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6 décembre 2010 1 06 /12 /décembre /2010 21:54

Si le fameux livre sur la comédie d'Aristote n'est jamais parvenu jusqu'à nous (cf "le nom de la Rose" d'Umberto Eco qui fantasme à ce sujet), le rire, par essence subversif, est partout dans la littérature.

Il est difficile de déclencher le rire par l'écriture, excepté à ses dépens. Car le rire a partie liée avec l'art de jouer du rythme, des contrastes, du fracas des images. Et c'est pourquoi le rire a trouvé ses meilleurs vecteurs dans le Cinéma ou la Bande Dessinée (je me souviens d'avoir ri tout seul comme une hyène en lisant Gaston Lagaffe, particulièrement lorsqu'il s'agissait des malheurs du type venu signer les contrats et qui repartait fumasse avec une bosse ou ses habits déchiquetés).

Les belles oeuvres qui font rire sont donc des prouesses. Et comme un lac n'est que plus beau lorsqu'on souffre à l'atteindre, le rire est d'autant plus appréciable que la lecture demande concentration.

Voici donc quelques livres à lire pour rire :

- Ubu Roi d'Alfred Jarry. La pièce potache, écrite il y a un siècle, recèle une portée comique inentamée. Et des pères Ubus, on en voit partout. Vous en connaissez et êtes à portée de leurs crochets.

- Les romans "policiers" du prolifique Donald Westlake. En particulier ceux dont le héros est Dorthmunder, voyou sans ambition mais filou. Sorte de petit fonctionnaire du banditisme, entouré de tire-laines encore plus dérisoires et drôles. Je vous conseille âprement "Mauvaises nouvelles", farce policière loufoque, où des petits malins essaient de tricher pour capter l'héritage d'une tribu indienne dont la lignée s'éteint.

- "O dingos, o châteaux" de Jean-Patrick Manchette, regretté admirateur de feu Westalke. Dans ce petit roman policier provincial, le père du nouveau roman noir français s'amuse à torturer de vieux Affranchis imbéciles en les lançant dans une traque malchanceuse en pleine France profonde, à la recherche d'une femme.

- Les romans de David Lodge. Rire sage mais rire tout de même.

- Don Quichotte, de Cervantès. Véritablement drôle. Le premier roman moderne est un roman comique.

 

Dans les romans russes, il y a de belles échappées comiques, acides et cruelles. Je pense aux "possédés" de Dostoïevski où l'on se gausse de ce baltringue de Fedor Fedorovitch, toujours à pleurnicher. Je pense à Gogol, à Tchekhov, ou encore à "Oblomov" de Gontcharov, qui narre le parcours d'un fainéant irrémédiable. Le "Maître et Marguerite" de Boulgakov, qui raconte les amusements de Satan dans la Moscou  stalinienne, a ses vertus comiques. Mais ce rire russe est grinçant et s'inscrit dans une perspective sombre et dramatique. C'est le rire nerveux du dépressif, qui se défend comme il peut.

 

... Et si je n'en retenais qu'un, ce serait "La conjuration des imbéciles" de Kennedy Toole, étoile filante de la littérature. Ce roman est hilarant de bout en bout, avec des passages irrésistibles. Il nous conte les agitations picaresques d'un érudit, inadapté social, goinfre, outrecuidant et emphatique, qui se heurte sans cesse à ses contemporains. C'est sans doute le livre le plus drôle qu'il m'ait été donné de lire. On le voit souvent sur les piles de livres de poche des librairies. Mais on devrait l'entourer de néons.

A vous de rire, d'en lire.


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Lectures de Jérôme Bonnemaison

 

Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).


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D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.

 

Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.


Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk. Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.


 

De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la  bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».


 

J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde  le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.


 

Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.

 

 

Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…


 

Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.

 

 

Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.


 

Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.  


 

Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.


 

J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.


 

Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.

 

 

Jérôme Bonnemaison,

Toulouse.

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