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23 juin 2013 7 23 /06 /juin /2013 21:52

tumblr_m9k6vzqybz1qb155to1_500.jpgVoici un petit bijou de sagesse, d'intelligence exprimée dans la simplicité (et donc dans la fraternité), de sincérité - jusqu'à la confession-.

 

Dans un petit essai, "Un paradigme" (excellentes éditions Allia), dont le titre ("un" et pas "le") souligne aussi l'humilité, la volonté de recherche et de partage sans sectarisme, le sinologue Jean-François Billeter nous dit en quelque sorte "où il en est" en matière philosophique. Où sa vie et sa réflexion intime, à partir de ses observations les plus directes, l'ont conduit. Et il nous propose ainsi son propre paradigme, sa propre manière d'envisager le monde et l'humain et ainsi de développer ses pensées, qui ont besoin d'un angle de vue pour pénétrer l'objet.

 

Billeter rencontre Spinoza et la pensée taoïste sur ce chemin. Mais ils les rencontre vraiment, c'est à dire qu'il vient à eux à partir de son observation, de la pensée de sa propre expérience du monde, la plus radicale dans son exigence. Car Billeter essaie de penser. De se confronter au réel à travers sa disposition à la raison. De jeter un regard dépouillé au départ de tout préjugé ou prérequis culturel, sur les choses et sur soi-même au milieu des choses. En cela il rappelle un Descartes ou justement ce Spinoza qu'il va rencontrer (Spinoza, le spectre souriant qui hante ce blog, et qui bien sûr n'est pas étranger à la découverte de l'essai dont on parle...).

 

C'est une contribution parmi beaucoup d'autres, permettant d'avancer, car sortant de certains carcans enracinés dans notre langage, dans notre tradition philosophique dominante (ou qui du moins domine la pensée dominante), basée sur la scission entre le corps et l'esprit, entre la nature et la culture. Cette dissociation étant aux yeux de Billeter (et j'en suis d'accord !) mutilante.

 

L'auteur remarque d'abord, tout simplement, chacun peut immédiatement en faire l'expérience, sans recours aux grands textes (mais quel délice de retrouver tout le goût de son expérience quand on les lit !), que les idées nous viennent sans qu'on le décide. Elles viennent d'où ? De notre corps. Elles adviennent. En particulier quand nous faisons le vide, quand notre corps est un "vide actif". Les idées viennent alors à notre conscience. Ce n'est pas notre conscience qui forge les idées. Elle les recueille.

 

On appelera ainsi "corps" l'activité humaine. Y compris cette production des idées. Billeter propose (très spinoziste) de définir le corps comme une activité. 

 

En nous il y a de l'activité, une part consciente, une part non consciente. Qu'est ce que le sommeil, sinon une activité non consciente ? 

 

Voici dont que par cette simple manière de considérer les choses, nous avons déjà dépassé l'opposition stérile (celui qui somatise le sait spontanément ce me semble) entre l'esprit et le corps. Et donc aussi, par extension, entre le naturel et le culturel.

 

Allons plus loin.... Ce dualisme entre l'esprit et le corps nous conduit à distinguer l'intention et l'acte. A soumettre ce dernier à la première notion. Et pourtant... Imaginez-vous en train de servir au Tennis.... Pouvez-vous vraiment distinguer les deux notions ? Non.... L'intention est contenue dans tout le geste, dans son déroulement. Pourquoi donc ? Parce que c'est un geste appris. 

 

Le geste du tennisman, qu'il réalise automatiquement, où l'intention se confond avec l'agir, est le résultat d'un apprentissage patient (on n'apprend pas en une seconde à servir au tennis), mais c'est vrai pour tant de nos gestes qui nous semblent naturels.... Comme manger avec des couverts (regardons nos enfants, et nous voyons que ce n'est pas naturel. Mais ce n'est pas conscient non plus pour nous, nous n'avons pas besoin de poser une intention pour le faire. Donc pas besoin du contrôle d'un "je" décideur pour agir...).

 

Qu'est ce qu'un geste ? C'est ainsi quelque chose de très important, qui peut justement nous servir de paradigme général pour comprendre l'humain. C'est une "intégration".

 

Pour accomplir un geste, on intègre peu à peu des composantes. Un écrivain apprend à tenir un stylo, puis à écrire, puis des codes, puis... Un style.... Le niveau le plus subtil donc de l'intégration.

 

Et plus nous sommes engagés dans ces processus d'intégration, plus nous sommes conscients de ce que nous réalisons. Nous en sommes les spectateurs avisés (d'où le fait à mon avis qu'il faut nécessairement de bons joueurs pour faire de bon entraîneurs....).

 

Parler par exemple. C'est une magnifique intégration, c'est la mise en musique d'énormément de dimensions, qui nous semblent naturelles. Or nous devons les apprendre, à commencer par l'usage de plusieurs muscles simultanément pour parvenir à prononcer. La parole humaine montre ainsi que la nature et la culture ne s'opposent pas. Ce qui nous paraît naturel relève de la culture, et réciproquement

 

(Voici une clé du matérialisme philosophique... L'esprit et le corps ne sont pas séparés, ils sont des expressions différentes d'une même personnalité).

 

Revenons aux idées qui nous viennent sans qu'on le décide. Elles réalisent aussi une intégration. Et elles ont besoin pour subsister d'une enveloppe : le mot. Celui ci-leur confère une stabilité, et il renvoie à des expériences sensibles. Les mots créent les choses, donc, et ils nous permettent de vivre dans un monde partagé entre nous, de choses. 

 

Attention : on touche ici à un point essentiel, qui soulèverait d'enthousiasme un Philip K Dick : le monde et la réalité ce n'est pas la même chose. La réalité peut comporter tant de mondes singuliers, puisque le monde est ce dans quoi nous vivons, dessiné par le langage, alors que la réalité va au delà de ce monde. Elle l'englobe et la dépasse.

 

D'où on tirera déjà une leçon politique : les mondes sont pluriels. Et ils peuvent ainsi s'opposer, s'affronter, pour faire prévaloir leur vision de la réalité. La guerre humaine est ainsi possible.

 

On peut ainsi saisir ce que la paix humaine suppose. Elle suppose la philosophie chers amis... Puisqu'elle requiert que les humains soient conscients de tout ce que nous venons de dire : les mots font les choses et celles-ci ne s'imposent pas d'elles-mêmes, il peut y avoir une pluralité, notre imagination peut produire des mondes nouveaux....

 

Voila comment on peut entendre cette phrase mystérieuse du grand penseur chinois Tchouang Tseu, quand il dit :

 

" le Sage se range sur ce qui advient".

 

En bref il n'est pas dogmatique.  Notre ami chinois l'a compris en 280 avant J.C.... Ce que les adeptes des "manifs pour tous" de 2013 n'ont pas encore saisi...

 

On peut s'essayer à retrouver en nous cette capacité à créer un monde à partir du langage. Billeter lui, s'asseoit au café. Il essaie de considérer les choses en elles-mêmes, de laisser partir le langage. Peu à peu les mots des voisins de table deviennent une sorte de "fourmillement". 

 

La contemplation de la peinture aussi, relève de cette expérience. Sans doute cela explique, me paraît-il, pourquoi les "modernes" impressionnistes ont été si dérangeants, en suscitant le malaise. L'ordre du monde vacillait. La peinture moderne dit explicitement que le regard crée le monde.

 

Nous parvenons ainsi avec Billeter à une deuxième leçon politique : savoir prendre sa distance avec le langage, avec sa capacité immense : c'est indispensable. Le langage qui pense être le moyen de la Vérité, c'est le totalitarisme. C'est le langage d'Hitler quand il scande ses trois mots fêtiches qui épuisent la réalité, brutalisent le monde. 

 

" Le langage nous donne le pouvoir de créer au sein de la réalité des mondes à notre mesure. C'est folie de croire qu'il peut épuiser ou embrasser la réalité.  Dans ces formes douces, cette folie mène aux maux communs que sont l'enflure du discours, la dérive verbale, les raisonnements sans fin. Quand cette folie se fait dogmatique et veut imposer sa loi, elle est mortifère".

Méfions nous du charisme, donc.

 

A quoi sert donc cette intégration dont nous avons parlé ? Cette activité. Elle crée de la puissance. Le geste se produit, on n'a pas besoin de le décider. Il émane du corps (l'activité) sans besoin de donner un "rôle directeur" à la conscience. Pourquoi l'humain serait-il le seul à échapper au principe de la causalité ? Celui qui effectue un pas l'a t-il décidé dans un sanctuaire ? Non... Le pas émane de "réminiscences" associées à un besoin de faire ce pas, de calcul intégré sur la possibilité de réaliser ce pas. Et c'est le corps qui en décide. Une série de causes entremêlées, impossibles à dénouer. 

 

Evidemment, on rétorque : "et la liberté dis donc, qu'en fais tu ?".

Eh bien, c'est que justement, la liberté n'a pas disparu. Elle change de contenu...

... Car il n'est pas question de nier le sentiment de liberté que nous ressentons quand nous agissons. Oui, nous nous sentons libres parfois. Mais alors, comment pouvons nous être libres dans un monde de déterminisme absolu ?

 

C'est justement que la liberté peut être vue comme celle d'une puissance agissante. Mon acte est libre dans la mesure où il ne dépend que de moi, en tant que puissance agissante. En tant que corps (activité intégrée). Pas besoin d'une liberté interne coupée du corps, coupée de la causalité, pour être libre. Etre libre c'est se réaliser. Réaliser ses potentialités. 

 

Spinoza, que cite ici Billeter (sans dire qu'il lui pique l'expression, c'est pas bien...) dit que nous sommes libres quand nous sommes "cause efficiente". Quand nous produisons du nouveau.

 

Donc l'Homme est bien libre. Il n'est pas libre car il échapperait à la loi de la causalité, mais dans la mesure où il peut produire, par le génie de son activité intégratrice, du nouveau. Ne pas éternellement reproduire le même.

 

Liberté et nécessité sont soeurs siamoises. Quand un homme voit quelqu'un qui se noie et plonge pour le sauver : il accomplit librement la nécessité qui l'a poussé à agir. Il n'a pas le temps de délibérer devant on ne sait quelles instances. 

 

Mais.... C'est à retenir : pour produire du nouveau, pour être libre, il faut laisser faire le corps. Il faut qu'il s'exprime. Il ne faut pas le brimer. Il ne faut pas le réprimer. Coucou Sigmund. Notre conscience étant une réverbération, nous devons saisir qu'il se passe toujours beaucoup plus de choses dans le corps que dans notre conscience. Nous pouvons donc partir à la recherche de ce que dit le corps.  Spinoza disait pour sa part qu'on ne sait pas ce que peut le corps. Il recèle des possibilités inconnues. Ce nouveau qui surgit de nous.

 

Nous évoluons ainsi à travers des "régimes d'activité" successifs. La concentration est un effort pour passer d'un régime à l'autre. 

 

Comment Billeter en est arrivé à ce paradigme ? En analysant sa propre souffrance. En la comprenant comme une puissance d'agir devenue absente. En découvrant que certaines émotions, du fait de son éducation, étaient restées enfouies dans son corps et se taisaient devant sa conscience mais parlaient à travers la dépression. La souffrance provient d'un conflit en soi, de forces qui luttent en nous. Qui ne trouvent pas d'issue. L'issue que trouve le corps est ainsi de réduire l'activité. L'issue, c'est de réduire la tension entre les forces. Elles restent souterraines, et ceci explique que nous ressentons parfois des décalages apparents entre l'apparence de la cause des maux et l'ampleur des maux.

 

Ce nouveau, cet inédit qui surgit en nous, de notre corps, ce qui ne peut se prévoir, c'est une manière de retrouver la transcendance dont parlent les religions. Mais délestée de sa cause surnaturelle, extérieure à nous-même, et donc utilisée comme outil d'oppression. C'est elle que recherchaient les surréalistes aussi.

 

L'acteur du monde humain est donc la "personne", en qui l'activité est intégratrice et créatrice. La personne est singulière, la personne aspire à la liberté, la personne est historique (le fruit d'une Histoire personnelle et collective). La personne, élément fondamental, est "inconnaissable". Elle est donc imprévisible. On ne peut pas l'objectiver vraiment.

Elle échappe...

 

Ce paradigme de l'intégration nous conduit aussi à considérer autrement le temps. Il n'est plus cette somme de points reliant le passé, le présent, l'avenir. Mais il devient façonné par notre activité, qui introduit sans cesse du changement. Le présent est une synthèse de nos anticipations et des faits passés. Le temps est remuant, et la qualité du présent dépend de notre activité.

 

L'auteur nous propose donc un paradigme. Pour ma part il me séduit, et c'est celui que j'utilisais avant de le lire, ayant fréquenté les matérialistes. Mais en quoi ce paradigme est-il séduisant, au delà du plaisir de comprendre ?

 

L'idée d'un déterminisme compatible avec la liberté nous incite à nous tourner vers le monde, à y identifier les causalités. Il rend ainsi le monde plus passionnant. Il fonde par exemple la passion sociologique, économique, psychologique.

 

L'idée d'une liberté suspendue en l'air rend le monde sans grand intérêt. Ceux qui y adhèrent d'ailleurs, raillent souvent ceux qui "expliquent et excusent". Ne pas rire, ne pas pleurer, mais comprendre leur rétorquait Spinoza.

 

L'idée du libre arbitre est aussi liée, c'est moins évident mais Billeter met le doigt dessus, à l'illusion de l'abstention possible. Si je choisis hors de toute contrainte, alors je peux faire des non choix. Un déterministe pour sa part sait qu'il est une cause dans le monde, comme il est une conséquence. 

 

Tout cela peut paraître vain. Mais songeons y : nous vivons indéniablement dans le marasme politique. Et comment peut-on en sortir ? En se posant la question politique par excellence : qu'est ce que l'humanité ? De quelle organisation politique avons-nous besoin ? On voit donc que rien n'est moins vain que les questions que nous avons abordées avec la déclaration philosophique de notre sinologue. 

 

Beaucoup de penseurs radicaux, comme Antonio Negri, Etienne Balibar, Gilles Deleuze, ont prêté attention au déterminisme joyeux d'un Spinoza, qu'ils lurent parfois en parallèle avec Machiavel, penseur politique attentif s'il en fut à la pluralité des puissances agissantes.

 

Ces penseurs avaient saisi qu'en elle-même, l'idée de la singularité des sujets causés et causants, de leur interaction permanente, de leur nécessité de se réaliser... En elle-même cette idée contient celle d'une démocratie radicale. 


 


 

 

 


 


 


 


 


 


 

 

 

 

 

 

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Lectures de Jérôme Bonnemaison

 

Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).


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D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.

 

Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.


Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk. Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.


 

De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la  bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».


 

J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde  le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.


 

Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.

 

 

Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…


 

Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.

 

 

Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.


 

Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.  


 

Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.


 

J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.


 

Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.

 

 

Jérôme Bonnemaison,

Toulouse.

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