-Celui qui écrit trace le plan d'un labyrinthe inédit dans un pénitencier. Un pénitencier dont on ne peut s'echapper. La langue.
les tunnels se croisent sans cesse dans l'intertextualite.
- Mais il y a des Mains levées à cette incarcération. La musique. L'amour et le sexe. La danse. La pure contemplation. L'intuition. La libre association. La mort. On a retrouvé des squelettes dans les tunnels : les aphasiques et psychotiques. Et des portes dérobees dont on soupconne les rhéteurs. Il y a d'admirables coups de grisou. Rimbaud par exemple.
- A propos de ce que l'on écrit, il est certes frustrant, dans une anthropologie consumériste, la nôtre, d'accepter que le jugement soit externe et collégial. En outre que ce jugement n'a rien de commun avec la démocratie. Il ne se mesure pas seulement a l'aune de la quantité mais aussi de la densité du lectorat qui juge. Densité nécessairement arbitraire bien que constituée partiellement du matériau des légitimités sociales.
- Même oligarchique, truquée, autiste, démagogue, auto référencée, nécrosée par le snobisme, même si l'offre crée sa demande par le marketing, l'édition est nécessaire et indépassable. En tant que sanction. Car le lecteur est le souverain. On ne choisit pas d'être écrivain. C'est l'édition et le lecteur qui vous choisissent écrivain.
- Ecrire est une activité solitaire mais hétéronome. Ecrire n'a semble t-il que peu de rapport avec la liberté.
- Bien écrire ce n'est pas se faire du bien d'écrire, ce n'est pas écrire pour se faire du bien. C'est le lecteur et lui seul qui est légitime. Mais les lecteurs ne sont pas égaux. L'arbitraire existe. C'est une dimension de la vie qu'on ne saurait chasser. Tout ne relève pas de l'esprit démocratique.
- La littérature n'est pas démocratique. Elle a un versant politique, par son contenu mais surtout par son existence même, car la littérature est transgressive en tant qu'elle marche contre le cours de la totalité du monde, c'est à dire de la valeur d'échange comme principe organisateur, mais elle n'a nul devoir démocratique. La liberté d'expression n'a aucun rapport avec le droit à être reconnu écrivain. Tocqueville serait tout sourire en voyant ces blogs d'écrivains autoproclamés. Symptomatiques des revers de médaille de l'esprit démocratique.
- Il n'y a aucun droit, philosophiquement tenable, à se proclamer écrivain, ou bien l'on prend ses risques. Comme il n'y a aucun droit à l'enfant. Mais là on reporte le risque. La prétention de l'écrivain non encore édité est du moins noble. Il s'expose. Seul.
- Ce blog est un blog critique. Ce n'est pas fortuit. La critique est légitime car le lecteur est souverain.
- Ainsi, qui s'annonce écrivain, poète, peintre ou je ne sais quoi dans l'identite créative doit bien peser ses risques. S'il échoue on aura raison de le considérer comme un jean foutre.
-Quand on me dit "je pense que je vais écrire" je songe, pardon, au pathos de robespierre a la tribune de thermidor.
A son "je demande la parole !" ad lib.
Ecrire ne s'annonce pas.
-Ecrire c'est comme dire " je t'aime", c'est performatif.
C'est cause et conséquence mêlées.
Qui annoncerait "attention je vais te dire je t'aime" ? Sinon les yeux du pervers.
-Ecrire ne saurait être un moyen. Ou un objectif intermédiaire.
Ou bien on écrit mal. On peut etre loué, célebré certes.
Mais on écrit des vêtilles.
-Ecrire réellement ce ne peut etre que précipiter sa narcisse dans le feu. Sans en attendre rien que de l'énergie de vie.
-Ecrire ne se conjugue.pas a l'impératif.
- Celui qui veut écrire. Sérieusement. Pas pour "faire" mais pour arracher des terres a la nuit. Celui la doit etre disposé a dire la vérité.
- Ecrire est une névrose. Ecrire est nécessairement conflictuel. Ecrire est une insurrection contre la condition métaphysique de l'Humain. Contre le temps et l'oubli. Contre le vide de sens.
Ecrire ce n'est pas normal.
- Pour ces motifs on peut douter de l'écriture comme thérapeutique. La sublimation n'est pas une thérapie.
- Qui prend le temps de lire est bien prétentieux d'écrire. C'est- à-dire de proposer au monde de lui attribuer du temps de lecture disponible. Quelle arrogance.