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28 septembre 2011 3 28 /09 /septembre /2011 21:17

 

anesthesie_generale.jpg Pierre Desproges, qui déplora pince sans rire "l'anti nazisme primaire", et Edgar Hilsenrath ("le nazi et le barbier", roman où un SS devient un combattant sioniste...) sont des petits enfants ... Voici Jerry Stahl qui vient de publier un roman à l'acide de batterie : "Anesthésie générale" (Rivages thriller).

 

On peut rire de tout mais pas avec tout le monde. J'ai essayé avec Jerry Stahl. Ce roman noir nous propose un humour noir de très noir avec pour matière glissante le nazisme, son héritage et ses ramifications en Amérique, et les tribulations d'un Josef Mengele clownesque qui aurait échappé à la mort et exercerait ses sinistres pratiques dans une prison californienne. Un Mengele désireux d'être reconnu pour ses mérites par une amérique qu'il pense en phase avec ses valeurs fondamentales.

 

Un humour ultra trash (âmes sensibles passez votre chemin), assumant un mauvais goût exacerbé.

 

Un livre déroutant, mené tambour battant, obsédé par la drogue qui suinte de toutes les lignes. Un portrait déjanté de l'Amérique, qui au delà de son projet de grand délire au rire sombre, met le doigt sur les rapports troublants entre certaines politiques américaines et le nazisme, s'incarnant d'ailleurs dans des personnalités nombreuses et célèbres (le grand père de Georges Bush par exemple, ou Henry Ford). Une amérique décadente, laide et sale, sexuellement déréglée à force de refoulement puritain, avançant encore grâce aux camisoles chimiques, fondée sur des principes racistes enfouis mais encore prégnants.

 

Et on peut être troublé en effet de la facilité avec laquelle des savants nazis ont été importés dans le système de recherche américain après 1945.

 

L'intrigue est aussi déglinguée que l'humour employé. Un ex flic dépendant à toutes sortes d'opiacés est embauché par un vieillard juif pour aller vérifier à la prison de St Quentin-Californie si un prisonnier nonagénaire ne serait pas Josef Mengele, le criminel nazi. Celui-ci le prétend en effet. Le flic s'y rend muni d'une couverture particulière : il animera un stage pour sortir de la dépendance.

 

Le flic va plonger au coeur d'un univers - dans la prison et dehors - totalement fou. Un monde où l'on trouve des juifs nazis, une secte de chrétiens pornocrates, un producteur de télé réalité qui rêve de filmer Mengele en train de pratiquer une expérience...


Le style est grand guignol, perclu de métaphores tordues, de références sous culturelles, de vulgarités cradingues surabondantes, de détails scabreux au possible. A tel point qu'on se perd souvent dans cette jungle de sarcasmes.

 

On sourit cependant et on a envie de rire parfois, même si on est terrifié par ces lignes, par leur audace et par l'imagination terrible de cet auteur.

 

Et au terme de 470 pages de rebondissement narrés sous acide, on se demande, mais pourquoi descendre aussi loin dans l'abîme ?

 

Ma conclusion est que cet humour détraqué fonctionne comme un vaccin à l'angoisse. La seule manière, pour des gens comme Jerry Stahl, abasourdis de constater ce dont nous sommes capables, d'affronter ce réel dont ils ne peuvent détourner le regard. Le rire comme tentative de faire du judo avec l'horreur.


Ames délicates s'abstenir de cet humour sauvage mais désespéré d'un être sans doute écorché vif.

 

Pour les autres, ceux qui n'ont pas quitté la salle à la projection de "C'est arrivé près de chez vous" mais se sont gondolés, crachant leurs pop corns sur le type assis devant, tentez le coup...

 

P.S : j'ai appris dans ce livre que c'est la firme textile créée par Hugo Boss qui avait dessiné les uniformes SS... Ils n'ont même pas jugé nécessaire de changer de nom après la guerre. Ca en dit long sur la légèreté de la dénazification. Je n'ai pas de fringues Hugo Boss (avec deux S) mais je crois que je vais en être vacciné).

 

 

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commentaires

E
<br /> Bonsoir,<br /> Il y a très longtemps que je ne suis passée (depuis février, en fait) et j'étais censée retrouver deux textes de Céline et de Montaigne, le premier faisant référence au second. Je ne l'ai pas<br /> encore retrouvé, malheureusement... Néanmoins je n'ai pas oublié.<br /> Concernant le présent article, je ne connais pas Jerry Stahl, mais ce que tu en dis donne envie de le lire (j'aime beaucoup l'humour noir).<br /> Merci pour cette découverte.<br /> Bonne soirée !<br /> <br /> P.S. Je vais faire connaître ce blog sur le deuxième que j'ai créé tout récemment :<br /> http://plume-outre-reve.blogspot.com/<br /> La liste de favoris sur mon OB est trop chargée, ce nouveau lien passerait inaperçu.<br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Jerry Stahl, ça dépote... Il faut aimer le pimenté....<br /> <br /> <br /> <br />
K
<br /> Je me suis toujours demandé si la photo de votre excellent blog...avait été prise chez vous...<br /> Amicalement.<br /> Kader<br /> <br /> <br />
Répondre
J
<br /> <br /> Non, ma bibiothèque commence à grandir, mais on n'en est pas là.<br /> <br /> <br /> Et si ma fille est une lectrice passionnée, elle est blonde aux yeux bleus...<br /> <br /> <br /> J'ai vu que vous profitiez depuis le retour au rural... Attention aux banquets de la préfectorale et aux commices agricoles...<br /> <br /> <br /> <br />

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Lectures de Jérôme Bonnemaison

 

Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).


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D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.

 

Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.


Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk. Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.


 

De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la  bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».


 

J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde  le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.


 

Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.

 

 

Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…


 

Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.

 

 

Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.


 

Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.  


 

Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.


 

J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.


 

Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.

 

 

Jérôme Bonnemaison,

Toulouse.

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