Il y a des livres à siroter dans son bain. Accompagnés d'un bol d'olives fourrées au poivron
(qui risque de glisser et de vous obliger à passer la balayette, encore mouillé avec une serviette mal nouée autour de la taille), assortis d'un Mojito ou d'un simple jus d'Ananas avec son
glaçon. Pourquoi pas un cigare ? Mais la cendre dans l'eau, c'est dégueu, et le cendrier risque de se briser aussi et de vous entailler la plante des pieds. Bonjour pour cicatriser de la peau
molle humide.
Aisés à lire (avec en léger bruit de fond, "the man i love" de Billie Holliday), écrits en gros caractères, légers, drôles, habiles, sans conséquences.
Agréables, quoi. Sans trop de facilités et de clichés toutefois pour ne point indisposer l'esprit du lecteur. Distraction n'implique pas forcément crétinisme (c'est ce que je me dis chaque samedi
en regardant mon match de rugby, sport de combat mais subtil. Je ne comprends pas un tiers des règles, mais les joueurs non plus semble t-il).
Pour vous reposer de ces fêtes de noël parfois plaisantes mais concédons-le ensemble nerveusement et gastriquement éprouvantes, je vous recommande un petit
polar ( en poche 10-18) : "Un privé à Babylone" de Richard Brautigan.
Dans la mythologie du roman noir, le Détective privé n'a pas un sou, est débiteur auprès de sa secrétaire, mais parvient quand même à conserver son bureau, sa
bagnole de collection, et porte de super costards.
Brautigan a poussé le principe à son extrême et essayé le "lumpen" détective, qui ne singe pas d'être minable. Il l'est un point c'est tout. Un quasi mendiant, sans
bagnole ni flingue, sans bureau ni client. Même pas capable d'enfiler deux chaussettes identiques.
Un Détective qui prend le bus, et qui pour oublier son destin sordide, s'est créé une deuxième vie de songe éveillé à Babylone, rien que ça... ce qui le conduit à
trébucher partout et à manquer les arrêts de bus. On saisit que ce refuge onirique est une réaction à un évènement dramatique dans l'enfance, ce qui nous rend ce raté sympathique. L'occasion de
nous embarquer dans une historiette loufoque sans concept, mais prétexte à sourire aux côtés d'un looser sans qualités, même pas enfouies. Un cave rêveur doté d'un sens de la formule, et de la
conscience aigue de sa médiocrité.
Un roman noir qui tourne au fluo.