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26 avril 2011 2 26 /04 /avril /2011 21:20

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Certains livres, pas forcément ceux attendus, vous entraînent dans des tourments intellectuels propices à l'insomnie.

 

C'est le cas du dernier essai vertigineux que je viens de lire, signé par les physiciens Stephen Hawking et Leonard Mlodinow, et qui porte un titre sans complexes : "Y a t-il un grand architecte dans l'Univers ?" (Odile Jacob) Et figurez-vous qu'en 220 pages, les auteurs ne se contentent pas de poser la question,... mais d'y répondre ! Avec un aplomb étonnant. Si comme tout le monde, vous vous demandez "qui suis-je, dans quel état j'erre ?....), et bien vous n'avez qu'à acheter l'ouvrage, et essayer de le comprendre.

 

En fermant le livre, avalé malgré son caractère tout de même abrupt (je n'ai pas tout compris loin s'en faut, je suis un parfait cancre dans le domaine scientifique et incapable du moindre effort n'ayant jamais acquis les bases du raisonnement), ma conception de la question... s'est trouvée validée... Ouf !

 

Depuis que je pense un peu sérieusement, j'ai toujours considéré que cette histoire de Dieu était un anthropomorphisme trop commode pour être crédible. Un anthropomorphisme, c'est un procédé qui réduit le monde à une figure humaine. L'idée de Dieu permet de régler les questions du pourquoi et du comment et de rendre accessible la réponse à n'importe quel être humain, de réduire l'univers à la taille des lunettes humaines. Pratique. Tellement pratique, et tellement consolant, a dit Freud, que ça finit par être suspect... Sans compter les usages sociaux de la parole de Dieu, qui n'ont pas fini de servir...

 

Le livre utilise ce terme même d'anthropomorphisme... Ce dont je n'étais pas peu fier quand je l'ai lu... Mais la suite du livre va me remettre à ma place, en me signifiant mon ignorance crasse...

 

Il ajoute d'abord un constat logique : Dieu ne résout rien. Car alors pourquoi Dieu ? Poser la question en terme d'acte inaugural est donc sans doute un non sens. La réalité de l'Univers ne doit pas s'harmoniser facilement à nos habitudes de perception du temps et de l'espace. Tout juste.

 

Mais voila, Hawking va plus loin que je ne le pensais. Et là on se met à transpirer...

 

(Jusqu'à lire ce livre, je me figurais l'évolution des rapports entre Dieu et la science de la manière suivante :

 

- d'abord, la phase antique, où philosophie, religion et science convergeaient autour de l'idée d'un ordre immanent dans l'univers. La méthode expérimentale avait déjà permis de grands progrès, comme avec Archimède. Cependant, elle trouva ses limites et certains philosophes considérèrent que la réflexion logique suffirait à appréhender le Cosmos (Aristote en particulier).

 

- Puis la phase médiévale, catastrophique, déniant toute légitimité à l'empirisme.  Se concentrant sur l'exégèse des textes plutôt que sur l'observation du monde, ou sélectionnant rigoureusement dans le monde ce qui pourrait confirmer le dogme.

 

- Le choc de la Renaissance, de la révolution Copernicienne, favorisée par une redécouverte des acquis de l'Antiquité, et par l'élargissement de perspectives permis par la découverte du Nouveau Monde. Cette période culmine avec Newton. Petit à petit, malgré la répression religieuse (Galilée...), la légitimité scientifique s'impose et concurrence la vérité révélée.

 

- Le moment scientiste, où la science pense qu'elle va pouvoir en finir avec la Religion. Celle-ci entre en crise, et se voit obligée de se repositionner et de refluer de la scène politique (la Bible devient peu à peu un message symbolique, car il est difficile de résister aux faits).

 

- La victoire contrariée de la Science. Celle-ci n'a pas apporté le bonheur sur terre. Ceux qui s'en sont réclamé pour changer le monde ont produit des catastrophes. La science ne coïncide plus facilement avec l'idée de progrès.

 

- Un statu quo s'instaure, qui ressemble à une division du travail : aux scientifiques l'explication des processus, à la philosophie et à la Religion la question du sens. Dans le même temps, la science n'ayant pas tenu sa promesse de bonheur et de réponse à l'angoisse humaine, la religion résiste mieux que prévu. Et tente parfois habilement de retourner la science contre elle-même : par exemple la théorie du "dessein intelligent" pour lutter contre la théorie de l'évolution).

 

Donc je me disais : en gros, tout le monde ou presque (sauf les intégristes et autres illuminés) est désormais d'accord. Les "quoi et comment" reviennent au scientifique. Par contre, reste la question : "pourquoi y a t-il quelque chose plutôt que rien ?". Et là, chacun son pari.

 

Mais Hawking, assez simplement, dynamite ce consensus. Pour lui, la science est aujourd'hui capable d'expliquer ce qu'est l'Univers, comment il est né, et pourquoi. Et il est catégorique : aucun grand architecte n'y est pour quelque chose.

 

Et c'est ce qu'il s'efforce de démontrer dans cet essai fort pédagogique (mais pas encore assez pour moi...), écrit avec plein d'humour, usant de métaphores habiles utiles à la compréhension, rédigé dans une langue quasi profane... Un livre d'astrophysique qui commet la prouesse de ne point comporter la moindre équation !

 

Pour parvenir à leurs fins, les auteurs doivent expliquer la théorie des relativités restreinte et générale d'Enstein, ainsi que la physique quantique. Ils doivent aussi recourir à un modèle mathématique fascinant, intitulé "le Jeu de la vie". Pour finir par démontrer que ces outils permettent déjà de comprendre pourquoi nous sommes ici-bas, en train d'écrire des blogs en lorgnant sur les oeufs en chocolat théoriquement réservés aux enfants...

 

Je n'essaierai pas de résumer ces explications, dont j'ai tout de même, je pense, saisi les grandes lignes. Je serais bien incapable de maîtriser assez le raisonnement pour en produire une synthèse autre que délirante.

 

Mais en gros, ce que je comprends, c'est que l'Univers n'a pas "commencé" au sens où notre entendement le conçoit. L'Univers est doté de plusieurs dimensions, et le temps que nous connaissons n'est qu'une d'entre elles.

 

Il existe une myriade de Galaxies, mais aussi une multitude d'Univers, avec leurs propres Lois. Le nôtre n'est qu'une variante. C'est ce que nous apprend l'étude des particules (je crois enfin avoir compris à quoi servent ces fameux "canons" à électrons, neutrons et autres curiosités).

 

Donc, s'il est vrai que les coïncidences qui ont conduit la vie à apparaître sont frappantes, on ne doit pas en conclure qu'elles désignent un "dessein" particulier. On doit inverser le raisonnement : c'est la vie qui rend nécessaire ces conditions tout à fait particulières, qui tiennent à énormément de paramètres réunis (l'éloignement de la Terre du Soleil, leurs tailles respectives, la courbe orbitale de la Terre, la production du Carbone par l'explosion d'une Super-Nova, etc...).

 

Et l'explication finale, qui rend possible le "Big Bang", est succulente. Elle ne provient pas des dernières découvertes, mais de la bonne vieille Loi de la gravitation d'Isaac Newton. C'est la force gravitationnelle qui permet la libération d'énergie nécessaire.

 

Mais plus que tout cela (qui valide mon intuition de toujours, à savoir que l'Univers est trop complexe pour être compris aisément par l'Homme, d'où l'idée facile de Dieu), une phrase de l'introduction, définitive et laconique, m'a frappé. "La philosophie est morte" peut-on lire. Ouah ! Et pourquoi donc ? Parce qu'elle n'a pas su suivre le rythme effréné de la science au vingtième siècle. Elle est donc dépassée et la science a du seule continuer d'avancer.

 

Il fut un temps où philosophes et scientifiques n'étaient d'ailleurs point distingués. D'Aristote jusqu'à Condorcet me semble t-il. En passant par Descartes ou Leibniz.

 

Et il est vrai, me suis-je dit, que la Métaphysique, depuis Nietzsche n'est plus au goût des philosophes. Les grands philosophes de notre temps s'engagent dans la philosophie de l'Histoire ou politique. La phénoménologie, me semble t-il, est le contraire d'une Métaphysique. Mais bon je ne m'engagerai pas sur ce terrain où je suis fragile...

 

Et c'est vrai que l'Humanité a du mal à s'emparer des acquis scientifiques les plus récents. Car ils demandent de penser en dehors de catégories qui s'imposent à l'entendement. A dépasser la notion de simple causalité, d'espace et de temps tels que nous les appréhendons classiquement. En essayant de comprendre ce livre, je m'en suis aperçu, car les mots que j'utilisais pour réfléchir m'empêchaient justement d'entrer plus avant dans la compréhension du texte.

 

On lit ça et là des nouvelles frappantes : "reconstitution du Big Bang en laboratoire", "découverte sur les trous noirs", "découverte d'une exoplanète". Mais nous n'en faisons rien socialement ou culturellement, cela ne révolutionne pas les conceptions du monde. L'absence des grands physiciens dans le débat public, le fait qu'ils soient d'ailleurs totalement méconnus, sont des éléments incontestables.

 

Peut-être certes la perte de l'influence des Eglises, le fait que la pratique s'étiole, que le rite devienne une coutume, que l'on vive sa religion de plus en plus "à la carte"... peut-être tout cela reflète t-il sourdement que les humains ont compris que Dieu était effectivement mort, sans besoin d'entrer dans les détails des théories d'Einstein ? Quand l'homme est capable de déployer l'énergie atomique, on se demande bien à quoi servirait un Dieu.

 

Il reste que nos sociétés sont sans doute en grand retard sur les avancées de nos chercheurs fondamentaux. Comme l'était l'Europe au moment où Copernic, Galilée, Kepler, avaient acquis des certitudes nouvelles.

 

Ce livre est aussi passionnant quand il aborde la question centrale, obsédante, du "libre arbitre" et du déterminisme chez l'être humain. La science peut aujourd'hui démontrer que le libre-arbitre n'existe pas. Le déterminisme a été validé par des expérimentation sur des cerveaux.

 

Pourtant nous continuons à fonctionner socialement avec cette idée du libre arbitre. En droit français, l'on ne peut juger et condamner à de la Prison que celui qui dispose de son libre-arbitre. Or, si l'on en croît la science, aucun de nous ne possède cette faculté...

 

Hawking explique très clairement une chose que je ne parvenais pas à formuler très clairement en moi : le libre arbitre est une fiction utile, car il est impossible de reconstituer la chaîne des innombrables influences qui conduisent un être à agir. On ne pourrait pas y parvenir mathématiquement. Donc on recourt au libre-arbitre pour combler ce vide. Mais nous ne devons pas être dupes de notre langage.

 

En lisant Hawking - et il le souligne lui-même - on est très proche de la Science-Fiction. On y retrouve des notions très utilisées dans ces oeuvres aussi bien au cinéma que dans la littérature. Par exemple le concept de "champ de forces". Et tout au long du livre, je n'ai cessé de me souvenir du film "Contact" avec Jodie Foster, qui repose sur cette idée d'Univers Multiples, ou de dimensions innombrables.  Cela s'explique, non pas par le fait que les auteurs de SF seraient des prophètes... Mais parce qu'ils prennent le soin de lire les productions scientifiques. 

 

Enfin, Hawking utilise une comparaison qui m'a paru formidable, pour parvenir à expliquer pourquoi nous butons sur cette idée du "début" de l'Univers, ou de ses limites physiques. Il nous compare avec les hommes d'autrefois qui pensaient que la Terre était plate, et que si on parvenait au bord du monde, on tombait... En fait, si vous allez au pôle Sud, vous ne tombez pas. Et pourtant vous êtes bien à l'extrémité Sud de la Planète. Mais vous n'êtes pas au bord du monde, il n'y a pas de bord du monde. Tout dépend du modèle que l'on utilise. Il faut accepter d'en changer pour commencer à comprendre.

 

Bonne nouvelle : l'Univers expliqué par la physique quantique est tout de même plus passionnant que celui, figé, des Religions. Il est sans limites.

 

Et le plus incroyable dans tout ça, et Hawking le souligne, c'est que l'être humain, en aussi peu de temps sur terre, et malgré des périodes de stagnation, est déjà parvenu aussi loin dans la compréhension de l'Univers.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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commentaires

M
4- Une toute autre philosophie, et pourquoi pas?<br /> <br /> <br /> Pourquoi l'homme s'attache à ce que le vide ou plutôt ce qu'on devrait appelé à proprement parler le néant devrait être à l'origine de la création, cependant il y a lieu de croire que ce dernier<br /> n'a jamais existé, et le fait qu'il y a quelque chose au lieu de rien du tout (le néant) atteste de ce fait. La logique et la bonne raison veulent que du néant impossible qu’il surgisse quoique se<br /> soit. Ainsi c’est le quelque chose qui est l’origine, c'est-à-dire, qu’il est le premier et le dernier, rien n’existait avant lui si ce n’est lui et rien ne peut exister après lui si ce n’est lui,<br /> en somme le néant n'a pas droit d’être, et c'est cela la vraie question, c'est à dire comment ce quelque chose à pu toujours exister et que rien n’a existé avant lui si ce n’est lui et rien ne peut<br /> existait après lui autre que lui. Cela est encore plus énigmatique à résoudre que la résolution de la problématique d’une émanation probable de ce quelque chose du néant, et qui n’a aucune assise<br /> logique raisonnable, puisque le quelque chose s’impose à tous.Et pour vous attestez du bon fondement de ce que je raconte et de lé bêtise de ce qu'ils raconte c'est que vraiment la terre est palte<br /> et qu'il existe réellement un architecte de l'univers, toute notre science tombe à l'eau fort bien dommage.
Répondre
R
<br /> tu donnes un max envie de lire... merci.<br /> <br /> <br />
Répondre
J
<br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Celui-là, il est assez incroyable. Faut s'accrocher, et certaines pages sont vraiment obscures. Mais c'est tout de même sidérant. Je te conseille vraiment. En plus il est joliment illustré. Et on<br /> rigole pas mal. Hawking n'est pas n'importe qui... Il occupe la chaire d'Isaac Newton. C'est pas Michel Chevalet...<br /> <br /> <br /> <br />

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Lectures de Jérôme Bonnemaison

 

Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).


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D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.

 

Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.


Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk. Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.


 

De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la  bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».


 

J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde  le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.


 

Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.

 

 

Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…


 

Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.

 

 

Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.


 

Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.  


 

Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.


 

J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.


 

Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.

 

 

Jérôme Bonnemaison,

Toulouse.

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