" Dantès"(Boisserie/Guillaume/Juszezak) est une série de BD qui s'inspire très directement du "comte de Monte Cristo" pour nous plonger au plus profond dans les marais putrides où s'accouplent la Finance et la politique.
Là où "Monte Cristo" éreintait la bourgeoisie et la bureaucratie de la Restauration, leur avidité et leur corruption fondamentales, la BD pratique de même avec la classe dominante de notre temps : les élites financières et leurs affidés dans l'arène politique.
Le conte de Monte Cristo s'inspirait de faits réels. Et la BD "Dantès" ne peut que rappeler l'affaire Kerviel à notre pensée.
Monte Cristo avait pour objet d'offir au lecteur un défouloir contre cette société où la bourgeoisie s'affirmait comme une force conservatrice. La BD nous en permet
de même à l'égard de ces banquiers qui nous dirigent et auxquels les gouvernements déroulent (presque) tous le tapis rouge.
Un jeune Trader, inexpérimenté mais sûr de lui, prêt à beaucoup pour réussir, est manipulé par une escouade de voyous en col blanc. A son insu, il va aider à couler une banque, cette faillite servant d'écran d'une opération de prédation alliant une fraction de la droite politique et certaines forces économiques transnationales. Le jeune Trader va payer le prix très fort. Et à l'instar de son ancêtre symbolique Edmond Dantès, il va pouvoir préparer sa vengeance grâce à une rencontre en prison et à un concours de circonstance miraculeux.
Si la base de l'intrigue, qui commence à la fin des années "fric" (89) pour s'achever dans les années 2000, est référencée à Monte Cristo, la BD ne se
contente pas de transposer le roman en remplaçant les personnages de Dumas par des banquiers. Elle utilise efficacement les subtilités perverses de l'économie financière, sans dérouter le
non spécialiste. Au contraire, j'ai pu réviser tout en me distrayant mes vieilles fiches d'étudiant sur la grande libéralisation financière des années 80. Cette
contre-révolution, qui au contraire de la Restauration dépeinte par Dumas, n'a pas vraiment dit son nom, sauf à travers les bouches, du moins franches, de Reagan et de Thatcher. Le
complot n'en est que plus complexe et plaisant à suivre dans ses méandres.
Le dessin est sobre et efficace. Il souligne la psychologie des personnages sans outrance ni caricature.
Quant aux misanthropes, qui se voient confortés par "Monte Cristo", confirmant que l'on n'est trahi que par ses proches, ils ne seront pas déçus par la
BD.
Je n'ai lu que les deux premiers tomes, mais je vais vite me procurer les deux suivants parus. Sachant que la vengeance prendra sept tomes à s'exercer. C'est
décidément un plat savoureux qui se mange froid.