" La nouvelle pornographie" de Marie
Nimier, petit roman intimiste écrit en 2002, n'a rien d'un manifeste pour le renouvellement du genre porno.
C'est le moins que l'on puisse dire.
Marie Nimier s'y met en scène face à la commande d'un éditeur qui lui propose l'écriture d'une oeuvre pornographique de qualité, raffinée. Comme elle est une romancière qui a du mal à en vivre, elle accepte, très sceptique, avec l'aide de sa colocataire Aline, qui n'a pas froid aux yeux.
Ce roman, écrit avec une plume immédiatement talentueuse, mais qui sur le fond souffre d'inspiration parfois et finit par s'étioler, sombrant dans le banal du quotidien d'une femme qui n'a pas grand chose à dire, coule de source grâce au style léger et épuré de Marie Nimier, douée pour écrire. Trop ?
Mme Nimier me fait l'effet de quelqu'un de trop gâté par les muses, qui n'a pas l'habitude de travailler et de forcer son talent, d'autant plus que le nom de famille ouvre les portes de l'édition. C'est pourquoi le roman est agréable à lire, sauvé par le style, malgré sa légèreté frustrante, le titre fonctionnant comme un beau produit d'appel, mais risquant évidemment de nous décevoir. Et il déçoit en effet, malgré les promesses contenues à chaque page.
Le livre, qui s'ouvre comme une interrogation sur la pornographie à travers un prisme littéraire, se développe comme une exploration de l'écriture, dans son analogie avec la vie sexuelle et les fantasmes. La littérature, contrairement à ce qu'en pensent ses dédaigneux, est une affaire de sacrés jouisseurs. Elle permet tout, elle autorise à aller où l'on veut, et à en revenir à tout moment, sans dégâts. Elle autorise même à essayer des sexualités qui ne sont pas les nôtres. Et Nimier ne s'en prive pas, sans trop d'entrain cependant, car quelque chose cloche. Et ce quelque chose c'est l'amour.
Vivre n'importe quelle vie, c'est ce que permet l'écriture (la lecture aussi), et ainsi c'est une forme suprême de fantasme. Le roman nous plonge ainsi dans les expériences sexuelles de Marie et d'Aline, dont on ne sait s'ils relèvent du réel ou de l'imaginaire, de l'écriture ou de l'enquête pré rédactionnelle. On écrit sa vie et la vie s'écrit. Les expériences physiques sont autant de plongées de l'autre côté du miroir, de perditions, d'utopie surréaliste.
C'est très chaud, il faut bien le reconnaitre. A faire rougir un marin habitué des ports belges. Parfois aussi un peu cradingue. Chacun son truc.
L'idée qui ressort, un peu nunuche peut-être dans son expression, contrastée avec la hardiesse de certains passages, mais qu'on ne critiquera pas en soi, c'est que la sexualité est toujours peu ou prou une éclaircie sur l'amour. Même quand on vit une expérience assez déconcertante dans un avion avec un japonais inconnu. Ainsi la discussion avec l'éditeur débouche sur l'amour. Et un amour littéraire, n'est-ce pas, est un amour déçu.
Nimier attrape certains fils qu'elle aurait pu tisser, comme celui du regard d'une femme sur le porno, sur sa fonction ou ses mécaniques. Y a t-il une pornographie possible ou est ce une impasse obligée ? Une écrivaine est-elle enfermée dans son genre (au sens identité de sexe) ou peut-elle aspirer à "une écriture large" ?
Ces fils sont attrapés et toujours presque immédiatement redéposés. On a ainsi la sensation d'un talent exposé puis délaissé, d'un embryon littéraire prometteur qui ne se développe pas. Dommage. Marie Nimier peut donner mieux, et nous sommes en droit de l'attendre.