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15 juin 2012 5 15 /06 /juin /2012 08:14

multivers.jpg Nous avons déjà arpenté le fascinant et difficile chemin des origines... de Tout. Avec Stephen Hawking ( A la fin du livre, vous saurez pourquoi et comment l'Univers est apparu (sans blague...) ).

 

Nous y revenons ici avec un petit essai plus aisé, plus humble aussi, et plus tourné vers la philosophie, d'Etienne Klein (membre du Commissariat à l'Energie Atomique), intitulé "Discours sur l'origine de l'Univers", paru en 2010 et donc tirant parti des recherches les plus récentes.

 

Etienne Klein diffère d'Hawking sur un point essentiel : la science selon lui, ne saurait réfuter Dieu. Car pour le réfuter il faut le désigner. Or, s'il n'existe pas, il sera toujours fuyant... La Raison ne l'emportera jamais vraiment contre la Mystique... Assez imparable. Nous risquons ainsi de nous coltiner encore longtemps des clergés, des fanatiques et autres névroses collectives.

 

Klein est bien moins optimiste qu'Hawking sur la possibilité de régler ces affaires une fois pour toutes en élaborant une Théorie du Tout. On ne bouclera pas la boucle sans doute, d'où le recours à la philosophie (Hawking au contraire la snobe), et même à ses expressions aux rives de la poésie. A travers Ludwig Wittgenstein en particulier. Ce matheux philosophe dont l'oeuvre a consisté à souligner les impasses de la pensée humaine. On y est en plein quand on parle de l'origine supposée de l'univers...

 

C'est un essai plaisant, car très pédagogique, encore plus que celui d'Hawking, plus précis. Mais attention dans le domaine de la physique quantique le pédago a tout de même ses limites... et il y a des moments où le lecteur ignare en ces matières comme moi est largué quand même.  Klein écrit très clairement et a choisi de jalonner son propos d'anagrammes particulièrement saisissants. 

 

La grande difficulté que l'astrophysicien rencontre comme n'importe quel quidam est d'affronter l'idée du Néant. Si on se frotte au "commencement" du monde, on doit par contraste penser le Néant. Or qui pense un objet lui donne une substance. Le serpent se mord la queue. "Penser le rien n'est pas penser à rien".

 

En même temps l'idée que l'univers est un objet d'étude en tant que tel est très récente et date d'il y a un siècle, avec la théorie de la relativité restreinte d'Einstein. Celle-ci affirme, tenez-vous bien, que la gravitation n'est pas une force classique mais une déformation de l'espace-temps par la matière. CQFD : l'univers est un objet physique et on en vient à s'interroger sur son apparition. Le 20eme siècle voit une autre découverte majeure : Hubble (le type, pas le télescope) établit que l'univers est en expansion. Et on en vient à l'idée qu'il a sans doute été de taille minuscule voire nulle.

 

De fil en aiguille on arrive à ce moment, baptisé "big bang", qui s'est déroulé il y a 13, 7 milliards d'année et où il s'est passé quelque chose d'énorme, de très chaud, avec une considérable débauche d'énergie. A côté, le Space Mountain c'est de la rigolade. Mais une métaphore à l'américaine ne règle pas la question. Qu'est ce qui explique ce moment déterminant dans l'histoire de l'univers ? Que se passe t-il avant ? Ce moment est il précédé du Néant ? Et si on peut sortir du Néant c'est que des conditions se mettent en place, que des facteurs agissent... C'est donc que le Néant n'est pas tout à fait le Néant... A s'arracher les cheveux.

 

Donc on s'est dirigé vers l'infiniment petit pour comprendre ce qui a pu se passer. Avec l'ambition de recréer artificiellement les conditions extrêmes de ce moment clé, il y a 13, 7 millions d'années.  Le monde des astophysiciens est désormais riche du LHC, cet accélérateur de particules situé à la frontière franco suisse et qui joue à être Dieu en totchoquant des particules avec une violence insensée. Mais pas encore assez violemment pour recréer l'ambiance recherchée.

 

Comme Hawking, Etienne Klein est positivement impressionné par la théorie des supercordes et ses perspectives. Les particules ne seraient pas des objets mais des sortes de cordes vibrant sur plusieurs dimensions. Ces supercordes permettent ainsi de penser (à travers un raisonnement un peu ardu...) que le Big Bang n'a pas vraiment été un début.  L'univers est appréhendé comme un rebond.

 

Ainsi l'idée a tracé son chemin dans le monde scientifique : le vide n'est pas le vide. Il contient de l'énergie. Il n'a pas besoin d'extériorité pour évoluer et grandir. C'est sa propre expansion qui lui apporte son énergie. Il est ainsi sa propre cause. Etienne Klein a recours à l'histoire de la philosophie pour souligner que la notion d'immanence n'est pas nouvelle. L'humanité a eu plusieurs fois cette intuition.

 

Ce qui conduit à penser, sous une certaine variante que l'univers est en réalité une possibilité parmi une foultitude d'univers (le multivers). L'univers est en inflation éternelle : on parle d'univers-bulles. Philippe K Dick, dont on a récemment parlé, et qui voyaient des doubles fonds partout dans l'uinvers, aurait ainsi tout compris et tout expliqué dans ses publications pour vieux ados.

 

Le Néant serait ainsi un non sens. Etienne Klein a alors recours au jeu du langage. Il note habilement que la question d'Hamlet : "Etre ou ne pas être, voila la question" est l'anagramme de "oui et la poser n'est que vanité orale". Sans doute n'y a t-il que de l'étant. Ceci est inconfortable pour notre manière de penser, qui a besoin de définir des objets. Pour Klein, la pensée chinoise,encline au devenir, est plus à l'aise pour renoncer à l'idée du début.

 

On a donc progressé note l'auteur. Mais nous sommes loin du compte, d'autant plus que certaines découvertes compliquent la tâche : la certitude qu'il existe une masse noire, majoritaire, dans l'univers, et dont on ne sait rien. Mais aussi l'observation des supernovae qui laissent supposer que l'expansion de l'univers est en phase d'accélération. Diantre.

 

La meilleure attitude, pour ne pas trop céder au vertige, et de s'avouer que certaines catégories nous sont tout simplement impensables, ou en tout cas n'entrent pas encore dans les filets du langage. Catégories comme celle de l'infini, celle du néant. Nous cherchons inéluctablement des frontières. Mais le réel échappe sans doute à notre prisme.

 

Une solution, qui sait peut-être provisoire, est d'accepter cette limite. L'auteur cite une merveilleuse phrase de Ludwig Wittgenstein, qui peut nous y aider : "pourquoi faudrait-il que le fait que le monde ait commencé à être soit un plus grand miracle que le fait d'avoir continué à être". Or nous nous habituons bien à l'Etre, chaque jour.

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Lectures de Jérôme Bonnemaison

 

Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).


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D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.

 

Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.


Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk. Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.


 

De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la  bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».


 

J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde  le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.


 

Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.

 

 

Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…


 

Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.

 

 

Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.


 

Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.  


 

Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.


 

J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.


 

Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.

 

 

Jérôme Bonnemaison,

Toulouse.

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