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11 décembre 2010 6 11 /12 /décembre /2010 23:37

Les livres qu'on oublie ...


Etonnamment, on oublie totalement certains livres. Surtout quand on les lit vite, mais pas forcément.

Je sais avoir lu "Les faux monnayeurs" de Gide, ou "Les fruits d'or" de Nathalie Sarraute. Je ne suis pas capable de dire un mot à leur sujet. Pas un.

Même constat pour "Rue des boutiques obscures" de Patrick Modiano, ou encore "L'insoutenable légèreté de l'être" de Kundera. "Le fusil de chasse" de Yasushi Inoue.

Ce sont d'ailleurs des auteurs dont j'ai aimé certains livres, qui restent dans ma mémoire vive : "La plaisanterie" ou "L'ignorance" de Kundera; "Enfance" de Sarraute, "La porte étroite" ou "Les caves du vatican" de Gide. " Un pedigree" ou "la place de l'étoile" de Modiano.

Mystère de l'amnésie littéraire. Refoule t-on certaines lectures ?

Plus globalement, je ne me souviens presque jamais des dénouements de livres. Je ne me rappelle pas des intrigues policières, je les mélange.

Je garde la plupart du temps une impression, une scène, une couleur, une représentation visuelle d'un passage, un ton, un état d'esprit, une idée. Une phrase. Par exemple, il est écrit dans le dernier et excellent essai de Jonathan Littell sur la Tchétchénie quelque chose comme : "mais qu'est ce que la réalité ? La réalité c'est une balle dans la tête"... Marquant, comme tout ce qu'il écrit (je suis de ceux qui se risquent à penser que "les bienveillantes" est un grand livre. Cent premières pages à couper le souffle. Mais aussi de grands passages comme celui sur Stalingrad, ou la fuite à travers l'Allemagne, ou le chaos final à travers Berlin).

J'ai été un des rares lecteurs, manifestement, à apprécier son essai "le sec et l'humide", où il s'essaie à une psychologie individuelle du fasciste. Pour le dire vite et prosaïquement,le fasciste est quelqu'un de "pas fini" dont la passion pour le muscle et l'acier a pour objet de le rassurer sur  sa propre existence. C'est un livre méritoire. On dispose de bonnes analyses politiques du fascisme, mais il y a sans doute à creuser le versant psychologique du fanatisme d'extrême droite.

 

Parfois je me remémore un personnage, sans me souvenir de son nom, comme une vieille relation qui ne donne pas de nouvelles depuis longtemps. Par exemple  la fille dont tombe amoureux "Aurélien" dans le roman d'Aragon.

           
... Et les livres qu'on arrive pas à lire

Dans ma bibliothèque, clignent des livres qui m'énervent. Car j'ai du les abandonner très vite, comme un marathonien en hypoglycémie au dixième kilomètre.

Je ne parle pas ici des livres franchement sans intérêt, exécrables ou dégoûtants. Non, je parle d'oeuvres dont vous ressentez qu'elles sont majeures. Mais vous n'y parvenez pas, c'est tout.
Alors on se sent stupide, c'est ainsi. C'est le style bien souvent, qui vous rebute. Ou bien le propos et l'ambiance nous minent le moral. Ou bien on est paresseux, ou un peu benêt.

Quelques exemples d'échecs me concernant :

- "Austerlitz" de W.G Sebald : j'ai craqué vers la page 120. Trop gris. Trop lourd. Pourtant, Sebald est considéré comme un immense écrivain, et ce livre est mythique. J'ai même lu l'interview d'un auteur qui prétendait que ce livre était le meilleur écrit sur la mémoire de l'holocauste. Quant à moi, je ne suis même pas parvenu au point où l'on doit comprendre que le personnage principal a un lien avec le drame.

- "Le bruit et la fureur" de W. Faulkner : impossible d'entrer dans le livre. Qui parle ? Je n'ai pas su m'y retrouver. Ce roman est considéré comme fondateur. Quand je lis dans une critique de livre que l'écrivain est un disciple de Faulkner, je mesure mon ignorance.

- "Uysse" de J. Joyce : abandon très rapide d'un beau pavé de poche tout neuf. Même motif que pour le précédent. Or, on nous explique que c'est le roman le plus marquant du 20 ème siècle. Moi, je n'ai pas dépassé la première centaine de pages. Pas de quoi pavoiser.

-  "L'Etre et le Néant" de Sartre ; écroulement immédiat de ma part, face aux concepts phénoménologiques allemands qui émaillent le propos.

- "Vineland" de Thomas Pynchon : pénible. Mais là je me suis demandé s'il n'y avait pas discussion légitime à tenir sur la qualité de cet auteur, qu'on qualifie comme le génie de notre époque.

-  "Cavalerie rouge" d'Isaac Babel : pourtant le sujet me plaisait (journal d'un écrivain engagé sur le front pendant la guerre civile russe). Mais le style boursoufflé et l'obsession religieuse m'ont rapidement épuisé.

 

Je me souviens aussi d'un Don de Lillo incompréhensible, dont le titre m'échappe. Bien entendu, Don de Lillo est encensé à chacune de ses parutions. Mais je l'évite. Ironie du sort : de Lillo se présente lui-même comme un héritier... de Joyce et de Faulkner (encore eux !). Cette littérature là m'est décidemment fermée.

Pour ma part, je conserve chez moi la plupart de ces titres abandonnés en route. Car on ne sait jamais, l'échec était peut-être circonstanciel. Pas le bon âge. Pas le bon moment. Laissons nous une chance.

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commentaires

B
J'ai ressenti le même désarroi que toi en lisant le bruit et la fureur. Mais ça reste l'une de mes plus belles émotions littéraires. Par ce que j'ai été au bout. C'est à la fin que tout s'assemble. Et ca reste un choc.
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Lectures de Jérôme Bonnemaison

 

Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).


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D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.

 

Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.


Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk. Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.


 

De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la  bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».


 

J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde  le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.


 

Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.

 

 

Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…


 

Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.

 

 

Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.


 

Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.  


 

Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.


 

J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.


 

Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.

 

 

Jérôme Bonnemaison,

Toulouse.

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