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12 octobre 2011 3 12 /10 /octobre /2011 16:00

WHAROL.jpgA force de croiser l’intriguant mais sybillin philosophe Walter Benjamin dans de nombreuses lectures (par exemple dans une biographie de Hannah Arendt, dans ses textes, ou dans un essai incompréhensible de Daniel Bensaïd…), son influence devenant de plus en plus prégnante me semble t-il, j’ai voulu aller dans le texte…

 

J’ai donc opté pour un petit texte, mais qui me semblait avoir beaucoup compté dans la pensée de la culture : « L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique » (1939)…

Bon, j’avertis d’emblée, on est loin des sophismes flattant le lecteur progressiste de Michel Onfray… Et on peut difficilement lire ce texte tout en regardant Koh Lanta et en écoutant le Best Of définitif de la Compagnie Créole main plongée dans un pot Haagen Daas… (mais je ne suis pas ici pour dévoiler mon intimité). Cela mérite un peu de concentration…

 

Apprécier ce texte requiert me semble t-il en préalable une initiation au mouvement général et d'avoir approché certains concepts de la pensée marxiste (par exemple valeurs d’usage et d’échange, fétichisme de la marchandise). Car Benjamin, dans cet essai, applique à l’art de son temps la méthode matérialiste systématisée par Marx et Engels, qui voit dans la production sociale de l’existence la base, en dernier ressort, des déploiements de la perception du monde, de l’idéologie, de la culture, de l’ordre juridique….

 

Ainsi Benjamin identifie la révolution des conditions de production de l’art (c'est-à-dire sa reproductibilité technique grâce à la litographie, à la photo, au cinéma) comme la cause qui va bouleverser sa signification pour l’humanité. Et il imagine son texte comme une ramification possible, dans le domaine de la réflexion sur la culture, du Capital de Marx.

 

C’est un texte difficile ; sans doute à digérer et à relire, à méditer, car il me paraît extrêmement fécond même dans ses recoins les plus hermétiques. J’en parle ici après une première lecture, donc sans avoir trop approfondi et ne saisissant pas toutes les subtilités, mais en pressentant les développements considérables de cette soixantaine de pages.

 

Il a toujours été possible de reproduire une œuvre d’art.  Mais la reproduction « technique » marque un saut qualitatif. Un point décisif est lorsque l’image défile à une vitesse tellement accélérée qu’elle parvient « à suivre la cadence de la parole » : c’est le film.

 

Mais à la reproduction la plus fidèle, il manque « l’aura » de l’œuvre unique. Son authenticité. Ce qui justement, ne peut pas être reproduit.

 

Au contraire de la reproduction manuelle (la copie d’un tableau par exemple), la reproduction technique peut cependant transporter l’œuvre là où elle ne saurait jamais aller (on peut avoir la sagrada familia dans sa chambre) ; et elle peut faire ressortir (par la prise de vue dans le cas de la photo) des aspects insaisissables de l’œuvre. L’autorité de l’œuvre originale est ainsi affaiblie.

 

Ce qui « dépérit » donc, c’est l’aura de l’œuvre d’art. Et ceci entre dans un mouvement plus général d’affaiblissement de la tradition dans la vie de l’humanité, dont l’art n’est qu’un aspect.

Dès 1939, Benjamin l’écrit : le cinéma est un agent de « liquidation de la valeur traditionnelle de l’héritage culturel ».

 

Avec la possibilité de reproduction technique en série, « rendre les choses spatialement et humainement plus proches de soi, c’est chez les masses d’aujourd’hui un désir tout aussi passionné que leur tendance à déposséder tout phénomène de son unicité au moyen d’une réception de sa reproduction »… En 1939, Benjamin distinguait nettement le processus qui nous mène aux DVD et plates-formes de téléchargement.

 

La reproduction en série des œuvres uniques marque une évolution profonde de la civilisation : c’est désormais le règne des Masses. Dans le domaine de la pensée, la statistique s’impose (on le voit ces jours avec les sondages…) ; et la perception des produits culturels se transforme, par la disparition de l’aura dans les séries reproduites.

 

La théorie de « l’art pour l’art » a été une tentative vouée à l’échec de résister à ce mouvement, au moment où la photographie fut inventée. Mais en vain. L’art va définitivement sortir du champ du rituel. Il devient alors un domaine proprement politique et les masses peuvent s’en emparer… Et en cela Walter Benjamin, en tant que communiste optimiste, place les plus grandes espérances.

 

Une autre tentative de résister à cette perte de l’aura sera la création des stars de cinéma… Mais là aussi ce fut peine perdue, et les stars devinrent des people, dont on parle plus comme des personnes (voir les interviews d’acteurs aujourd’hui, qui n’abordent que la vie privée), que comme des vecteurs d’un rituel.

 

Du fait de ces transformations techniques permettant la reproduction de l’œuvre à grande échelle, la distinction entre l’auteur et le public tend à s’effacer…  « A tout moment, le lecteur est prêt à devenir écrivain »… mouvement qui aboutira aux blogs, à Wikipédia, etc… La chose avait commencé dans les courriers des lecteurs des journaux de masse. La même chose se déroule dans le cinéma, en rupture avec le théâtre, et « chacun peut légitimement revendiquer d’être filmé »… Andy Wharol dira « d’avoir son quart d’heure de gloire »…

 

Walter Benjamin, en se référant à Freud, pointe une analogie passionnante entre le cinéma et la psychanalyse. Le freudisme a permis de rendre visibles des choses essentielles qui se perdaient dans le flot des paroles et comportements (les lapsus par exemple), et donc de changer notre perception de la réalité, et le cinéma opère de même. Il nous permet d’approfondir notre vision de la réalité, de la matière, du mouvement. Il nous ouvre « un champ d’action immense que nous ne soupçonnions pas », « grâce à la dynamite de ses dixièmes de seconde ». Le gros plan, le ralenti en sont des manifestations. La caméra « nous ouvre l’accès à l’inconscient visuel comme la psychanalyse nous ouvre l’accès à l’inconscient pulsionnel ». Et ceci est en soi un potentiel de liberté pour l’humanité.

 

Le dadaïsme, « en avance sur son temps » pour le dire prosaïquement, a essayé de produire par la peinture et la littérature ce que le cinéma a pu réaliser ensuite. Le dadaïsme, c’était la destruction systématique de tout l’aura des œuvres… Il comportait donc une dimension prophétique, ou annonciatrice. Mais comme la révolution russe était prématurée en 1905, le projet dadaïste devait attendre un nouvel élan des forces productives pour atteindre son but...

 

On pourrait saisir cette discussion sur l’art comme un luxe de lettrés sans intérêt… Mais Walter Benjamin montre qu’il n’en est rien, dans ces années 30 où le fascisme gangrène l’Europe (jusqu’à conduire cet auteur à se suicider, à la frontière espagnole, traqué par les nazis dans son exil français).

 

Le fascisme tente d’organiser les masses sans remettre en cause la propriété capitaliste qu’il tente de sauver… C’est pourquoi il essaie de canaliser leur révolte en leur permettant de s'exprimer. C’est pourquoi le fascisme est une « esthétisation de la vie politique ». Leni Riefenstahl l’avait bien compris.

 

Cette fuite dans l’esthétisation aboutit nécessairement, et c’est la logique du fascisme, dans la guerre. Celle-ci est la manière pour le capitalisme de surmonter ses contradictions.

 

Ainsi, Benjamin cite Marinetti, le théoricien du mouvement culturel futuriste, rallié à Mussolini : « la guerre est belle ».

 

A cette esthétisation de la politique, la gauche selon Walter Benjamin, doit riposter par la « politisation de l’art ». Prendre conscience de l’immense potentiel révolutionnaire de la culture, décuplé par les techniques de diffusion, de réalisation en série.

 

Si l’optimisme mécaniste de Benjamin ne peut plus être partagé aujourd’hui, et que depuis 1939 nous avons largement eu l’occasion de constater amèrement que la reproductibilité technique de l’art peut aussi être mise au service de la domination des masses… Son texte est tout de même un appel revivifiant au combat pour la culture. Elle ne doit pas être considérée comme un supplément d’âme ou un luxe de pays développé, mais comme un moyen de libération dont on doit pouvoir se saisir. Et pour ma part je crois qu’on sous-estime son rôle historique. On sous-estime par exemple le rôle du cinéma, de la mise en scène, dans la résistance de l’esprit critique. Mes amis « rebelles » dans leur diversité, sont tous des ogres mangeurs d’images…

 

Rien ne sert de pleurer et de dire « c’était mieux avant », ces posters partout affichés des impressionnistes sont minables, et « qu’est ce que c’était bien » quand il n’y avait personne dans les musées et qu’on pouvait s’y recueillir… Au contraire il est indispensable de tirer profit des perspectives que nous offre l’évolution des techniques : les blogs, les vidéos en ligne, la possibilité de faire partager la beauté au plus grand nombre, sans qu’elle assomme chacun de son autorité…

 

Les progrès techniques réalisés dans le monde culturel sont d’une immense portée. Ils peuvent aussi et doivent être mis au profit d’une émancipation de l’humanité.

 

Dans le domaine de l’art en lui-même, je suis frappé par la filiation directe entre le texte de Walter Benjamin et l’Art Contemporain, qui essaie d’en tirer les conclusions, pour ses secteur les plus sincères. Notamment l’œuvre d’Andy Wharol, qu’on peut lire tout entière comme une réinterprétation artistique de cet essai de Benjamin. Les portraits alignés de Marylin Monroe sont l’expression même de la destruction de l’aura dont parle Benjamin. Et en les imprimant sur T Shirts on est encore plus fidèle à ce que voulait expliciter Wharol.

 

Cette dimension philosophique profonde du Pop Art ne m'avait pas sauté aux yeux, même si je saisissais les références à la consommation et à son impact sur la culture, et la lecture de ce petit livre me permet, d’ores et déjà, de porter un autre regard, plus averti et intéressé, sur l'Art Contemporain et ce qu’il essaie de nous dire, sans doute en ressassant… Il y a tout de même lecture moins enrichissante que cet essai de Walter Benjamin…

 

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commentaires

L
<br /> C'est bien dommage d'être sédentaire. Le voyage offre tellement de perceptives...<br /> <br /> <br />
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L
<br /> Pour quelqu'un qui prétend ne pas avoir compris la finalité du propos de Walter Benjamin tu t'en sors bigrement bien!<br /> <br /> Il faut pour compléter, j'aurais préféré dire anticiper, la lecture de cet essai, avoir en tête les écrits sur l'Art de Baudelaire. Il est évident que les perturbations notoires, que peuvent<br /> représenter la photographie et le cinéma, offrent à l'Art en général une autre dimension matérielle.<br /> Peut être que je me risquerais aussi à te conseiller les lectures des écrits sur l'Art de Malraux.<br /> En ce qui me concerne, j'identifie deux temps majeurs avant le constat de Benjamin: l'Art est successivement une transfiguration du Sacré (Lascaux est une sacralisation) puis une compréhension du<br /> Monde dans sa capacité à le représenter.<br /> L'Art et le Sacré sont des éléments déterminants de l'Humanité. Cette fonction va au delà de la contemplation, qui n'est pas forcément utile à examiner aujourd'hui. En revanche, elle propose une<br /> vision assez intéressante des fondements spirituels de l'Humanité: comprendre que les phénomènes matériels sont complexes et pour longtemps (toujours?) inconcevables de manière exhaustive, et que<br /> pourtant, des règles, des concepts régissent leurs accomplissements. Et bien entendu, l'Art, dès les peintures rupestres de Lascaux offre un point de vue important sur l'existence: ce qui est ne<br /> sera plus. On peut évoquer son souvenir, on peut tenter de le représenter, ou plutôt d'en offrir une lecture.<br /> Le deuxième temps est que l'Art après avoir été un objet sacré, devient un bien privé. C'est finalement assez récent. Il commence à mon sens en Toscane, où la richesse des villes (Florence, Sienne<br /> et Pise) est grandissante. Des œuvres extravagantes sont commandés. La construction du Campo Santo coûte plus cher qu'une guerre à la ville de Pise. Finalement l'espace religieux est une<br /> affirmation de la puissance financière certes collective, mais essentiellement liée à la richesse des marchands, des banquiers florentins. Venise ira dans le même sens. Le Pape n'est plus qu'un<br /> client de Michel Ange. Certes ses moyens et le prestige est important. Mais l'Art devient un objet de convoitise et de spéculation.<br /> Il existe une chose intéressante peu connue en pleine période de marchandisation de l'Art. Pierre de Médicis vient de succéder à Laurent le Magnifique, qui a été le mécène de Michel Ange. Comme un<br /> pied de nez à cette réalité intemporelle, objet de fascination et de spéculation, Pierre demande à Michel Ange de sculpter un immense bonhomme de neige (il me semble qu'il s'agissait d'un Jupiter)<br /> offert aux regards des florentins pour quelques jours à côté du Palazzo Vecchio (sans doute à proximité de l'endroit où l'on peut admirer la reproduction du David). Le pied de nez, est plus proche<br /> de Néron qu'autre chose, mais l'acte est assez admirable a posteriori.<br /> <br /> L'Art devenait donc un élément de valeur marchande forte. Sa beauté devait être longue, désirable, objet de convoitise des puissants. Sa valeur tenait autant par sa qualité conceptuelle, que par la<br /> rareté de son exécution.<br /> <br /> Le propos de Walter Benjamin est donc double. Il est d'abord de dire que l'Art dans sa valeur conceptuel devient un élément reproductible à l'infini. Il s'affranchit de la valeur de son unicité, de<br /> sa rareté. De même, il offre comme idée qu'il s'affranchit également de sa valeur en tant que représentation du réel. Ingres, Caravage et d'autres maitres sont admirés pour leurs capacités à<br /> reproduire la lumière, les nuances et la structure d'une scène. On sait depuis, notamment grâce à David Hockney, que ces maitres travaillaient sans doute avec des chambres noires, pour croquer les<br /> grandes lignes. Par ailleurs, au moyen age, peintres et opticiens étaient réunis en une même guilde. Amusant non? Cette rareté comme représentation du réel, serait sans doute due à un secret<br /> partagé.<br /> <br /> Enfin, et c'est sans doute l'essentiel du propos de Benjamin, c'est que l'Art est finalement une expérience. C'est sans doute ce qui précède qui permet de le concevoir. En effet, on peut tous avoir<br /> un poster de Kandinsky, de Miro, ou de Goya pour une somme minime. Mais rien finalement ne remplace ou n'atteint en intensité la première confrontation à une oeuvre.<br /> J'ai cinq ans. Je suis à Amsterdam, et je fais face à la Ronde de Nuit. Mon père, professeur d'Arts Appliqués, souvent avare de mots, m'offre une explication calme, très légère du travail de la<br /> lumière chez Rembrandt. 35 ans après je m'en rappelle encore. Sans nostalgie, je pense que cela fait partie de mes plus vieux souvenirs "structurés".<br /> Je me rappelle de la première confrontation au Tombeau des Medicis à Florence. Je devais avoir une dizaine d'année. J'y suis retourné plusieurs fois. En 1989, donc quelques années plus tard, je<br /> reviens à Florence. J'ai hâte de revoir ce monument. Ma mémoire est pleine du gigantisme de cette œuvre blanche et inachevée. Je constate que finalement bien que superbe elle est minuscule en<br /> comparaison des autres parties plus récentes du monument. Pourtant je me rappelle du premier choc face à l'équilibre de la pièce.<br /> Je garde aussi un souvenir ému des confrontations aux Botticelli aux Offices à Florence, à Saint Marc à Venise, à la Quinta del Sordo de Goya au Prado à Madrid.<br /> L'Art est une expérience. Elle s'est affranchie par sa capacité à se reproduire à l'infini de la rareté de sa confrontation aux individus. Elle offre des perceptives nouvelles par ce biais. des<br /> perceptives sociales, politiques et donc humaines.<br /> <br /> <br />
Répondre
J
<br /> <br /> Moi je suis sédentaire... Terriblement sédentaire.<br /> <br /> <br /> <br />

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Lectures de Jérôme Bonnemaison

 

Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).


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D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.

 

Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.


Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk. Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.


 

De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la  bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».


 

J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde  le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.


 

Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.

 

 

Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…


 

Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.

 

 

Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.


 

Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.  


 

Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.


 

J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.


 

Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.

 

 

Jérôme Bonnemaison,

Toulouse.

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