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le blog d'un lecteur toulousain assidu

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Rom@, ou la ville éternelle cédant à la dépression

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Il y a une dizaine d'années, j'ai passé une semaine à Rome avec ma compagne, aux frais intégraux du contribuable... Je ne vous refilerai pas le plan, il n'est plus reproductible...

 

Je ne suis pas revenu ébloui.

Pour la première fois, grâce au contraste avec le mythe de la Ville éternelle, je prenais pleinement conscience de la réalité de la Ville-Musée, et de l'uniformisation forcée des métropoles sous le souffle de la mondialisation.

 

C'était l'époque où le Maire de Rome était cité en exemple par les édiles français... (avant de se donner à un Maire fascisant). Alors qu'il m'avait semblé que l'évolution de cette ville nous alertait au contraire sur les risques qui s'apesantissaient sur l'urbanité de notre temps.

 

Rome nous avait alors donné ce semblant de Rome auquel le touriste paresseux et assommé par la chaleur pouvait prétendre. Mais c'était tout. Seul le Colisée m'avait singulièrement plu. La visite du Forum m'ayant laissé une impression de visite d'une maquette géante.

 

J'ai donc été acquérir immédiatement un livre de cette "rentrée littéraire" 2011, qui se proposait de donner la parole à Rome elle-même. Cité parvenue à l'âge informatique, étonnée de se retrouver recréée dans l'univers virtuel des jeux électroniques.

 

"Rom@" de Stéphane Audeguy (Gallimard) est un livre libre et audacieux. Terriblement triste aussi.

 

Le narrateur est Rome elle-même. Une Rome excédée par la présence "flasque" des touristes, par l'hypocrisie marchande qui lui vole ses façades et une partie de ses vieilles pierres "comme un coucou" qui fait son nid dans celui des autres. Sans même avoir la trempe de tout détruire et d'assumer une nouvelle Rome.

 

Mais Rome est sentimentale. A l'égard d'individus qui essaient de vivre et s'aiment dans ses murs. A l'égard des paumés et des damnés qui, comme autrefois sous l'Empire, refluent encore vers elle parfois.

 

Il y a une influence des mythes antiques dans ce livre, Rome ayant  la tentation, comme Zeus, de s'incarner dans les corps humains pour y vivre la passion.

 

Rome est excédée. Elle ne va plus accepter la règle du jeu du temps, et va lâcher les amarres. Aussi, le livre bascule dans la surnaturel. Toutes les strates de Rome surgissent. Les touristes paniqués y croiseront Saint-Pierre, Mussolini ou Audrey Hepburn. Il se précipiteront sauvagement sur Anita Ekberg, revenue dans la fontaine de Trevise de la "dolce vita".

 

Ce livre poétique, qui regarde aussi vers Lucrèce et son "de rerum natura" me semble t-il, est avant tout une expression de dépit et de dégoût devant la mondialisation. Ce stade du capitalisme qui donne un pouvoir exhorbitant à des enrichis immatures, et qui en décloisonnant tout, produit une violence sans précédent. Et combine de manière stupéfiante l'inégalité la plus  vertigineuse et la proximité.

 

On regrettera certaines fioritures lyriques peu nécessaires, et surtout, encore une fois dans un livre contemporain, cette propension au cradingue, à la pornographie sale, inutile.

 

Le cradingue est décidément l'authenticité du petit-bourgeois lettré, et notre époque ne peu s'empêcher de planquer des caméras dans les chiottes. Il n'y a pourtant rien d'intéressant à y observer.

 

Ce roman est une vengeance jubilatoire contre le virtuel. C'est une fable qui dit aux hommes : vous voulez du virtuel bien réel, et bien je vous en donne ! Ca fait mal.

 

Enfin, l'auteur porte un regard sur l'entropie, l'usure de toute chose, l'érosion fatale. La sagesse est de s'y mêler, de s'y fondre, d'accepter de retourner à la poussière du monde. En profitant de la beauté et de l'amour.


Dans cette filiation philosophique qui nous convie à accepter le sort qui est le nôtre, Stéphane Audeguy est indéniablement un auteur romain.

 


 

 

 

 

 

 


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L
<br /> Les villes musées ne sont fascinantes que pour ceux qui les traversent. J'aime pourtant me perdre dans Tolède ou dans une autre "fausse" ville musée: Venise. Il faut savoir sortir de la Gare de<br /> Venise, longer le grand canal, et prendre rapidement à gauche vers le Ghetto.<br /> Puis remonter les arrières de San Marco pour rejoindre l'Arsenal. De toutes façons, j'aime ses espaces envahis par les chats, délicieusement délaissés par les hordes de touriste, cherchant au mieux<br /> la photo du reflet de la gondole, dans le pire des cas où une boule à neige avec la cathédrale Saint Marc.<br /> <br /> Il y a une résonance politique dans ton article. Je suis né à Bordeaux, j'y ai grandi. J'aimais le Bordeaux des quais, moins propre sur lui que la vitrine Juppéiste, mais tellement plus vrai. Je me<br /> perds dans les senteurs lusitaniennes de Saint Michel avant que le dernier quartier populaire de Bordeaux ne sombre dans la mécanisation architecturale...<br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Je voyage pas.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Mais je connais bien bordeaux, j'y ai été étudian, et j'ai travaillé deux ans et demi, surtout dans le centre en plus (lutte contre l'exclusion). Je partage à cent pour cent ton sentiment.<br /> Napalmisé, Bordeaux.<br /> <br /> <br /> <br />