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23 avril 2016 6 23 /04 /avril /2016 14:18
Ecrire, dit-il

-Celui qui écrit trace le plan d'un labyrinthe inédit dans un pénitencier. Un pénitencier dont on ne peut s'echapper. La langue.

les tunnels se croisent sans cesse dans l'intertextualite.

 

- Mais il y a des Mains levées à cette incarration. La musique. L'amour et le sexe. La danse. La pure contemplation. L'intuition. La libre association. La mort. On a retrouvé des squelettes dans les tunnels : les aphasiques et psychotiques. Et des portes dérobees dont on soupconne les rhéteurs. Il y a d'admirables coups de grisou. Rimbaud par exemple.

 

- A propos de ce que l'on écrit, il est certes frustrant, dans une anthropologie consumériste, la nôtre, d'accepter que le jugement soit externe et collégial. En outre que ce jugement n'a rien de commun avec la démocratie. Il ne se mesure pas seulement a l'aune de la quantité mais aussi de la densité du lectorat qui juge. Densité nécessairement arbitraire bien que constituée partiellement du matériau des légitimités sociales

 

- Même oligarchique, truquée, autiste, démagogue, auto référencée, nécrosée par le snobisme, même si l'offre crée sa demande par le marketing, l'édition est nécessaire et indépassable. En tant que sanction. Car le lecteur est le souverain. On ne choisit pas d'être écrivain. C'est l'édition et le lecteur qui vous choisissent écrivain. 

 

- Ecrire est une activité solitaire mais hétéronome. Ecrire n'a semble t-il que peu de rapport avec la liberté.

 

- Bien écrire ce n'est pas se faire du bien d'écrire, ce n'est pas écrire pour se faire du bien. C'est le lecteur et lui seul qui est légitime. Mais les lecteurs ne sont pas égaux. L'arbitraire existe. C'est une dimension de la vie qu'on ne saurait chasser. Tout ne relève pas de l'esprit démocratique.

 

- La littérature n'est pas démocratique. Elle a un versant politique, par son contenu mais surtout par son existence même, car la littérature est transgressive en tant qu'elle marche contre le cours de la totalité du monde, c'est à dire de la valeur d'échange comme principe organisateur, mais elle n'a nul devoir démocratique. La liberté d'expression n'a aucun rapport avec le droit à être reconnu écrivain. Tocqueville  serait tout sourire en voyant ces blogs d'écrivains autoproclamés. Symptomatiques des revers de médaille de l'esprit démocratique.

 

-  Il n'y a aucun droit, philosophiquement tenable, à se proclamer écrivain, ou bien l'on prend ses risques. Comme il n'y a aucun droit à l'enfant. Mais là on reporte le risque. La prétention de l'écrivain non encore édité est du moins noble. Il s'expose. Seul.

 

- Ce blog est un blog critique.  Ce n'est pas fortuit. La critique est légitime car le lecteur est souverain. 

 

- Ainsi, qui s'annonce écrivain, poète, peintre ou je ne sais quoi dans l'identite créative doit bien peser ses risques. S'il échoue on aura raison de le considérer comme un jean foutre.

 

-Quand on me dit "je pense que je vais écrire" je songe, pardon, au pathos de robespierre a la tribune de thermidor.

A son "je demande la parole !" ad lib.

Ecrire ne s'annonce pas.

 

-Ecrire c'est comme dire " je t'aime", c'est performatif.

C'est cause et conséquence mêlées.

Qui annoncerait "attention je vais te dire je t'aime" ? Sinon les yeux du pervers.

 

-Ecrire ne saurait être un moyen. Ou un objectif intermédiaire.

Ou bien on écrit mal. On peut etre loué, célebré certes.

Mais on écrit des vêtilles.

 

-Ecrire réellement ce ne peut etre que précipiter sa narcisse dans le feu. Sans en attendre rien que de l'énergie de vie.

 

-Ecrire ne se conjugue.pas a l'impératif.

 

- Celui qui veut écrire. Sérieusement. Pas pour "faire" mais pour arracher des terres a la nuit. Celui la doit etre disposé a dire la vérité.

 

- Ecrire est une névrose. Ecrire est nécessairement conflictuel. Ecrire est une insurrection contre la condition métaphysique de l'Humain. Contre le temps et l'oubli. Contre le vide de sens.

Ecrire ce n'est pas normal.

 

- Pour ces motifs on peut douter de l'écriture comme thérapeutique. La sublimation n'est pas une thérapie. 

 

- Qui prend le temps de lire est bien prétentieux d'écrire. C'est- à-dire de proposer au monde de lui attribuer du temps de lecture disponible. Quelle arrogance. 

 

 

 

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Lectures de Jérôme Bonnemaison

 

Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).


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D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.

 

Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.


Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk. Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.


 

De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la  bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».


 

J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde  le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.


 

Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.

 

 

Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…


 

Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.

 

 

Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.


 

Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.  


 

Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.


 

J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.


 

Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.

 

 

Jérôme Bonnemaison,

Toulouse.

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