L'autre jour, un ami qui a récemment retouvé ses
racines rurales m'a donné, sur un malentendu, l'idée d'écrire un Post sur Isaac Asimov. Bonne idée, que j'exécute.
La Science fiction est considérée, qu'on le veuille ou non, comme un genre mineur, une littérature de
petits maniaques gorgés de sébum. Il est vrai qu'ils en sont l'avant garde. On les aperçoit dans les boutiques spécialisées, le dos voûté, le caleçon années 80 dépassant du Jean, en train de
compulser lentement, enfermés dans une bulle, des éditions inconnues de nous, écluseurs de Folios.
Mais comme le Polar (dont elle n'est souvent qu'une variante) et encore plus sans doute, la SF est sans doute mésestimée. La lecture de "Fondation" d'Asimov, grand classique du genre, vous en convaincra définitivement.
"Fondation" court sur 6 tomes qu'il vaut mieux lire dans l'ordre, chacun étant bien fourni. Mais vites lus, tant ils sont passionnants et limpides.
Très loin dans le futur, alors que l'humanité a essaimé dans l'espace, et que la Terre n'est plus qu'un mythe presque oublié, un Empire Galactique s'effondre. Un petit groupe de "psycho-historiens" est parvenu à calculer le temps que durera le chaos qui va s'ensuivre. Mais si le désastre est inéluctable, le retour de la civilisation peut être accéléré, dans l'hypothèse où certaines décisions sont prises, au cours de la période qui s'ouvre. Ces "psycho-historiens" vont constituer une Fondation capable de conserver les acquis de cette science et de défendre le "Plan" qui doit permettre à l'ordre universel de renaître le plus vite possible. Mais attention, les prévisions ont une marge d'erreur. Et le "Plan " peut dévier. De plus, si la psycho-histoire peut prédire l'avenir des grandes masses, relativement statiques, elle ne peut pas prédire l'avenir à un niveau individuel. Or, l'individu compte dans l'Histoire.
"Fondation" va donc nous raconter le déroulement de cette période de chaos et d'incertitudes, que les "Fondateurs" voudraient conduire sur les bons rails. Avec de
nombreuses péripéties.
Le style n'est pas la préoccupation première de l'auteur. Il est simple, direct, efficace. Et finalement, ce n'est pas si aisé d'écrire clairement. Mal écrire, c'est peut-être s'empêtrer dans trop de guirlandes. Asimov, lui, il va au fait. Les descriptions sont sommaires, plantent le décor, et le livre utilise beaucoup les dialogues, ce qu'il y a de plus facile à lire.
La science-fiction tient lieu de laboratoire. Comme l'Utopie d'ailleurs, qui est sa cousine. Ce fameux laboratoire qui manque tant aux sciences humaines, pour pouvoir se hisser au niveau des sciences dites dures.
Ainsi, dans "Fondation", on s'interroge avec légèreté et humour -sans conséquences dans ce monde imaginaire-sur des sujets comme celui de la capacité de l'historien à anticiper l'avenir. On y compare, preuves à l'appui, les différents modèles de société : de l'individualisme absolu (des êtres enfermés dans un bunker ne se voyant jamais) au collectivisme extrême (une société totalement intégrée, fusionnant avec son environnement pour constituer un seul organisme vivant). On y réfléchit sur la statistique, sur la Logique, sur les différentes conceptions du Temps, sur la réalité du pouvoir, sur le rôle de la mémoire et des mythes dans l'Histoire, sur le rôle des anticipations formulées par les individus dans les sociétés (ce qui préoccupait beaucoup Keynes et aujourd'hui tous les économistes).
" Fondation", mine de rien, est un périple de pensée. Avec visite de la Galaxie en bonus. Le tout emballé dans une succession d'intrigues
haletantes, que le lecteur se complaît à essayer de résoudre, sans y parvenir par lui-même (enfin, moi...), comme dans les bons polars . Excellente évasion dans "l'infini et au delà !" (citation de Buzz l'Eclair dans Toy Story).