l'Evènement

 

Il faut donc parler du concept. En surmontant la "honte" de voir ce mot sali par le marketing.

 

Le concept est un "tout fragmentaire". Le livre prend l'exemple du concept d'"Autrui". Ce concept articule trois composantes inséparables en lui, il rend le monde possible - voir à ce sujet dans ce blog l'article sur la préface de Deleuze au "Vendredi..." de Michel Tournier, c'est bien par autrui que nous pouvons être dans le monde -, il est un visage, il est un langage. 

 

Exemple de concept : le cogito de Descartes qui relie douter, penser, être

 

Tout concept, qui a une histoire, se raccorde à d'autres concepts, avec lesquels il se recouvre ou pas, négocie ses contours.

 

Le concept dit l'Evènement. Il ne dit pas l'essence d'un chose - puisque nous sommes en terrain matérialiste où l'existence précède l'essence -, ni l'état d'un phénomène. Le concept d'oiseau dit l'evènement d'un oiseau. Un oiseau a existé, existe, existera.

 

Le plan d'immanence

 

Il y a une idée essentielle : pas de concept sans une compréhension pré philosophique qui permette de les créér. Les auteurs la baptisent 

 

"Plan d'immanence'.

 

C'est un Tout qui permet déja à Descartes de dire "Je".

 

La philosophie naît en Grêce quand naît la possibilité de découper dans le chaos ce plan d'immanence, ce qui suppose de rompre d'une certaine manière, déjà, avec la transcendance. Il y a certes des philosophies qui intègrent la transcendance, mais elles sont fragiles, elles sont toujours à la limite de l'hérésie. Ainsi la philosophie chrétienne a existé, mais :

 

" l'autorité religieuse veut que l'immanence ne soit supportée que localement ou à un niveau intermédiaire". La philosophie chrétienne est donc une fontaine subalterne qui a toujours source plus haute et qui ne saurait la remonter pour la discuter. 

 

La philosophie est dangereuse pour l'ordre établi. "Elle engloutit les sages et les dieux". Il y a un "athéïsme du concept".

 

Un "grand philosophe" est sans doute celui qui crée un nouveau plan d'immanence, dans lequel on va créer des concepts. Il y a des néos kantiens, des néos platoniciens. Mais les plans d'immanence ne se succèdent pas historiquement, ils se superposent, et l'ancien resurgit sans cesse dans la dernière couche de feuilleté.  La philosophie est "un devenir" et non une Histoire. La philosophie selon nos auteurs est anti hegelienne.

 

Les concepts de la philosophie ont besoin de personnages conceptuels. Socrate, ou l'idiot de Descartes qui repart de rien, le "parieur" de Pascal. C'est grâce à ces figures que le concept peut s'inscrire sur le plan d'immanence.
 
Les 3 pensées
 
La philosophie se sépare de la science, en ce que la science utilise des fonctions et non des concepts. Elle fonctionne avec des observateurs partiels et non des personnages conceptuels.
 
Une fonction en science est un état de choses dans un plan de référence et un système de coordonnées - comme abscisse et ordonnée -.
 
Un concept vise l'Evènement sur un plan d'immanence et non de références. Un evènement n'est pas un état de choses, il est "immatériel, incorporel, invivable".
 
L'art quant à lui conserve un bloc de sensations. Son plan est celui de la composition.
 
Philosophie.
Art.
Science
 
Ces trois catégories  tracent des plans. 
 
Ainsi ils nous servent à faire face au chaos. Par l'activité de pensée.
 
"Penser c'est penser par concepts, ou bien par fonctions, ou bien par sensations".
 
Sans pensée, face à ce monde silencieux, à quoi serions nous livrés ?
A la pure terreur.
 
Et je conclus cet article en me disant que dans les romans terrifiants de Cormac Mac Carthy, comme "ridien de sang" ou "La route", on a totalement cessé de penser. Et il en est de même dans le dernier Mad Max. Le chaos ou la pensée.
 
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commentaires

L
Autant vos chroniques de romans sont épatantes, autant vous restez dans des niveaux de compréhension très approximatifs en matière de philosophie. Vous ne semblez pas avoir compris grand chose à Platon Spinoza Descartes ou Kant...
Répondre
J
merci de vous etre déplacé pour dire ça. En effet je ne suis pas diplomé de philosophie. J'en lis, ça m'interesse. Et puis je dis ce que je perçois. Désolé de vous décevoir. En même temps c'est gratuit hein. Et moi je signe de mon nom

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Lectures de Jérôme Bonnemaison

 

Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).


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D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.

 

Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.


Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk. Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.


 

De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la  bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».


 

J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde  le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.


 

Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.

 

 

Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…


 

Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.

 

 

Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.


 

Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.  


 

Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.


 

J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.


 

Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.

 

 

Jérôme Bonnemaison,

Toulouse.

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