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30 avril 2019 2 30 /04 /avril /2019 00:39
Heidegger, un infâme nazi (disons-le une fois pour toutes) Partie 2

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(Partie 2 de l'article, voir partie 1 article précédent sur le blog)

(...) Un cœur de pensée national socialiste (la critique de Karl Lowith)

 

C’est un ancien de ses étudiants qui le dit : « Les implications politiques immédiates, c’est-à-dire nationales-socialistes, de la notion heideggérienne de l’Existence, si elles semblent être dépassées par les événements, possèdent cependant une histoire et une portée qui vont bien au-delà de la personne de Heidegger et au-delà de la situation de l’Allemagne entre les deux guerres » avertit Karl Lowith en 1946. Comme quoi, il n’était pas besoin d’attendre des révélations récentes de manuscrits cachés.

 

La philosophie de Heidegger a en effet, de prime abord, quelque chose d’impressionnant, on ne peut le nier. C’est l’« essai d’une « ontologie fondamentale, c’est-à dire d’une analyse de l’être ayant pour fondement l’existence temporelle, notre Dasein (Être-là) à la fois historique et tout entier lié aux instants particuliers ».

Le projet est ainsi d’écraser, tout simplement toute l’histoire de la métaphysique, de Platon à Nietzsche, et d’en revenir à une pensée de l’Etre, pure.

… Mais les SS aussi, étaient impressionnants.

 

Donc chez Heidegger, l’existentialiste : exister n’est lié qu’à exister, le pur fait de l’Exister. L’existence constitue l’essence du Dasein (Être là). Telle est la pensée de l’Etre proposée. Il n’y a pas une essence supérieure, et une existence. L’existence est l’essence. La mort de la métaphysique est décrétée.

Alors quoi ? Alors la vie est livrée à elle-même. Et elle veut vivre. Donc s’affronter au péril de la mort, du néant, et s’éprouver dans le combat. Chez Sartre, pour qui l’existence, aussi, précède l’essence, ce sera dans l’engagement. Avec une tentative d’articuler marxisme et philosophie de l’existence.

 

Le travail de fond de Jean Pierre  et Emmanuel Faye sur l’introduction du nazisme en philosophie

 

En France c’est Jean Pierre et Emmanuel Faye qui ces dernières années ont travaillé inlassablement, dans plusieurs livres (« L’introduction du nazisme dans la philosophie » d'Emmanuel, ou « Le piège : la philosophie heideggérienne et le national-socialisme » de Jean-Pierre) à dévoiler, jusqu’au bout, le nazisme fondamental, actif et philosophique de MH, ver empoisonné dans la philosophie. Ils  travaillent eux aussi sur le texte, en plus que sur la biographie, et montrent la cohérence de la pensée avec le comportement pro nazi de l’universitaire. Emmanuel exhume notamment un texte de… 1949 (MH a été interdit d’enseigner jusqu’en 1951), assez effarant.

 

« Des centaines de milliers meurent en masse. Meurent-ils ? Ils périssent. Ils sont tués. Ils deviennent les pièces de réserve d’un stock de fabrication de cadavres. Meurent-ils ? Ils sont liquidés discrètement dans les camps d’anéantissement. Et sans cela – des millions périssent aujourd’hui en Chine. Mourir cependant signifie porter à bout la mort dans son essence. Pouvoir mourir signifie avoir la possibilité de cette démarche. Nous le pouvons seulement si notre essence aime l’essence de la mort. Mais au milieu des morts innombrables l’essence de la mort demeure méconnaissable. La mort n’est ni le néant vide, ni seulement le passage d’un état à un autre. La mort appartient au Dasein (Être-là) de l’homme qui survient à partir de l’essence de l’être. Ainsi abrite-t-elle l’essence de l’être. La mort est l’abri le plus haut de la vérité de l’être, l’abri qui abrite en lui le caractère caché de l’essence de l’être et rassemble le sauvetage de son essence. C’est pourquoi l’homme peut mourir si et seulement si l’être lui-même approprie l’essence de l’homme dans l’essence de l’être à partir de la vérité de son essence. La mort est l’abri de l’être dans le poème du monde. Pouvoir la mort dans son essence signifie : pouvoir mourir. Seuls ceux qui peuvent mourir sont les mortels au sens porteur de ce mot. »

 

Que lit-on ici, à travers cette forêt bavarde ? On y voit à la fois, me semble-t-il, toute la sournoiserie du personnage, une audace obscène aussi, à écrire cela après la libération des camps d’extermination (et une confiance dans la naïveté de ses lecteurs, ou dans le nazisme maintenu de nombre d’entre eux en Allemagne). Mais encore une fidélité aux « idées » nationales socialistes (en définitive ni nationales, ni socialistes, mais morbides). On a pu qualifier MH d’  « Hitler en chaire », ici ça se confirme. Le texte évoque les camps d’extermination, indubitablement. Déjà par un euphémisme… On passe de six millions à des centaines de milliers. L’équivalence du projet nazi avec la situation chinoise est effectuée, pour relativiser, ce qui sera toujours au cœur des stratégies négationnistes.

Mais surtout, il y a cette distinction entre mourir, et être simplement « liquidé ». Deux catégories. Deux populations différentes. La mort suppose des conditions, qui ne sont pas réservées à tous, manifestement. Celui qui meurt, véritablement, est sans doute, à ma lecture de ce texte, le combattant, qui va vers la mort, conscient, poitrail en avant, Cet homme est bien un « être pour la mort », comme on nous l’a appris en terminale (sans nous dire ce que ça recouvrait !). La mort est ce qui peut donner un sens à la vie de l’homme, peut le conduire à dépasser le nihilisme, c’est-à-dire le refus de la vie. Aimer la vie, ce serait donc aimer aller au- devant de la mort, aller au-devant de son destin sachant comme le dit une devise dans la série Game of Thrones (permettez-moi cette touche « pop philosophique »), que « ce qui est mort ne peut mourir ». Nous avons là le credo militariste le plus pur, entendu des tranchées de la première guerre à celles de Berlin assiégée. On reconnait aussi la parenté avec le « viva la muerte » des franquistes.

Il y a une grosse différence, me semble t-il, entre une attitude qui vient philosophiquement accepter la mort, juger qu’elle est préférable à l’immortalité, et donc est indissociable de la vie, et un appel à  la fuite en avant vers le meurtre de masse, présenté de manière inouïe comme « poème du monde ». On croit cauchemarder, mais non. Au passage notons que MH a toujours recours à la fois au langage obscur du philosophe, qui rend intelligent celui qui croit le comprendre (et le flatte donc le conquiert, avec une goutte d’élévation, au-dessus de la morale plate, des contingences humaines), et à des formules « artisanes » très volkisch, semblant tirées de son observation des nids d’oiseau (l’abri). Il n’hésite pas à se vautrer, par ailleurs, dans la tautologie verbeuse : « Seuls ceux qui peuvent mourir sont les mortels » (les autres ne sont rien). Tiens donc. Au passage nous avons la dénonciation de la technique, qui pourrait tenter des gens de gauche mais révèle une haine de la modernité, un fantasme d’un âge d’or allemand. Mais ce n’est pas la technique qui tenait les fusils au-dessus des fosses de la shoah par balles.

Ailleurs, MH écrit que « L’agriculture est aujourd’hui une industrie d’alimentation motorisée, dans son essence la même chose que la fabrication de cadavres dans les chambres à gaz et les camps d’anéantissement ». Toujours la même dénonciation technique, qui innocente politiquement. Un SS est donc un employé de l’agroalimentaire, rien de plus. Ce genre de comparaison relativiste encore une fois, que l’on retrouve chez certains vegans aujourd’hui, d’où une vraie filiation entre l’écologie radicale antispéciste et le nazisme à mon sens, met donc à équivalence les victimes de l’holocauste et le blé fauché par une moissonneuse.

 

Il y a donc une continuité nazie chez cet homme. En mai 1933 (il n’a pas le courage des précurseurs…) il adhère au parti nazi, pour lequel il votait auparavant. Voici quelques extraits significatifs de son discours d’accession au poste de Recteur de l’Université de Fribourg, salué par toutes les publications nazies : « L’université allemande est pour nous cette école supérieure, qui partant de la Science, et à travers la Science, formes les guides et les gardiens du destin du peuple allemand, par l’éducation et la discipline. » Son essence est « la volonté d’une mission spirituelle et historique de notre peuple, en tant que peuple se sachant lui-même dans son Etat ». Il appelle à « placer la science » sous « la puissance » de l’existence historique du peuple allemand, son « existence spirituelle et raciale ». Il faut « regagner la grandeur du commencement ». La liberté universitaire doit être bannie, car elle était « inauthentique ». La vraie liberté, c’est « le service du travail » (ce qui nous rappelle l’enseigne sur la porte d’Auschwitz, « le travail rend libre ») et se tenir prêt à un « engagement jusqu’à la mort » dans le service militaire.  Il finit son discours par le très sincère : « toute grandeur est dans l’assaut ».

Un peu plus tard à Heidelberg, il s’exprime devant les étudiants, et affirme que leur rôle est de « combattre avec les forces du nouveau Reich ». Il évoque « une race dure ». Dans un « appel aux étudiants », il écrit qu’Hitler est « lui seul, la réalité allemande d’aujourd’hui et de demain, et sa loi ». Dans un appel aux allemands, il évoque une « auto-responsabilité raciste » nécessaire, et de « volonté une de donner son existence totale à l’Etat ». Si nous n’avons pas là la glorification, dès le début du règne nazi, du totalitarisme guerrier et raciste, qu’avons-nous à comprendre ?

 

Malgré son travail de délateur (infect), la création par ses soins d’un office de la pureté raciale dans l’université, Heidegger aura vite des petits ennuis avec les nazis, dont il reste membre jusqu’en 45 tout de même… Mais c’est par zèle qu’il agace. Ce recteur qui autorise les duels au sabre héroïques… Voudra interdire les associations catholiques d’étudiant comme le furent les juives. Il était temps pour lui de retrouver les sources païennes de l’esprit allemand. Mais Hitler était en train de négocier un concordat avec le Pape. Or le totalitarisme n’aime pas le zélé, qui est toujours un incontrôlé. Il perdra son rôle de Recteur mais restera fidèle au nazisme, jusqu’au bout de son existence, toujours aussi chafouin quand ce sera nécessaire. Les nazis ne lui en voudront pas tant que cela, puisqu’ils lui donneront une place dans la bibliographie officielle du parti, à côté d’Hitler et de Goebbels.

 Dans son dernier entretien à un journal, il dit douter de la démocratie, et n’hésite pas à dire que les nazis auraient pu proposer une réponse au règne de la technique, mais que leur pensée était trop « indigente » pour cela… Ils n’étaient pas assez radicaux, sans doute.

 

En 1935, lors d’un séminaire, il parle de la « décadence », qu’il relie à l’oubli de l’Etre, à la tombée hors de l’Etre. L’oubli de l’Etre (ce que je comprends : l’évidence de l’identité allemande, le sens de la vie qui se trouve dans la mort pour que le peuple vive), conduit à se perdre dans l’Etant (les choses de la vie), voilà le nihilisme qu’il faut combattre. La décadence a commencé quand le rationnel a remplacé le mythe. Quand on a abandonné Homère, et ses récits sur l’héroïsme d’Achille. Bref avec le « logos » (Platon, Aristote).

Il y a une idée de « chute » chez Heidegger, comme chez tous les réactionnaires. Faye évoque d’ailleurs une filiation revendiquée des premiers nazis avec les premières scissions chrétiennes, la gnose, le néo platonisme. Il y a là tout un milieu incertain qui articule l’idée de « chute » en ce moment (ou de l’Etre à l’Etant), et … la détestation du Dieu Juif, que Marcion, scissionniste chrétien de la première heure, ultra paulinien (au sens où il veut radicaliser la rupture entre chrétiens et juifs, séparer les deux Dieux ( voir « les origines du christianisme », ce formidable documentaire de Mordillat et Prieur). Les antisémites du début du XXème siècle vont aller chercher là des références.

 

Chez Heidegger, le rationalisme est l’ennemi. D’où son inclination pour la poésie comme vecteur de la seule pensée possible. Toute la philosophie rationaliste et ce qui en découle est à jeter aux orties, ou à brûler, comme le font ses élèves dans les autodafés. Dans tous ses écrits, la vie doit subordonner la raison, la mettre au pas. C’est ici qu’il se croit en continuité avec Nietzsche qui vomissait par avance l’idée d’un Etat fort et toute notion d’antisémitisme.

Le nazisme balaie l’usage de la raison, revient au mythe, de la race arienne, en passant par les chevaliers teutoniques. C’est pourquoi Heidegger y voit le grand tournant historique. Il se trouve des excuses en 45 en expliquant avoir saisi une occasion pour créer « une renaissance spirituelle de l’intérieur ». Un beau succès !

Plus profondément, le rationalisme serait un nihilisme, car il oublie l’Etre, ne s’intéresse qu’à l’Etant (nos misérables existences, étudiées par la science médicale, la psychologie, les sciences sociales), et donc transforme l’Etre en néant… Alors vivre, mourir, ça n’a plus aucune signification, par oubli de l’Etre. Les SS eux, sur le front russe, savent pourquoi ils vivent et meurent…

Mais c’est donc toute métaphysique qui est nihilisme. Car la métaphysique part de l’Etant pour interroger l’Etre.  La métaphysique s’embourbe dans l’Etant, alors qu’il s’agit d’en venir à une pensée pure de l’Etre (une non pensée, à mon sens). Mais tant que l’Homme est un être de raison… Il est condamné à la métaphysique, et au malheur, à l’angoisse. Alors, que faudrait-il en conclure ? Il faudrait peut-être juste se contenter d’Etre, d’obéir, de se conformer à son « identité » comme on le dit aujourd’hui. De réconcilier la civilisation et l’Etre.  Heidegger est un précurseur d’un communautarisme ultra, attaché à la terre. Quand je pense à Heidegger, je pense au fanatisme Hutu, qui finalement, était une pensée de l’Etre. A quoi aura mené Heidegger, qui appelait, ésotériquement, à « entrer dans la clairière de l’être » ? A légitimer au nom de la philosophie – l’amour de la Sagesse – l’entrée des SS dans les villages pour y semer la mort. Voilà le bilan.

 

Pour conclure, cette discussion pourrait paraître scolastique. Mais non ! Que voit-on aujourd’hui ? La critique de la modernité peut émaner d’horizons très différents, voire antagonistes. Il convient donc de se méfier de la dénonciation, superficielle de la modernité. Elle est comme le miel. Elle attire. Mais pour le meilleur et pour le pire. Il y a un malentendu constant sur les critiques de la modernité, du « progrès ». Le débat désordonné autour de l’œuvre d’un Michel Houellebecq en témoigne, par exemple. Mais on peut revenir aussi à Heidegger et Arendt. Emmanuel Faye, qui a bienheureusement dévoilé le nazisme fondamental du philosophe de la forêt noire, a tenté, ensuite, sans doute face à la violence des contradicteurs, de traquer du nazi dans toute trace de Heidegger. Jusqu’à écrire un livre sur une prétendue complicité entre Hannah Arendt, combattante antifasciste, traquée par les nazis, et dont la philosophie atteint à des sommets de dignité humaine à mon sens, et son Maître et amant de jeunesse. L’argumentaire est tiré par les cheveux, confond les signifiants et les contenus… Qu’Hannah Arendt ait eu du mal à aller jusqu’au bout d’une critique de Heidegger, bien qu’elle opposât l’idée de l’être pour la vie, de la renaissance par la natalité, à celle de l’être pour la mort, c’est sans doute vrai. Elle a laissé cette mission à d’autres, comme son ex-mari Gunther Anders (que l’on a qualifié pourtant aussi d’encore trop heideggérien, au vu de son pessimisme anti technique). Mais enfin comment oublier l’immense travail effectué de sa part pour dévoiler les ressorts du totalitarisme, et pour travailler à une idée contemporaine de la liberté et de l’égalité ? Mais il est vrai que Arendt propose aussi une critique serrée de la modernité (condition de l’homme moderne, Crise de la culture), admirée par des réactionnaires comme Finkielkraut. La catégorie des « anti modernes », ne rassemble pas. Les rassembler sous une même catégorie est une manœuvre permettant de ne pas poser les questions véritables posées par la modernité. Jean-Claude Michéa n’a rien à voir avec un fasciste. Refuser le monde tel qu’il va ne garantit de rien. Méfions-nous des mages et des rebelles. Creusons bien.

 

(Sources utilisées : L’ontologie politique de Martin Heidegger, de Pierre Bourdieu, Le piège : la philosophie heideggérienne et le national-socialisme » de Jean-Pierre Faye, , Les implications politiques de la philosophie de l'existence chez Heidegger de Karl Löwith (long article), L’imposture Heidegger de Max Vincent (long article), Hannah Arendt, film de Margarette Von Trotta, Les origines du christianisme, de Mordillat et Prieur, série de documentaires, La condition humaine, La crise de la culture, de Hannah Arendt, Nous, fils d’Eichmann, de Gunther Anders)

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commentaires

G
Je viens de lire votre article. Pour moi vous faîtes de l'anecdotique à partir d'une pensée bien plus large que ce que vous voulez en dire. Je ne sais pas si vous êtes de bonne foi, mais je le suppose en vous écrivant. Heidegger est sans doute nazi mais il est aussi un grand penseur. Personnellement je ne me suis jamais intéressé à lui pour ce qu'il est en tant que nazi. L'être vers la mort n'est pas le credo du soldat, pas dans Être et Temps. Libre à vous de vous concentrer sur la petitesse de Heidegger, mais si l'on veut s'élever, il faut rechercher la pensée dans ses hauteurs : la pointe de la lame et non sa partie émoussée. Heidegger avait un mot pour ce type de comportement : la curiosité. Je vous écris à vous et en même temps je pense à tous ceux qui essaient de réduire la pensée de Heidegger à son engagement nazi. Loin de vouloir interrompre leur bavardage, je pense au contraire qu'il est nécessaire de faire un travail d'historien sur ces questions. Mais quand nous parlons d'Heidegger nous parlons aussi de la pensée la plus géniale du XXème siècle. Cela ne correspond pas au schéma binaire de notre temps médiatique mais il en est ainsi. Nazi d'un côté, le philosophe le plus important de son siècle de l'autre. La chasse à l'homme que vous menez montre le peu de cas que vous faîtes de la pensée et le peu de cas qu'en fait en général notre modernité. Einstein aurait pu être nazi, cela n'invaliderait pas la théorie de la relativité. Il en va de même pour la théorie d'Heidegger dont vous n'avez par vos assauts pas entamé le moindre principe. Vous donnez des coups d'épée dans l'eau mais vous ne touchez que la surface de sa pensée. Ignorez-vous que vous allez mourir ? Si vous ne l'ignorez pas vous êtes un être vers la mort. Si vous en prenez vraiment conscience vous saurez alors ce qu'est l'angoisse. Et l'angoisse nous révèle l'être qui n'est rien d'étant. Ce mystère est celui de l'homme, pas d'Heidegger, pas des nazis mais de l'homme. Relisez Être et Temps, car je n'ai fait que soulever une infime partie de cet ouvrage. L'être au monde par exemple est tout à fait révolutionnaire. L'étant disponible également. Ce sont des choses simples et universelles, elles ne sont pas nazies. Heidegger l'était peut-être, sans doute même, mais comment le serait sa démonstration de ce qu'est l'espace ? Vous ne touchez à aucun sujet sérieux de la philosophie, vous ne parlez pas en philosophe mais en journaliste. Ce mélange des genres et l'outrecuidance des gens qui voudraient pouvoir parler de tout à tort et à travers est caractéristique de notre époque. Une philosophie fondamentale ne peut pas être nazie car elle parle de choses simples et universelles. Comme un théorème ne peut pas être nazi.
Répondre
J
je pense que vous commettez un énorme contresens. Heidegger fonde une ontologie politique, ce que ne fait pas Einstein. C'est donc un sophisme que vous proposez. Mais ce n'est pas étonnant au vu de vos appétences. Le nazisme n'est pas un détail loufoque, comme de porter des baskets fluos; il s'inscrit dans une vision du monde, et ce n'est pas moi mais bien des penseurs, que je cite, qui ont démontré en quoi cette pensée "volkisch" était foncièrement fasciste. Par ailleurs les nazis s'en réclamaient. Er Heidegger dans ses discours de Recteur a lui même théorisé le lien entre sa pensée philosophique et son engagement. Mais vous êtes plus royaliste que le Roi. Le problème avec les gens comme vous c'est que vous n'assumez rien. Le crime. Un fasciste est un matamore.

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Lectures de Jérôme Bonnemaison

 

Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).


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D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.

 

Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.


Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk. Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.


 

De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la  bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».


 

J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde  le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.


 

Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.

 

 

Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…


 

Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.

 

 

Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.


 

Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.  


 

Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.


 

J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.


 

Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.

 

 

Jérôme Bonnemaison,

Toulouse.

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