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26 novembre 2010 5 26 /11 /novembre /2010 18:52

La Sécurité Sociale et l'Agence Nationale des Conditions de Travail devraient distribuer gratuitement les petits manuels stoïciens à la population.

 

Je ne prétends pas que cela allègerait les souffrances, mais bon, ça vaut bien un massage et c'est moins cher.

 Le stoïcisme fut un temps pensée dominante des élites sous l'Empire Romain. Cette philosophie consolatrice me semble résumée dans l'adage "Fais ce que dois, advienne que pourra".

 On n'est pas obligé d'adhérer à tout ce que prétend le Manuel d'Epictète, monument de ce mouvement, particulièrement radical, et imprégné de religiosité (paganisme).

Dans un genre radical, je préfère les Pensées à moi-même de Marc Aurèle. L'empereur philosophe. Sénèque est grand aussi, mais dans un genre plus terre à terre, plus "coach".

 

Le stoïcisme a disparu en tant que courant de pensée, . Mais vous en trouvez un cousinage dans certains aspects du bouddhisme ou des différents panthéïsmes. Vous en retrouvez une belle expression dans le poème "la mort du loup" de Vigny. Montaigne aussi en était imprégné, mais je ne le connais pas bien. Et plus récemment, le philosophe Rad-soc bizarrement dénommé "Alain", dont je vous conseille les  "propos sur le bonheur".

Les stoïciens et les Epicuriens se livraient une guerre. Avec le recul historique, ils auraient perçu qu'ils partageaient une sagesse largement commune.

 

 Lire ces auteurs ne vous dispensera pas d'haïr votre Patron, de pleurer sur vos lacets cassés, de maudire votre fournisseur Internet, et de pleurnicher sur votre sort. La fréquentation des stoïciens ne vous  permettra pas, malheureusement, de vous débarasser des pièges et ornières de votre inconscient. Mais testez : dans certaines situations désagréables, des passages vous reviennent, ou l'esprit du texte vous imprègne.     

Et la distance s'instaure.

 

Petite anecdote : un matin, je lisais Epictète dans le métro toulousain. Une dame d'âge moyen, ou plutôt moyennement âgée, lisait par dessus mon épaule. Quand je suis descendu, elle m'a demandé le nom     de l'auteur de ces quelques bribes qu'elle avait pu déchiffrer. Je l'ai vue en prendre note, la rame s'éloignant. Puissance immédiate du Verbe.

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Lectures de Jérôme Bonnemaison

 

Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).


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D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.

 

Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.


Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk. Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.


 

De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la  bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».


 

J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde  le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.


 

Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.

 

 

Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…


 

Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.

 

 

Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.


 

Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.  


 

Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.


 

J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.


 

Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.

 

 

Jérôme Bonnemaison,

Toulouse.

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