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30 novembre 2011 3 30 /11 /novembre /2011 00:00

girl-power.jpg 

Ah ces païens....

 

Lisez donc Lysistrata, cette pièce comique écrite en 411 avant notre ère, par l'athénien Aristophane... Absolument jubilatoire, osé, limite "groland" (voire totalement). Et Aristophane n'était pas un marginal, un auteur clandestin ou un paria, c'était un auteur à succès !

 

Il y a de quoi faire rougir  un tenancier de sex shop phénicien , dans cette pièce radicalement pacifiste et féministe. D'une truculence et d'une grossièreté comique qui ne surgira plus jusqu'à Rabelais.

 

Une pièce féministe tendance "girl power", du type "on va les calmer ces hommes, à grands coups d'escarpins là où je pense"... Loin d'un certain penchant féministe contemporain parfois, à mon goût, un peu lacrymal-calimero. Un féminisme de l'"empowerment" dirait Michèle Obama... mais qui n'a rien contre les hommes, souhaitant les retrouver tout au contraire. Un féminisme capable d'auto dérision aussi : un réflexe sain qui manque parfois aux militant(e)s.

 

Nous sommes en pleine guerre du Péloponnèse. En gros Athènes et ses alliés contre Sparte et les siens.

 

Lysistrata, une femme de caractère, en a plus que marre de cette guerre qui prive les athéniennes de leurs hommes et les condamme au veuvage ensuite. Elle convoque en douce une réunion des femmes d'Athènes et de Sparte, mais celles-ci, casanières, ont du mal à quitter leur logis et Lysistrata n'a de cesse de les houspiller.

 

Elles arrivent, et Lysistrata leur propose une mesure radicale pour mettre fin à la guerre, ce jeu absurde motivé par l'argent, fléau de tous les maux... à savoir la grêve du sexe, jusqu'à obtention totale des revendications, à savoir la Paix entre Athènes et Sparte !!! Au début les femmes rechignent, elles préfèrent encore toutes les contraintes à ce sacrifice...  Puis elles se rallient à la proposition.

 

Les femmes rebelles d'Athènes s'emparent alors de l'Acropole, jusqu'à la victoire. Les hommes sont désemparés, d'autant que les femmes se baladent en nuisette transparente et "touffe bien taillée" pour aviver le désir masculin. Les soldats essaient bien de reprendre l'Acropole, tentant l'intimidation par la force, mais se heurtent à l'agressivité déconcertante des femmes ... Thématique très moderne ce me semble : l'homme qui violente la femme est au fond un faible. Et il s'écrase vite devant la résistance.

 

Pendant ce temps les femmes de Sparte en font autant.

 

Culmine alors la grossièreté comique assumée de la pièce : les hommes se promènent sur la scène affublés de membres en érection de plus en plus douloureux et gigantesques, suppliant le soulagement. Lysistrata a fort à faire pour éviter les défections de ses camarades attendries.

 

N'en pouvant plus, assez vite, les belligérants viennent jurer de faire la paix dans l'Acropole. Et tout finit dans un Banquet de réconciliation, comme chez Molière... On ne verra pas tout de même les retrouvailles dans les détails... Mais Aristophane n'élude rien : les positions favorites des athéniens, les jeux de mots les plus salaces, les détails corporels affriolants...

 

Et Lysistrata, en héroïne anarchiste ultra moderne, ne fait rien de sa victoire, elle se retire. Elle se contrefout du pouvoir politique, qui est d'ailleurs méprisé et moqué pendant toute la pièce...

 

La faiblesse des hommes est étalée. Et cette pièce qui ne dénoterait pas dans un numéro d' Hara Kiri est en définitive une ode à l'amour entre les femmes et les hommes et à la puissance féminine, capable de briser la domination masculine, tenant en réalité sur quelques apparences et sur la passivité des femmes.

 

Dans la vraie vie, la guerre du Péloponnèse malheureusement, ne se terminera pas de manière si heureuse. Elle sera une boucherie. Lysistrata, la "femme libre", n'est qu'un fantasme d'Aristophane. Un homme.

 

Le monde antique a été plus ou moins libéré selon les époques. Il est cependant étonnant de voir une telle pièce écrite et jouée il y a si longtemps dans notre passé. Le christianisme passera ensuite par là, et refroidira  sur les bûchers les ardeurs des Aristophanes.  Certes, l'audace et la verbalisation sexuelle de l'auteur ne se déploie que dans certaines limites : le désir concerne d'abord les époux... On ne touche pas à la monogamie et à la fidélité.   

 

Et moi, je suis toujours aussi bluffé de voir les Anciens appréhender avec autant de clarté les questions politiques essentielles. Et inventer sous nos yeux la comédie grinçante et subversive.

                                                                                                                                                                

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Lectures de Jérôme Bonnemaison

 

Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).


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D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.

 

Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.


Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk. Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.


 

De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la  bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».


 

J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde  le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.


 

Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.

 

 

Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…


 

Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.

 

 

Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.


 

Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.  


 

Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.


 

J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.


 

Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.

 

 

Jérôme Bonnemaison,

Toulouse.

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