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12 mai 2017 5 12 /05 /mai /2017 09:07

Patrick Lowie réalise des galeries de portraits dits oniriques, où à partir de bribes, comme un rêve d'enfance raconté par le concerné, une photo, il laisse aller ses songes à partir de ces fragments de vie. Il m'a fait le plaisir de me consacrer un de ses rêves littéraires. Le voici. Retrouvez ce projet empathique, dans la verve du surréalisme belge, sur le site LEMAGUE.NET

http://www.lemague.net

 

PORTRAIT DE JÉRÔME BONNEMAISON PAR PATRICK LOWIE

Portrait de Jérôme Bonnemaison

Next (F9) vous propose des portraits de personnalités connues ou inconnues, des poètes ou des vendeurs de boutons, des gauchos ou des gauchers. L’important est de rêver. Chacune des personnalités est contactée personnellement, décide de sa photo à publier et raconte à Patrick Lowie un rêve marquant. Précision d’usage : ce portrait est un portrait onirique, et donc, ce n’est qu’un portrait onirique et imaginé. Par conséquent, l’histoire qu’il raconte n’est pas une histoire vraie.

Jérôme Bonnemaison, enfant, doux, vêtu d’un costume traditionnel de danseur de schuhplattler, est dans sa chambre bleue, sur son lit, sous des couvertures de perles, des rêves en forme de prières plein la tête, des livres sous son oreiller ergonomique : « Le Grand Meaulnes », « En rencontrant Godot », « Mes mille et une nuits à lire », « 1984 et demi », « Le frère allemand », « Marrakech, désamour ». Couché sur son côté gauche en regardant la porte de la chambre grinçante, le cœur de pierre, des chatons qui miaulent dans la rue, des lumières inconnues, l’enfant est angoissé, il veut dormir habillé, prêt au grand départ.

Lorsque dans le rêve il est venu m’accueillir, adulte, à la gare de Toulouse-Matabiau à l’aube de ce même jour, j’étais épuisé par un long voyage nocturne. De Mapuetos jusqu’à Tolosa dans le sud-ouest de la France, défilement infini de paysages obscurs, perdus, déroutant voyage mais enrichissant, j’avais été fort étonné de l’acte psycho-magique qu’il m’offrit à mon arrivée - en dansant des figures acrobatiques d’un oiseau sombre au cou gris, polygame, blason du village d’Aubure, qui loge normalement bien loin de la capitale du royaume des Wisigoths - et ce en pleine gare face à des militaires canons, en faction et en constante alerte pour rassurer tout le monde. C’était ma première visite à Toulouse, j’aimais tout, c’était un samedi, l’air goûtait les influences océaniques, déjà dans le train je me demandais si ce ne serait pas mon ultime journée d’une vie ensoleillée. Une voix de brasier, râpeuse et aiguë nous lance de loin : ce sont les parfums de ta vie. J’ai cru d’abord reconnaître Art Mengo, mais l’homme sans visage courait avec lenteur en répétant « ce sont les parfums de ta vie ». Jérôme Bonnemaison me dit alors : Patrick Lowie, je suis très heureux de vous accueillir dans cette ville. Mon déguisement d’aujourd’hui est un clin d’œil à mon enfance. Beaucoup se joue dans la petite enfance. Je lui réponds que l’enfance ne devrait jamais disparaître en nous d’autant que les rêves les plus marquants sont infantiles et nous donnent toutes les clés pour notre avenir. Quand j’étais jeune, lui dis-je, j’aimais regarder l’aube pour dormir toute la journée. J’aime la lumière de Toulouse. Je vous ai ramené de Mapuetos, la pierre de soleil, celle qui favorise l’amitié et les rencontres, celle qui apporte bonne humeur, qui purifie le sang,..un souvenir de mon passage ici. Je suis venu pour mieux comprendre ce que nous aurions pu perdre, vous et moi, dans le temps.

Jérôme Bonnemaison, toujours enfant, vêtu en danseur de schuhplattler, regarde la porte s’entrouvrir doucement. Derrière une lumière orange apparaît, telle une menace, pas jaune ni rouge, orange. Il ressentait en lui cette menace, une présence diabolique tapie là derrière cette porte sans serrure. Puis un visage d’homme, ce même visage sans visage de l’homme qui courait, cruel, sarcastique,… Je me rends compte être l’homme en question, surpris par cette révélation je pars à ma poursuite tapant des pieds avec force et frappant des mains, des cuisses aux semelles, en sifflotant et poussant des cris aigus d’allégresse.

 

 

 

 

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Lectures de Jérôme Bonnemaison

 

Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).


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D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.

 

Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.


Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk. Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.


 

De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la  bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».


 

J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde  le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.


 

Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.

 

 

Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…


 

Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.

 

 

Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.


 

Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.  


 

Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.


 

J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.


 

Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.

 

 

Jérôme Bonnemaison,

Toulouse.

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