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1 janvier 2011 6 01 /01 /janvier /2011 19:02

Une année de lecture s'achève. Avec une bibliothèque qui s'alourdit. En prenant de l'âge, on sait mieux se diriger dans les rayons des librairies, et on se connaît mieux. On trouve plus facilement les livres qu'on va aimer.

 

D'après ce que j'ai lu (et seulement cela), voici trois livres parus dans cette année défunte, et qui mériteraient d'être lus si on n'en avait choisi que trois ( un pour Pâques, un pour l'été, un pour Noël).

 

1- "Hammerstein ou l'intransigeance", de Hans Magnus Enzensbeger. 

 

HAMMERSTEIN Un livre singulier, d'un écrivain étrange, sur la Résistance allemande. Sur un homme, parvenu tout au sommet de l'armée allemande, et qui refuse  sans ciller de coopérer avec l'hitlérisme dès le début, alors que la quasi unanimité de ses pairs se transforment en bras armés des brutes nazies. Pourquoi ?

 

Qu'est ce qui cerne la vérité et l'unité d'un homme, plus largement ? Ce récit, qui emprunte à la biographie, à l'histoire, au récit littéraire, et qui s'essaie même au dialogue direct (et ardu) avec les morts pour mieux les comprendre, ouvre des questions immenses.

   

Comment comprendre que les enfants d'un hobereau conservateur, imperceptiblement décalé, donneront aussi dans la Résistance, pour certains dans l'espionnage soviétique, sans doute avec la complicité au moins silencieuse du père ? On sort de ce livre en pensant que l'histoire est tout sauf manichéenne (on en apprend beaucoup sur les liens profonds, et précoces, entre armées allemande et russe). Et on se dit que chaque être est un tissu de contradictions inextricable. Chacun est "dialectique" comme on aimait à écrire autrefois pour tout résoudre.  Chacun est source dont peuvent surgir des réactions étonnantes, imprévues, au contact du drame de l'histoire.


Je ne sais si on va me comprendre, et ce n'est pas prendre la pose que de l'affirmer, mais il est pour moi très important de savoir que des allemands ont résisté, même passivement. Qui plus est depuis 1933. Qui plus est quand leur famille était menacée. Qui plus est quand ils ne pouvaient se cacher. Ces gens nous sauvent de toutes nos déceptions. A l'avance.

 

laroseblanche Les résistants sont souvent, me semble t-il, des décalés. Par exemple Emmanuel d'Astier de la Vigerie, fondateur du grand réseau "Libération Sud". Un type qui avant guerre ne trouvait  nulle part sa place. Préservons les décalés. Ne les orientons pas "précocément" vers les RASED ou leurs successeurs. Aimons et cultivons les. A bas le règne de la moyenne !

 

2- "Anatomie d'un instant" de Javier Cercas (voir article publié précédemment sur ce blog Un mauvais titre pour un chef d'oeuvre espagnol )

cercas

 

3- "Le quai de Ouistreham" de Florence Aubenas.

 

Lire ce livre est comme recevoir une décharge électrique dans l'occiput. Si vous vous petit-embourgeoisez dans votre maison de faubourg (coucous les amis !) empruntée sur trente ans, lisez-le. Ca dégèle. Florence Aubenas a écrit une oeuvre de dénonciation simple, sans fards, seulement basée sur l'exposé des faits, de ce "précariat" qui s'installe inéluctablement au détriment du salariat. Ce livre devrait être offert à tous les décideurs, étudié au premier trimestre en fac d'éco avant le gavage en modèle ISLM, et imposé par la loi en école de commerce. En se fondant dans la masse des demandeurs d'emploi sans qualification, Florence Aubenas a poussé jusqu'au bout la méthode dite "ethno participative". Mais son livre est autrement plus percutant que ceux des meilleurs sociologues. Une sorte de "Misère du monde" (Bourdieu), mais en Live

aubenas Mme Aubenas est une grande journaliste, une femme admirable (souvenons-nous de sa dignité  à son retour d'Irak, à comparer avec d'autres comportements sans doute compréhensibles mais navrants. Elle aurait pu vivre des ventes d'un  très probable best seller sur sa vie d'otage. Elle ne l'a pas écrit, justement. Ca situe le personnage) . Elle est  de surcroît un bon écrivain. Son livre sur l'affaire Outreau : "la Méprise" est aussi à lire, comme une première plongée probante dans la France précaire, méprisée par des institutions , harcelée par la société de consommation et de crédit, instrumentalisée par les médias.

 

Je n'aime pas le concept de "Vérité" (pravda). Mais avouons que Florence Aubenas s'en approche.

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commentaires

L
<br /> Je suis locataire ^^<br /> J'y songe, j'y songe...<br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> Et si c'est la banlieue parisienne, en ZUS, projets ANRU, écoles en ZEP et collège "ambition réussite", c'est quand même de l'embourgeoisement faubourgeois ?<br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Ce qui caractérise la petite bourgeoisie, c'est l'illusion de la propriété. Qui la sépare ainsi du prolétariat. Donc on peut dire qu'être petit proprio à Bondy, c'est toujours être petit<br /> bourgeois. Mais avec encore plus d'inconvénients. Rien n'empêche cependant de céder à l'héliotropisme, et de venir dans des zones plus douces, moins chères, plus vivables...<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> Tu sais ce qu'il te dit le "bourgeois des faubourgs"...<br /> <br /> <br />
Répondre
J
<br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Il n'y a pas que toi qui est visé...<br /> <br /> <br /> <br />

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Lectures de Jérôme Bonnemaison

 

Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).


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D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.

 

Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.


Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk. Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.


 

De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la  bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».


 

J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde  le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.


 

Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.

 

 

Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…


 

Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.

 

 

Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.


 

Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.  


 

Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.


 

J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.


 

Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.

 

 

Jérôme Bonnemaison,

Toulouse.

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