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29 janvier 2011 6 29 /01 /janvier /2011 08:56

ULYSSE.jpg Je n'aimais pas vraiment "le français" au collège, malgré certains succès.  Mais je suis resté marqué par la lecture de l'"Odyssée" en 4ème (avec une petite prof, qui me paraissait très âgée, Mme Arthis, qui portait blouse blanche, et ressemblait à une souris de laboratoire) . Marqué aussi par la lecture de certaines synthèses de mythologies pour la jeunesse que j'ai du consulter : j'ai gardé de ces bribes de lectures un souvenir agréable et fasciné. Et je pense que c'est lui qui m'a toujours conduit à cesser de zapper quand je tombais sur un péplum, et même à aimer certains d'entre eux, y compris de série B. Je pense à "Jason et les Argonautes" (la scène du combat avec les squelettes est géniale), au plus récent "Gladiator" de Ridley Scott, ou encore à... "Conan le Barbare", qui révéla le futur gouverneur de Californie.

 

La mythologie grecque et sa cousine romaine m'ont donc toujours traîné dans la tête. Plus tard, j'ai pris le temps de lire l'Illiade, même si on la connaît comme on sait les chansons de Joe Dassin. Et il y a cette saveur, celle de la méditerranée. Des amphores (le vin des grecs  serait imbuvable pour nous, mais dans une amphore, c'est attirant), des olives, des criques, des agneaux en broche. Une certaine frugalité au grand air. L'omniprésence du soleil et de la mer  aussi : la définition de l'Eternité selon Rimbaud. Ce que Freud a nommé "le sentiment océanique"... de rares moments où l'on se sent en phase avec le monde. La Mer en est le médium. Le Mantra.

 

C'est pourquoi je viens de saisir l'occasion de relire les récits grecs des origines du monde, racontés avec simplicité et concision par Jean-Pierre Vernant, dans "l'Univers, les dieux, les hommes".  Pour y regoûter un peu.

 

Jean-Pierre Vernant était un homme qui allait à l'essentiel. Ce fut le cas quand il devint chef militaire de la Résistance à Toulouse, s'en retournant ensuite à son étude au lieu de grenouiller dans les arcanes de la IVème République (d'autres ont aussi délaissé pendant un temps leur oeuvre, pour sauver l'essentiel : René Char, Germaine Tillion...Ils furent en vérité nombreux, dont certains ne purent jamais reprendre leur travail de clerc, comme le mathématicien Jean Cavaillès).

 

A 88 ans, Jean-Pierre Vernant a écrit ce petit livre sur les mythes grecs des origines. Avec le simple projet de raconter, dans une langue d'aujourd'hui, des histoires destinées à être transmises par oral, de  génération en génération. Il y parvient fort bien. Certes, on l'aurait peut-être aimé plus entreprenant sur le plan littéraire, bien qu'hélléniste de premier plan et non romancier ou poète. Mais si vous souhaitez vous replonger un instant dans les aventures de Zeus, d'Achille ou de Persée, sans trop de frais, c'est le livre idoine.

 

Vernant parle de "fables de nourrice"... Mais enfin il y a de quoi effrayer les enfants : Cronos qui coupe les bijoux de famille de son père, puis dévore ses enfants...Et pas mal de péripéties du même acabit... Un peu trash pour les tout-petits...

 

Le mythe, c'est bien le récit de l'essentiel. Et le mythe est si proche du roman, qui est souvent, lorsqu'il est réussi en tout cas, voué à l'essentiel. A travers un récit, on peut toucher à l'universel. Et nous avons tous lu des romans qui s'apparentent à des mythes : le comte de Monte Cristo ou Notre Dame de Paris.

 

Il est d'ailleurs frappant de constater les concordances entre différentes mythologies, car partout les hommes se sont posés les mêmes questions face à l'étrangeté du monde. Ces ressemblances prouvent au passage que l'intérpénétration des cultures, ça date de loin. Et dans les "Mille et une nuits", je trouve que Simbad le Marin ressemble pas mal à Ulysse.

A mes copines féministes, je dois concéder que ceux qui conçurent les mythes étaient des hommes, et des machos. Eve est responsable de tous nos maux, et Pandora -la première femme pour les grecs- a été conçue et envoyée chez les humains pour y semer le trouble...


J'aime aussi dans la mythologie, et dans le paganisme, des éléments malheureusement disparus avec les monothéïsmes. Les Dieux et les Hommes sont très proches. Ils se fréquentent, s'accouplent. Il y a des demi-dieux et plein de créatures intérmédiaires. Les Dieux sont immortels et puissants, mais ils ne sont pas omniscients (ils sont souvent dupés par les hommes, ou distraits). On voit même des hommes poursuivre des Dieux et leur donner une trouille bleue (ce qui arrive à Dionysos) Les Dieux ne sont pas bons, ils ont maints défauts. dont la jalousie. Ils "externalisent" leurs querelles puériles sur les hommes. Les Dieux peuvent punir les hommes si on leur déplaît, mais ils ne passent pas leur temps à leur donner des leçons de morale, bien au contraire.

 

Cette conception de la divinité aurait pu, qui sait, déboucher sur des conceptions plus tolérantes de la Religion.

 

On peut se demander, si finalement, la multitude des Dieux, le pluralisme de l'Olympe, ne sont pas de simples métaphores des passions humaines, qui se télescopent sans cesse pour nous tourmenter. Et ce n'est pas par hasard si le complexe d'Oedipe est une clé de la psychanalyse.

 

Ce n'est pas par hasard non plus si les Grecs ont très vite insisté sur le Logos, la Raison. Il existe bien des choses à régler entre nous, sans y mêler tel ou tel Dieu.


 


 

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commentaires

D
<br /> Bonjour Jérôme,<br /> Merci, pour ton autorisation, je te tiens au jus dès que je te publie.<br /> Amitié.<br /> F.M http://lire56.over-blog.com/<br /> <br /> <br />
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L
<br /> Rien à ajouter, aucune ligne à enlever. Allez si, pour chipoter : on s'en tape de ce qu'auraient été les religions en cas de polythéismes. Sûrement une institution au service du sabre, comme l'est<br /> le goupillon. Il suffit de voir l'histoire grecque ou romaine pour s'en convaincre (J'aime bien faire mon Onfray de base sur ce blog).<br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Ca aurait quand même été plus drôle ce foutoir olympien. Et puis esthétiquement on y aurait sans doute gagné. Les scènes sur la Croix ou les vierges à l'enfant, c'est un peu lassant.<br /> <br /> <br /> <br />
D
<br /> Bonjour Jérôme,<br /> Je te repose la question: puis-je reprendre tout ou partie de tes critiques littérraire, et les porter sur mon blogue, dans les pages en Librairie ? Bien entendu je ne manquerais pas de mettre un<br /> lien vers ton blogue, et le nom de l'auteur et le nom du blogue. Amitié. F.M<br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Bien sûr que oui. Cela va sans dire. Nous formons communauté.<br /> <br /> <br /> <br />
D
<br /> Salut jérôme,<br /> Toujours aussi bien !<br /> <br /> Bonne journée<br /> F.M http://lire56.over-blog.com/<br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Vu ton blog. Je vois que tu défends toi aussi vaillamment l'achat en librairie. Et coïncidence, tu évoques la venue d'Ellroy à Ombres Blanches, mon principal lieu de vice. Le monde de la<br /> littérature est si grand, si petit.<br /> <br /> <br /> <br />

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Lectures de Jérôme Bonnemaison

 

Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).


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D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.

 

Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.


Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk. Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.


 

De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la  bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».


 

J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde  le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.


 

Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.

 

 

Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…


 

Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.

 

 

Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.


 

Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.  


 

Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.


 

J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.


 

Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.

 

 

Jérôme Bonnemaison,

Toulouse.

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