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3 août 2013 6 03 /08 /août /2013 23:32

 

tumblr_lz5a18s9t41qex654o1_400.jpgLe roman de F. Exley , "dernier stade de la soif", date des années 60. Il retrace l'odyssée alcoolique et piteuse de son auteur.  On me l'a offert (merci Florence L), et c'est une belle découverte.

 

Les critiques semblent vendre ce livre comme celui d'un auteur un peu maudit, sur l'alcool et la bohême. Réflexe pavlovien ou oubli de lire... 

En réalité, l'alcool a peu de place dans le livre même si on boit en permanence. l'elixir est accessoire au fond, comme le soulignait Baudelaire. Ce n'est pas une aventure alcoolique que j'ai trouvée, mais celle d'un homme confronté à un monde qui ne le tente absolument pas. Quant à la bohême... Inexistante. On n'est pas dans les mémoires de Patti Smith, le monde d'Exley est celui de la classe moyenne, de ses bars, de ses rendez-vous sportifs.

 

Les années 50-60 américaines nous paraissent une sorte d'âge d'or de la modernité portée par la croissance, l'élan du baby boom, les débuts de la libération des moeurs et du rock. Mais déjà les esprits les plus sensibles souffraient de l'american way of life et n'avaient pas du tout envie d'y tenir leur place, jusqu'à la névrose, jusqu'à la dépression, jusqu'à l'alcoolisme et ses spirales furieuses.

 

Exley est de ceux là. Il a fini manifestement par réussir à trouver un équilibre après des années d'alternance entre les canapés de sa mère, d'un ou deux amis et de sa tante, et la clinique psychiatrique où il est abonné. C'est de cette période d'odyssée sur canapé en Californie, à Chicago, en Floride ou à New York qu'il nous parle dans un roman vrai, drôle et triste, brillamment ironique et servi par une écriture imagée et imaginative. 

 

C'est une sorte d'auto analyse que ce roman. Exley finit par comprendre les ressorts de son mal être. En particulier la difficulté léguée par un père, joueur de foot américain, très doué, star de sa province, mais qui préféra se marier et travailler sur des poteaux électriques dans sa petite ville plutôt que de tenter sa chance dans la vaste amérique du sport. Le petit Fred fantasma ainsi la célébrité et la réussite jusqu'à la mythomanie (il parle de paranoia pour sa part), alors qu'il n'avait pas les talents paternels, et peinait à trouver les siens, sous cette pression. Car papa restait une petite star locale, et là était le problème.

 

Mais le fond de l'affaire, c'est l'amérique. C'est elle la grande machine à névroses, en particulier depuis l'apparition de la télévision. D'ailleurs, tous ces gens censés être normaux, qui sont dépeints dans une série de portraits drôlatiques et scabreux, nous apparaissent en réalité pour la plupart aussi détraqués que Fred Exley. Ils ont des obsessions incompréhensibles, sont bêtes, incultes, violents, autocentrés, saccagent leurs enveloppes corporelles avec des pratiques alimentaires écoeurantes, ont beaucoup de mal à vivre avec leur sexualité, réprimée et exaltée en même temps par leur civilisation. Le monde du travail tertiaire, où Exley réalise des expériences après une scolarité dont il ne retire rien, est verrolé par la stupidité des objectifs qu'il se fixe. Ainsi, comment un esprit sain pourrait-il tenir véritablement au poste de rédacteur en chef de la revue "fusées", feuille de chou d'un vendeur de missiles ?

 

 Et on peut se demander si la nuance entre les portraitisés et leur auteur, qui conduit invariablement Exley chez les blouses blanches, ce n'est pas la lucidité justement. La lucidité qui achève de faire basculer dans la dérive alcoolique et la fuite. Exley n'essaie pas de donner un sens à son odyssée, il n'en tire aucune gloire et y puise surtout quelques regrets (d'avoir fait du mal, de ne pas avoir réussi ses mariages), mais il reste que l'on ne peut s'empêcher de penser que c'est lui qui a raison quand il fuit dans la déraison. Le sain devient malsain dans une telle civilisation.

 

Le vrai motif de l'alcool, pour l'auteur, c'est la tristesse. Celle d'appartenir à un monde terne, factice, pauvre en émotions. Le monde des classes moyennes américaines de l'après guerre tourmentées par des affaires de coupons de réduction et obsédées par des besoins artificiels, démultipliés. Tellement pauvre que lorsque le bonheur arrive, comme la naissance d'un enfant, on ne peut plus en tirer le bénéfice sensible. L'alcool essaie de combler ce vide, accessoirement le sexe, mais aussi une autre addiction : le football américain, l'équipe de New York, et plus particulièrement un de ses joueurs qu'Exley a connu à la fac et auprès duquel il s'exalte par procuration. Le foot est ainsi la passion dévorante du personnage affalé sur les canapés d'emprunt. Qui ne comprend pas la passion sportive et ses fonctions fondamentales, dont celle d'introduire un peu d'héroïsme dans nos vies, devrait lire Exley. C'est l'aspect sans doute le plus émouvant de ce livre qui sollicite une large palette de nos sentiments, et c'est ce qu'on attend d'un bon bouquin, non ?

 

Exley possède un art de la narration des relations dynamiques entre les personnages très efficaces, qu'il saisit comme s'il s'agissait d'une saynète alors que l'on parle de plusieurs années de relation. Sa causticité lui permet d'intégrer efficacement humour et tristesse, cruauté et tendresse frustrée.

 

Les chapitres consacrés aux séjours psychiatriques nous décrivent, sans excès - car Exley, impitoyable avec lui-même (il raconte comment un médecin lui explique qu'il  souffre avant tout d'egocentrisme), ne donne jamais vraiment dans l'excessif ni le spectaculaire - un système asilaire assez abject et absurde, incapable de saisir que les malades ne souffrent pas vraiment d'une capacité d'inadaptation, mais sont le produit d'une société hautement pathogène. Les médecins attendent alors que le patient démontre sa bonne volonté à revenir parmi les siens, dans la bonne société. Exley y joue un moment, alternant ainsi les allers retours. Puis il se décide à essayer de comprendre. La psychiatrie a beaucoup évolué heureusement, depuis ce temps de piqures à l'insuline et d'électrochocs. Mais déjà, fort heureusement, il y avait des medecins dotés de bon sens et d'une certaine humanité. 

 

La société américaine a produit une magnifique littérature en secrétant sa critique, sa fuite, son refus, son dégoût. Exley est dans cette tradition là. J'ai songé à Fante, à Irving, à Nabokov, à Ellroy, à Henry Miller, à la tradition du roman noir aussi. J'ai songé à "american beauty" et aux frères Cohen, à "little miss sunshine" et à toute la mythologie du looser. 

 

Les Etats Unis sont à la fois le pays du culte athlétique et de l'obésité spectaculaire, et l'on doit saisir que ces deux extrêmes sont reliés. Les fans sont obèses, les champions se dopent. Les deux sont sacrifiés sur l'autel du fric.

 

Mais comme souvent, ces auteurs qui vivent une relation d'amour-haine avec l'amérique ou en tout cas n'y trouvent que difficilement leur aise, sont profondément américains. Ils parlent à cette amérique qu'ils décrient. Il y a cet amour du foot bien sûr, mais il y a aussi, comme chez nombre d'auteurs, l'idée flottante d'un autre pays, d'une autre idée des Etats Unis. D'un monde perdu. Chez Exley il ne prend pas forme précise mais on en ressent la nostalgie. Ces auteurs ne sont pas des européens à rebours, mais de véritables yankees. 

 

Ils ne demandent pas tellement au fond, sinon de la préoccupation pour la beauté, du ralentissement, de l'écoute, de la considération pour le passé, le futur, le présent, autrui. De l'empathie. Du souci esthétique. Ils souhaitent au fond que l'on s'arrête et que l'on regarde autour de soi, dans ce pays merveilleux qu'ils habitent, doté d'une nature extraordinaire.

 

C'est un peu triste à constater : mais la bonne littérature pousse bien souvent sur les malheurs, la souffrance, le sentiment de marginalité. Ecrire n'est pas normal dans une société de rentabilité. Donc l'écriture tente les a-normaux. Ceux qui ne trouvent pas mieux à accomplir que de noircir des pages sans aucune garantie de rien. C'est ce qu'Exley a réalisé, hésitant à considérer cela comme un symptôme de rechute ou comme une rédemption. 

Les deux ?

 

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23 mai 2013 4 23 /05 /mai /2013 22:17

klosterman vanishing J'ai été en fait rarement déçu par une lecture d'un roman des éditions de Minuit. Ils ont toujours une intelligence particulière. Ils ne sont en tout cas jamais vulgaires. On y retrouve toujours un décalage, ou une ironie, un minimalisme réjouissant, un méta discours intéressant, ou bien une littérature sensitive au contraire. Les écrivains de Minuit parlent souvent de littérature tout en parlant du monde ou de leur nombril, et c'est souvent réussi. Ils s'adressent au lecteur comme tel mais aussi comme à un individu qui a une histoire de lecture lui aussi.

 

Une fois encore, j'ai trouvé un certain plaisir à la lecture du petit roman américain idéal typique du français Tanguy Viel titré"La disparition de Jim Sullivan".

 

Chacun de nous est un peu culturellement américain , et cela n'a fait que s'accentuer depuis le plan marshall. Les codes culturels américains nous sont extrêmement connus. Ils sont en partie communs au cinéma et à la littérature d'outre atlantique.

 

Un brin taquin Tanguy Viel nous confesse s'ennuyer un peu dans le roman français d'aujourd'hui. On aura du mal à ne pas le comprendre un peu, car le souffle universel n'y souffle guère comme dans son passé glorieux.

 

L'écrivain américain, lui, comme toute l'Amérique, a la prétention de parler au nom de l'universel, s'appuyant sur les épaules de la première puissance du monde dont un des ressorts les plus puissants est justement ce "soft power" qui n'a rien de soft, qui fait que lorsqu'un incident tragique touche trois américains il est plus grave qu'une guerre civile africaine qui massacre des centaines de miliers de gens censés être leurs égaux au regard du droit international. Un politicien tout pressé de profiter de l'émotion devant un acte de terreur n'a t-il pas déclaré : "nous sommes tous des marathoniens de Boston" ? Un ridicule très parlant sur notre pulsation alignée sur celle de l'Amérique, celle du Nord plutôt. Car avant de s'imposer au monde, elle a d'abord subsumé l'identité d'un continent tout entier.

 

Pour beaucoup d'entre nous - et j'en suis, je l'avoue bien volontiers-nos rêves ont forme américaine. Parce que nous allons y chercher nos codes et nos inspirations. Parce que les plus grandes voix depuis un siècle de création y ont vécu. Parce que l'immensité de ce pays, de ces possibilités, laisse encore cette impression que tout est possible : le pire et le meilleur. L'élection d'Obama et les massacres de lycéens. Le coeur du système et les critiques les plus efficaces du système. La culture pourrie par l'argent et l'argent subverti par la culture, retourné contre lui-même pour produire le meilleur de l'art de notre temps. L'Amérique est verrouillée politiquement, mais elle a des sursauts imprévisibles, elle produit les figures les plus folles.

 

Tanguy Viel a ainsi l'idée de se mettre en scène en train d'écrire un roman américain, qu'il aimerait signer et nous donner à lire. Il se raconte alors à sa table de travail en train d'utiliser les ingrédients d'un roman américain et produit un idéal type de récit yankee.

 

Chaque détail nous parle. Et nous aimons ce roman dont le montage se réalise devant nous, même si Viel nous réserve les grands noeuds de l'intrigue et quelques détails sélectionnés. Car un roman américain prend de la place, comme toujours les américains...

 

Viel dit ainsi sa fascination, et la nôtre, pour les productions américaines qui nous entraînent dans le rêve depuis le grand Hollywood et ne sont pas prêtes de nous lâcher, le monde des séries ayant réactivé le mécanisme magique. Il dit cette emprise, dans une lucidité complète envers les "trucs", les clichés, qu'en réalité nous aimons, comme une odeur familière qui nous attire vers le barbecue. Avec une légère ironie, donc, envers notre naïveté de lecteurs complaisants envers ces "trucs". Mais ça fonctionne. C'est un peu comme dans un sport, on commence toujours avec les mêmes règles, les mêmes techniques, et ça ne donne jamais le même match, ca n'empêche pas de se passionner.

 

Le romancier déconstruit ludiquement ces mécanismes avec le même plaisir que les frères Cohen ont à les dynamiter et à les subvertir, à l'instar aussi d'un David Lynch dans Twin Peaks. Et au final, ça donne un bon petit roman américain, noir. Un idéal type. Un mélange incertain de Philip Roth, de Denis Lehane, de Donald Westlake ou de qui vous voulez. 

 

La figure de la descente aux enfers, sans morale ni rédemption au final (note française ?), est celle qui sert de base au roman. On y trouve tout ce qu'il faut pour faire une bonne sauce américaine : le prof de fac de lettres en déclin sur un campus secondaire, Detroit en déréliction, la maîtresse étudiante, les motels et les cafeterias, les routes et les vieilles voitures, le lucre, la FBI, le nouveau mexique et le whisky, la conscience des distances et leur franchissement, le sexe appréhendé comme sulfureux, le thème de la trahison, les flash backs, le coup qui foire, l'écho de l'actualité géopolitique dans l'intime...

 

C'est justement parce que Tanguy Viel, comme prévenu par les théories du Nouveau Roman, savait qu'il ne lui était pas possible de rédiger au premier degré son roman américain, qu'il y parvient. Au premier degré on trouverait ça désuet. L'écrivain français ressemblerait à Guy Marchant dans Casablanca. C'est justement en passant par un léger méta discours (c'est à dire un roman sur le roman) que Viel réussit son tour de passe-passe : nous faire aimer son roman américain. Pari malicieux, pari réussi. Il y parvient par un parti pris grammatical : le passé composé.

 

Au passage, d'un clin d'oeil, il nous rappelle que ce n'est pas si difficile que cela de concevoir un roman. En particulier un roman américain à portée universelle. Enfin quand on a l'instinct de cette simplicité là. Le talent.

 

 

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8 mai 2013 3 08 /05 /mai /2013 20:04

51-NgCUey5L._.jpg Ce n'est pas un grand roman mais il vaut néanmoins d'être lu, de par sa singularité, son caractère indécidé, qui en font un parcours intéressant. Manifestement, beaucoup ont été fascinés par ce roman d'un allemand à nom français  (dans les librairies, il y  a parfois le petit carton "conseillé")- Pascal Mercier-, tandis que pour d'autres il sera tombé des mains, car à vrai dire on s'attend à une quête mais elle n'arrive franchement nulle part. Aucune boucle n'est bouclée. Les défauts de ce " Train de nuit pour Lisbonne" écrit au début de ce siècle sont trop évidents, en même temps que ses belles qualités. C'est une oeuvre très contrastée, qui alterne étrangement l'excellent et l'ennuyeux. 


On sent cependant que c'est un livre écrit pour les lecteurs, pour une certaine catégorie de lecteurs : ils constituent le public "plutôt" cultivé. On cherche à lui donner ce qu'il cherche. Du mystère, de la poésie, de l'érudition, du concept. Mais comme ce lecteur cultivé est quand même les pieds dans le sable et que d'un oeil il surveille les gosses sur la plage, on lui facilite la vie. On est complaisant avec lui. Les femmes y sont dignes, belles et attirantes. Tout le monde offre du thé. Les rencontres tombent toujours à point. Le personnage principal est joueur d'échecs et ne rencontre que des joueurs d'échecs avec qui se mesurer. Tout le monde est polyglotte, c'est plus aisé. Les gens sont accueillants, prévenants, généreux, et vous invitent à dîner le lendemain de votre rencontre avec eux voire vous hébergent. Ils s'épanchent facilement et ont toujours lu le livre dont vous leur parlez. Les choses fonctionnent, au final. On est à l'aise, comme quand on visite un pays depuis son canapé en lisant le guide du routard.

 

Pour ces raisons, qui font que le livre est clairement écrit -et surtout édité- pour le lecteur, pas celui qui aime les polars et qui s'y ennuiera à mourir (mais ce lecteur de policiers n'a pas l'apanage de la lecture censée détendre), j'ai retrouvé cette impression d'être une cible, un lectorat anticipé, que j'avais lu en lisant le fameux l'"ombre du vent" de Zafon. Le monde des livres et des concepts et un certain romantisme tiennent ici la place que le gothique avait chez Zafon, et les deux romans ont un fond de politique pour lester un peut tout ça.

 

Donc je n'ai pas pu vraiment aimer ce livre, dans la mesure où je vois qu'il cherche à me plaire. Moi, ce qui me passionne, c'est l'intransigeance d'un auteur, même s'il sait qu'il nous parle. C'est pourquoi ce roman plaira sans doute (parmi d'autres publics) à un public relativement cultivé, mais qui a renoncé (ceux qui ont lu pour avoir de bonnes notes en culture générale par exemple). Qui pour telle ou telle raison ne cherche plus depuis longtemps. Qui est insincère. Qui utilise sa culture de manière instrumentale et trop facile. Il me vient des exemples en particulier de ces grands lecteurs faussement distingués, tiens. Sûrs qu'ils ont conseillé à d'autres de prendre ce train de nuit.... (je souris tout seul, là).

 

En réalité, "train de nuit pour Lisbonne" est un roman qui parle surtout d'un lecteur d'un livre imaginaire. Et c'est surtout ce livre dans le livre qu'on apprécie. C'est donc celui-là, ironiquement, que Pascal Mercier aurait du écrire. D'autant plus qu'il a réalisé largement le travail puisqu'on en découvre de larges extraits, constituant les plus belles pages, de très loin, dans ce roman.

 

Habite à Berne, Suisse, un dénommé Gregorius, homme terne complètement dédié aux langues mortes et à leur enseignement. Sa vie solidaire, depuis le départ de sa femme, est vouée au lycée où il se rend à pied, ne se détournant jamais de sa routine. C'est un spécialiste absolument impressionnant et respecté, qui a fini par ne plus s'occuper de lui, porte des habits usés et de vieilles lunettes. un incident change tout, et le détourne violemment de cette route, déclenchant une fuite vers le sud, et Lisbonne. Un jour il croise à Berne une femme sur un pont qui semble vouloir se suicider, il la sauve, l'emmène à son lycée. Et le seul mot prononcé de "portugues" semble ouvrir en lui un abime. Une voie d'où souffleraient toutes les vies qu'il aurait pu vivre, par exemple s'il s'était résolu à aller à Ispahan, ce dont il fut question dans sa jeunesse.

 

Gregorius se rend dans une librairie ibérique, et tombe par hasard sur un livre de pensées poétiques écrit par un certain Amadeu de Prado, écrivain inconnu et disparu il y a deux décennies. C'est un choc sans précédent, dès les premières lignes. Gregorius a l'intuition qu'il doit remonter le fil qui tombe de ce livre. Il quitte sa vie sur le champ, ne prévenant personne, et prend un train pour Lisbonne séance tenante. L'appel du sud, médiatisé par les mots. Gregorius ne sait pas pourquoi il se lance dans cette aventure qui lui ressemble si peu. Il ne cherche pas à le savoir. C'est impérieux. Désormais, c'est ce caractère d'obligation intérieure qui le guidera.

 

A Lisbonne, où il effectue deux séjours entrecoupés par un petit retour-comme on regarde dans ses archives- en Suisse, Gregorius reconstitue petit à petit le parcours de cet Amadeu, et cherche à mieux comprendre la profondeur de ce livre publié par une maison d'édition introuvable. Il parvient à retrouver les soeurs d'Amadeu, son amie d'enfance, son meilleur ami, et d'autres. Il devient leur interlocuteur, interagit dans leurs vies. Là aussi est un aspect du livre cousu de fil blanc : ces personnages semblent figés, comme s'ils attendaient le prof de Berne pour reprendre le fil d'une histoire oubliée. Ils ne se parlent plus vraiment. Et l'arrivée de ce Gregorius les bouleverse, ce qui est difficilement crédible.

 

Amadeu a été un médecin et un résistant au régime dictatorial de Salazar. Fils d'un juge, il a surtout été considéré par tous ceux qu'il a croisés dans sa vie comme un être unique, touché par les doigts des dieux, d'une intelligence hors du commun, d'une sensibilité extraordinaire. Un être exceptionnel, qui a subjugué ses maîtres, sa génération. Et qui un jour est mort d'une rupture d'anévrisme.

 

Les réflexions d'Amadeu, fondamentales, vont guider Gregorius sur la remise en question de tout ce qui compte. Tout vacille. Tout est remis en cause. C'est comme si Amadeu tendait la main à Gregorius depuis sa mort pour l'aider à cheminer et à tout revisiter.

 

Car la vie d'Amadeu l'a conduit, avec son intelligence incisive, à réfléchir et à écrire. Des pages magnifiques, amples, très claires, essentielles, sur la notion de réalité. Est-elle simplement l'ombre de nos projections ? Et donc de nos mots ? Qu'est ce qui est réel ? Quand on se pose cette question, la notion de loyauté entre les humains est primordiale, car elle est un élément de stabilité possible. Et sans cette stabilité, c'est le vertige qui l'emporte. C'est d'ailleurs le symptôme qui frappe Gregorius et qui le contraint finalement à rentrer en Suisse pour y subir des examens du cerveau.

 

La vie dans la Résistance, essayer de concilier sa filiation et ses principes, l'amitié et l'amour, l'éthique du médecin et celle du résistant.... Autant de vagues qui viennent heurter le rocher bien planté de la loyauté. On rejoint le fil de réflexions tragiques trouvées dans l'"armée des ombres" de Kessel puis Melville.

 

Si la vie n'est que projection, alors d'autres vies auraient été possibles et ne tenaient pas à grand chose pour se réaliser. C'est sans doute ce que Gregorius comprend, et alors plus rien ne va de soi. Et il ne peut plus continuer comme si tout allait de soi.

 

Mais Mercier rate Lisbonne. Mercier rate Berne. Mercier ignore les lieux. Un week end à Lisbonne aurait suffi à accumuler les informations et impressions pour fournir la matière de ce livre. Il aurait pu s'appeler "train de nuit pour Avignon", ça ne changerait rien. Le Portugal est là comme Finistère. Et comme mystère, car pour nous européens, ce pays est un peu là on ne sait pourquoi, tout en bas. Juste avant le saut dans l'inconnu. Un "truc" de plus, donc, que le Portugal. 

 

Ce qui vaut dans le livre est la beauté du livre dans le livre, l'intérêt vif qu'on trouvera à découvrir ce personnage torturé, juste et lucide qu'est Amadeu. Mercier a généreusement réservé à cet auteur fictif le meilleur de son propre style, ce qui est assez frappant. Comme si Mercier, lui, se retenait d'être trop brillant, pour mettre en exergue son écrivain de personnage. Cela, je ne me souviens pas de l'avoir vu ailleurs. 

 

C'est donc l'Histoire d'un spécialiste des langues qui réinterroge la vie à travers le livre d'un poète et penseur. C'est un livre où sont interrogés sans cesse les rôles de la langue, du langage, . Et salués leur puissance fondamentale sur nos vies. Le monde n'est tel que de ce qu'il se formule. Heidegger parlait du langage comme notre habitat. Au commencement était le Verbe. Il s'agit donc d'un train de nuit vers les mots, vers la littérature, comme pouvant transformer la vie. Lisbonne m'y apparaît comme un dictionnaire, ses tramways comme une grammaire, ses ornements entraperçus de belles expressions ou des mots. C'est peut-être pour cela que Lisbonne ne compte pas vraiment dans ce roman. Ni la Berne de la langue d'usage du personnage en quête de ces autres vies possibles. 

 


 


 

 

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1 mars 2013 5 01 /03 /mars /2013 22:29

Yersin_1893.jpg

 

Nos Médecins tenant les dépassements d'honoraires pour le nec plus ultra de la modernité sanitaire devraient redécouvrir ce personnage qui disait dans une lettre à sa mère : "Je ne fais pas payer ces gens, la médecine c'est mon pastorat. Demander de l'argent pour soigner un de ces malades, c'est un peu lui dire la bourse ou la vie".

 

Alexandre Yersin vécut à cheval sur les 19eme et 20eme siècle et disparut nonagénaire. Soit dans la période d'une incroyable série de découvertes fondamentales et techniques, comme ce petit détail qu'est l'apparition de l'électricité...

 

C'était l'apogée du positivisme et du scientisme optimiste.... Philosophie puissante qui s'effondre en même temps que Yersin meurt.... A la fin de la guerre, avec Hiroshima... Au risque de me la jouer Hegelien petit bras, j'écris quand même ici que le scientisme devait être dépassé, mais que nous devrions le chérir, tellement il nous a apporté.

 

Nous devons au romancier Patrick Deville et à son tout récent "Peste et choléra" le récit de sa vie hors du commun. Yersin, élève de l'immense Pasteur, était un surdoué scientifique mais aussi un bien singulier personnage, toujours tourné vers l'ailleurs, le nouveau, l'avenir, et autrui. Il s'enrichit, mais de surcroît. Il ne fut jamais cupide, petit, ingrat.

 

Jamais imitable, toujours exemplaire et admirable, et en plus taiseux. Le genre de type qui énerverait aujourd'hui... On ne saurait qu'en faire. Déjà en son temps cela se percevait.

 

Yercin vient du canton de Vaux, il passe par l'Allemagne et atterrit dans la bande des disciples de Pasteur, en concurrence avec les "boches" de l'autre bande, allemande, de Koch. Il s'y illustre rapidement, en publiant sur la diphtérie. Mais il ne cherche jamais à faire carrière. Il ne poursuit que son désir de savoir et de découvrir. Il ne se voit pas enfermé dans un labo ou un amphi, il est prométhéen.

 

Et surtout, il a une répugnance manifeste, instinctive (pas forcément explicitée) pour la politique et l'Histoire. Alors qu'il vit au moment où l'Histoire est Tout. Et c'est ce qui le rend Sage et attachant. Pendant les deux guerres, il est en Asie. Et évite même les japonais.

 

Il part, donc, comme Rimbaud qui meurt à peu près au moment où il entame son odyssée . D'abord comme Médecin de bord dans un cargo.... Alors que les Académies lui ouvrent à terme les bras. Les autres pasteuriens n'y comprennent rien, mais au fond ne le lâcheront jamais, ce collègue qui a trouvé une forme de Tuberculose. Il se prend de passion pour un petit coin du futur Vietnam au bord de la mer de Chine, où il établit ce qui deviendra son camp de base pour le reste de sa vie et se fait rattraper par Pasteur qui lui demande d'exporter son savoir. Les Instituts Pasteur fleuriront dans l'Empire.

 

Yersin devient alors explorateur, découvrant de nouvelles routes en Asie et même des peuples inconnus (les Moïs), fuyant toujours rapidement les cérémonies de remise de médaille à son retour.... Il se fait cartographe. Il ne bâtit presque jamais sur ce qu'il a accumulé, excepté son domaine vietnamien qui deviendra un gigantesque domaine dédié à la recherche, l'innovation (domaine ouvert à tous les mômes du coin, et où les indochinois sont respectés, deviennent des proches, sans que jamais Yersin de donne dans la théorie politique. Pas besoin).

 

Yersin est encore aimé au vietnam : il y a emmené la première voiture, des tas de fruits et légumes nouveaux qu'il a acclimatés, le premier appareil photo. Il est à l'affût de toute nouveauté, achète toutes les inventions, correspond avec tous les esprits inventeurs. Il s'essaie à tout, admire Louis Renault, s'essaie à la production de caoutchouc pour les pneux, produit de la quinine. Pas le temps de se marier ou de faire des enfants. La maison close abrite sa vision hygiéniste de l'amour.

 

On l'envoie à Hong Hong, où il réalise sa grande trouvaille : le bacille de la peste. Yersinus Pestis. Qu'il cherche à température ambiante, une idée saugrenue qui fonctionne. Et il en réalise un vaccin qui guérit des tas de gens partout en Asie, la production se réalisant sur son domaine vietnamien, directement...

 

Pourquoi ne pas profiter de sa renommée suite à la découverte ? Eh bien non : il y a tant à parcourir : l'élevage de tout ce qui est possible, l'horticulture, les avions, la photo, le génie civil... Jusqu'à la traduction des grands textes latin dans les tous derniers moments de sa vie. Mais toujours, la fidélité : à la bande des pasteuriens historiques, dont il sera le dernier survivant, et à leurs successeurs. Ce qui le conduit à revenir fréquemment à Paris, enfiler une redingote.

 

Le joli récit de Patrick Deville nous colle aux semelles sollicitées de ce rescuscité Yersin, que l'auteur a suivi à la trace dans le monde. Mais en même temps il nous plonge dans l'épopée Pasteur évidemment. Dans le monde de ces médecins qui partaient de par le monde avec leurs seringues pour guérir l'humanité, y laissant souvent leur peau d'ailleurs. Se promener partout au coeur des épidémies n'est pas conseillé. L'optimisme humaniste de ces scientifiques républicains (Yersin lui s'en foutait de la République, même s'il partagea une longue amitié avec Paul Doumer avec qui il se retrouva en indochine) est émouvant. Une anecdote particulièrement poignante doit être relevée : le premier vacciné contre la rage, Josph Meister, deviendra concierge de l'Institut Pasteur. Quand les nazis entrèrent dans l'Institut ils voulurent aller voir ce qui se passait au sous sol, là où le Maître était enterré. Meister s'opposa et fut piétiné, baignant mort dans son sang. Symbole de la défaite de la Raison.

 

La Raison, la générosité, la volonté d'articuler le savoir et le progrès humain... Ces notions ont été déconstruites certes. On se méfie du savoir. On se méfie de l'essor des forces productives qu'il permet. On nous conseille de méditer, c'est à dire de ne plus penser, plutôt que de recourir à une raison jugée instrumentale, donc dangereuse.

 

Mais si l'on espère vaincre le sida, pourquoi pas le cancer dans une quinzaine d'années. Si l'espérance de vie est montée en flêche, nous le devons à ces types en blouses, raides et barbus. Portant de petites lunettes et ne doutant absolument de rien. Grâce à Patrick Deville on leur envoie un salut fraternel.

 

 

 

 

 

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25 janvier 2013 5 25 /01 /janvier /2013 00:04

3105Hugo Pratt avait beau être doué pour l'imaginaire, il ne sera jamais parvenu à inventer des fictions aussi incroyables que les vraies trajectoires vécues par des centaines de milliers de gens dans ces décennies centrales du vingtième siècle, moment d'expaspération absolue de la lutte des classes jusqu'à l'explosion mondiale, le vomissement inimaginable de tout ce que l'histoire humaine avait accumulé de dangereux, et l'affrontement en plein soleil du grandiose et de l'abominable.

 

On peut passer une vie à y explorer la cruauté et la destruction. Mais du côté du grandiose, il y a tant à découvrir aussi. Ces deux aspects se sont fréquentés, heurtés, entrecroisés. Face à Klaus Barbie il y a un Jean Moulin.

 

Dans ces périodes affreuses, il y a paradoxalement des encouragements à aller chercher. Chez les perdants en particulier. Elsa Olorio, romancière argentine, nous fait par exemple découvrir " La capitana" dans un récit romancé de la vie de Micaela Etchebehère ("Mika"), enlevé, émouvant, admiratif et débordant d'empathie. Un récit gravitant autour de la période la plus intense de la vie de Mika : sa guerre d'Espagne (qu'elle raconta elle-même dans des mémoires de guerre publiées dans les années 70, rééditées je crois en poche récemment).

 

La vie de Mika est celle d'une révolutionnaire internationaliste, se jetant dans la mêlée mondiale sans aucune retenue, tenant par la main l'amour d'une vie : son mari Hippolyte Etchebéhère. Elsa Olorio a enquêté avec passion de longues années sur la vie de cette femme inconnue et au destin presque suspect (au sens où il parait imaginaire) tellement il est romanesque. Le destin dantesque d'une petite femme, argentine d'origine russe, morte dans une maison de retraite d'Ile de France en 1992, après avoir repris la chambre de Beckett, qui la reçut lors de sa première visite en lui tirant la langue...

 

Mika descend d'une famille juive russe immigrée en argentine (son nom de jeune fille est Feldman). Au lycée, au début du vingtème siècle, elle fréquente des femmes s'ouvrant à l'anarchisme. Elle y manifeste vite un talent de conviction. Puis c'est le départ pour Buenos Aires. Elle va s'y lier aux animateurs d'une jeune revue critique, "insurrexit", et rencontrer Hippo, un communiste prometteur, brillant garçon, mais fluet, maladif, fragile physiquement, et qui en outre ne s'épargne pas. Ce sera l'homme de sa vie et c'est ensemble qu'ils écumeront les fronts révolutionnaires les plus chauds de l'époque, tentant de trouver une voie révolutionnaire en échappant au stalinisme... Comme d'autres, qui échoueront. Mika sortira vivante de ces tumultes, passant par plusieurs trous de souris. Elle restera fidèle à son idéal socialiste révolutionnaire, mariant l'égalité et la liberté.

 

Très vite, en Argentine le couple se sent étouffé au sein d'un appareil communiste vite contaminé par les effluves staliniennes. Ils rejoignent une petite formation dissidente. Et puis la conscience des enjeux internationaux les aimante. Jamais ils ne pensent à eux-mêmes de manière étroite ou cupide. Seul compte l'avenir du monde et être ensemble. Ils apprennent donc le métier de dentiste... Pour pouvoir survivre n'importe où.... et se rendent en Patagonie pour mener une enquête sociale suite à une émeute écrasée de paysans. Ils y confortent leurs idées, soignent, continuent à lire avec frénésie, à partager, à couvrir des cahiers de notes, à rédiger des articles, à épaissir leur culture révolutionnaire.

 

Mais Hippo est magnétisé par l'Europe. Mika gagne du temps, elle qui se sent bien au bout du monde, mais le couple finit par atterrir à paris où ils se lient aux communistes dissidents proches de Trotsky (le couple Rosmer en particulier), ou anciennement proches (Léon se brouillant avec la plupart des gens qui le soutiennent, par son intransigeance et son incapacité à admettre que le modèle de la révolution d'octobre n'est pas transposable universellement).

 

Mais les Etchebehère, qui vivent chichement de traductions et autres expédients (mais n'ont aucune attention pour quelque question matérielle, sinon l'esthétique. Mika, avec son amie Katia Landau réfléchiront même à une sorte de haute couture prolétarienne), ont besoin de se rapprocher du foyer brûlant de la révolution, et filent à Berlin où la situation politique est très tendue et encore incertaine, les forces des extrêmes croissant de manière parallèle. Ils vont assister à la période où le drame se met en place, la désunion du mouvement ouvrier, majoritaire, laissant Hitler s'emparer du pouvoir. Mika et Hippo sont parmi ceux (comme ce groupe de Wedding qu'ils rejoignent) qui plaideront pour le front unique sans aucun succès. Quand la répression féroce s'abat sur la gauche, ils rejoignent Paris.

 

La maladie d'Hippo, qui se confirme comme tuberculose, s'aggrave. Les agents soviétiques sont de plus en plus pressants à l'égard de ces groupes dissidents du communisme (c'est l'époque de la liquidation des oppositions internes). Pour Mika c'est encore plus compliqué, car un agent du Guepeou, infiltré au sein du groupe de Wedding à berlin, la harcèlera personnellement, par obsession pour elle... Elle aura le malheur de retomber sur lui en Espagne, sous une autre identité...

 

La révolution espagnole les appelle. Ils y filent et dès le coup d'Etat plongent dans la guerre. Hippo prend la tête d'une colonne de miliciens. Il est tué au premier assaut. Pour Mika, l'alternative c'est la balle dans la tête ou la plongée dans la guerre. Elle choisit cette dernière, dans les rangs des milices du POUM, le parti sans doute le plus digne et le plus pertinent des forces républicaines, éliminé par les services secrets soviétiques prenant la tutelle du gouvernement espagnol en 1937, assassinant le leader du parti : Andreu Nin, et écrasant l'organisation à base d'une préparation d'artillerie calomnieuse. Les libertaires de la grande CNT passeront après.

 

Mika est nommée Capitaine de bataillon par les soldats eux-mêmes. Elle se bat sur plusieurs fronts, parvenant à sauver ses hommes et à stabiliser le front, avec des pétoires face aux franquistes mieux équipés. Elle y fait la preuve d'un courage hors pair, mais aussi d'une forme possible de direction militaire conforme aux principes politiques qui sont les siens : la discipline voulue, le respect, la solidarité.... Elle expérimente aussi une fonction militaire dans un milieu machiste dont elle force le respect, et interroge la question de la féminité et des relations d'affect dans le milieu combattant...

 

Ensevelie par une bombe, elle échappe à la mort de justesse. Elle ne veut pas quitter le front, est obligée d'accepter une promotion mais reste près des tranchées, parvient à installer des écoles d'alphabétisation derrière les premières lignes où on lit Dumas et Sagliari entre deux escarmouches...

 

Elle est une des premières touchées par la répression stalinienne, accusée d'espionnage hitlérien... (pourquoi pas martien tant qu'on y est ?) par vengeance d'un pervers à qui elle s'est physiquement dérobée à berlin. Elle parvient à sortir de prison grâce à l'intervention d'un colonel CNT. Puis elle rallie Madrid, se refusant à rejoindre la France (dont elle a la nationalité) avant l'arrivée des fascistes. Juive, elle comprend vite qu'elle doit quitter le pays et retourner en Argentine. Elle rejoindra la France plus tard, on la retrouvera avec ses cheveux blancs, sur les barricades de mai 68, expliquant aux jeunes qu'on doit mettre des gants pour enlever les pavés...

 

Malgré tout ce qu'elle vécut, jamais elle ne sombra dans le cynisme. Jamais elle ne passera de l'autre côté de la barrière comme beaucoup d'anciens staliniens convertis au libéralisme avec le même zèle pseudo scientiste... Résistante, un point c'est tout.

 

Chapeau, Mme la Capitaine ! Et gloire et devoir d'Histoire aux perdants des années 30. Des inspirateurs indispensables. Orwell, Koestler, Serge, Landau, Nin, Rakovsky, Pivert, Léon, tant d'autres... Minoritaires et mode majeur.

 

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5 janvier 2013 6 05 /01 /janvier /2013 02:02

ICasparDavidFriedrichDeuxhommesaucrpuscule.jpg A lire "Confession d'un enfant du siècle",roman largement autobiographique écrit en 1836 par Alfred de Musset, on mesure combien on ne saurait sombrer dans des anachronismes. Combien l'Humain est historique, circonstancié, ne serait-ce qu'en tant qu'être tissé dans un langage qui a tant changé depuis lors. Mais en refermant le livre, qui relate de manière quelque peu détournée l'amour de Musset et de Sand, on comprend aussi que, malgré le voeu de Rimbaud, l'amour n'a pas été "réinventé". Nos tourments amoureux contemporains nous font frères et soeurs d'Octave et de Brigitte, les deux personnages de ce récit.

 

Cette confession est archétypale du livre romantique. Tout entier tourné vers l'intériorité.

 

Le début du roman, pourtant, commence avec une prise de conscience du collectif. C'est qu'on est déjà dans les années 30 et l'Histoire va se réveiller très fort. Musset y dresse le portrait de la génération du narrateur  - Octave. Ces premiers chapitres sont d'ailleurs remarquables en ce qu'ils témoignent d'une belle conscience de ce qu'est le romantisme. Musset n'a pas eu besoin de grand recul temporel pour être lucide sur ce courant culturel qui le contient et qu'il illustre. Et déjà, au coeur même de cette période absolument individualiste et consacrée à l'introspection, on sent percer le sens des mouvements collectifs et de l'histoire.

 

De l'amertume au spleen, il y a quelque chose de noir qui est la maladie du siècle.

 

Cette génération est dégrisée et triste, Musset a compris pourquoi. Elle nait quand la grande épopée révolutionnaire se clôt avec la chute de l'Empire. Alors s'ouvre une période où la jeunesse, condamnée d'emblée, est assommée par le poids de ce passé récent qui ne permet plus l'utopie, ferme la voie au grand large et au vertige politique. Que peut espérer la jeunesse dans cette société verrouillée, aspirant à une pause sans doute, où les élites montantes et déclinantes ont passé alliance autour d'un projet conservateur ? 

 

La jeunesse éduquée consacre ainsi toute son énergie à l'intime, et à l'amour, où elle recherche à épancher sa soif d'infini. C'est nécessairement un échec. Et c'est ce que nous dit finalement cette Confession de Musset.

 

Chez Musset, comme chez Stendhal (qui lui est concédons le cent fois supérieur) on trouve ainsi le précurseur d'autres grandes oeuvres littéraires : Flaubert ou Scott Fitzgerald. D'autres voix émanant de générations semblant condamnées par avance. Les périodes désenchantées nous enchantent paradoxalement d'oeuvres d'art magnifiques. Est-ce un hasard si la peinture française révolutionne l'art juste après la Commune ?

 

Ce que ne voit pas Musset ce me semble, sans doute est-il trop tôt pour cela, c'est en quoi la transformation du monde provoque aussi cette réaction romantique. La Raison agissante, s'incarnant notamment dans la première révolution industrielle, commence à désenchanter l'univers. Le romantisme fonctionne alors comme une nostalgie des élites pour une harmonie disparue.

 

Il y a bien quelque chose d'illusoire et de perdu d'avance dans cette préoccupation pour l'amour qui tourne sur elle-même. Le romantique en vient même à oublier qu'il vit en société : Octave n'a aucune activité sociale, on ne sait même pas de quoi il vit. Il ferme les yeux à la question politique et sociale, mais ne se préoccupe même pas du réel, finalement naturalisé. On se détourne du monde finalement, ou on n'y trouve que des êtres à surinvestir jusqu'à l'asphyxie. C'est ce qui arrive à Brigitte sa maîtresse, dont l'amour se transforme en étouffoir sous le poids des attentes inextinguibles d'Octave.

 

Agir, créer ensemble... l'idée ne vient pas aux personnages. La seule issue recherchée est le bonheur absolu dans l'amour, un amour pur et décontextualisé. Octave a bien essayé la débauche après avoir été déçu d'un premier amour. Mais on n'y cueille que de l'amertume.

 

Il y a tant d'obstacles à un amour heureux : les convenances par exemple, alors qu'Octave s'enamourache de Brigitte la veuve plus âgée que lui. Mais ce n'est pas le plus grave. Le plus difficile, c'est l'impossibilité de contenir l'autre. De l'empêcher de vivre ses propres pensées et de contrôler ses sentiments. Le soupçon est là comme un poison mortel. Et le soupçon, comme le montrera le récit, est en plus légitime. Comment sauver le paranoïaque quand les évènements lui démontrent qu'il a raison ?

 

L'amour, en tant que fantasme de la fusion, se heurte à l'impossibilité de la fusion. En tant que recherche de l'absolu, elle se heurte à la séparation des êtres et à la temporalité qui emporte tout. L'amour est ainsi une utopie où se brisent ses fanatiques. En cela, Musset nous parle toujours, de son écriture vive, qui contredit son désespoir et laisse percer une force inemployée. Elle s'emploie, alors, dans la création d'une oeuvre littéraire. Où le sentiment d'échec se sublime.

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21 novembre 2012 3 21 /11 /novembre /2012 10:17

 

2rcdHOePto7WisnQ9I0v5sJiyy6.jpgDans "Saint-Germain ou la négociation", petit roman fignolé, élégant et mélancolique, Francis Walder, diplomate de son état, se transporte à l’époque des guerres de religion qui ravagèrent la France de l’âge moderne, afin de nous parler de son métier. Et c’est une réussite que cette tentative sans immense prétention (enfin quand même en insérant la photo je vois qu'il a été prix goncourt, ce que j'ignorais jusque là). 

A travers les souvenirs inventés d’un homme qui exista, Henri de Mallasise, mandataire du camp des catholiques et donc du Roi (même si le vrai pouvoir était chez sa mère Catherine de Médicis), l’auteur dresse un portrait convaincant et grave du négociateur. Sorte de Prométhée renonçant à la force pour transformer le monde par l’art de la parole appuyé sur un don de la psychologie, un sang-froid inexpugnable et une capacité à voir large tout en réagissant aux évènements.

Quatre diplomates se retrouvèrent face à face pendant des mois à Saint Germain, en 1570, pour tenter de négocier une paix dans ce conflit incessant entre catholiques et Huguenots.  Le romancier a imaginé, depuis le point de vue de l’un d’entre eux, leurs conversations. Ils parvinrent au bout du compte à conclure un accord, insatisfaisant par nature. Ce ne sont pas les traités qui assurent la paix mais le développement des évènements et de la situation du pays. La paix de St Germain sera une simple pause dans l’horreur. Et deux ans après…. Ce sera la Saint-Barthélemy , cette tâche rouge dans l’Histoire de France.

Les quatre émissaires, du Roi et de l’amiral de Coligny, vont longuement discuter des termes d’une paix. Le travail consiste à négocier les villes qui seront cédées ou pas à l’un ou l’autre camp. Tout se joue autour de quelques places fortes, comme Sancerre et surtout Angoulême. Toutes les options seront évoquées. De nouveaux paramètres seront introduits au fur et à mesure de la longue conversation. On croira toucher au but et on se trompera, on avancera et on reculera. On finira par traiter après avoir rebattu les cartes.   

 

Le négociateur est un bien singulier personnage. Il est toujours dans l’ambiguïté, par nature. Et il lui est bien difficile de conserver sa propre continuité intérieure. La vérité, pour le diplomate, n’est pas le contraire du mensonge nous dit le narrateur. Pour réussir sa mission, le diplomate est tenu d’aller là où on ne l’a pas autorisé à s’engager, sinon il échouera car il doit ouvrir un chemin qui n’est pas tracé sur les cartes. Il devra aussi, c’est inévitable, jouer un double jeu, ou plutôt inventer une sorte d’espace intermédiaire entre les deux camps qui lui permette de comprendre l’adversaire et complice, tout en obtenant des résultats pour son maître. La posture du négociateur tient de la schizoïdie.

 Ce personnage tout en ambivalence doit mesurer au fond de lui la gravité de ce qui se joue (la guerre est la sanction de l’échec) et en même temps s’efforcer de rendre les enjeux froids et abstraits ; pour ne pas subir le coup de l’émotion dans ses décisions. Congeler le réel sans l’oublier tout à fait.

C’est un protagoniste d’une extrême importance, tenant dans ses phrases le sort de villes, de masses d’individus qui dépendent d’un mot, d’un coup de fatigue ou d’une inflexion mentale au cours d’une journée de discussion un peu chargée où l’on cherchera à hâter la conclusion. Mais le négociateur doit être humble ou il indisposera la partie adverse, et surtout il doit laisser croire à son maître qu’il n’y est pour rien dans la bonne idée ou la réussite… car il n’a fait qu’interpréter la volonté du Chef.

C’est un joueur, un créatif (car il en faut de l’imagination pour sortir de situations inextricables au départ) et un être profondément tempéré et apte à la modération. Un preneur de paris, qui n’hésite pas à tout remettre en cause pour tester les nerfs de son partenaire, ou ouvrir une brèche. C’est avant tout une nature de patience, de sang-froid, et d’autorité quand on doit en user. Il ne peut pas jouer seulement des méthodes de négociation de base, car ses interlocuteurs les connaissent parfaitement aussi. Chaque négociation a ainsi ses rites, ses dynamiques connues, mais elle n’est jamais jouée d’avance et comporte une grande part d’indécision.

Il doit nécessairement entrer en empathie profonde avec son interlocuteur, qu’il observe inlassablement dans les moindres détails, cherchant des indices dans les manifestations physiques les plus banales. Il doit devenir son complice, pour le comprendre et permettre le climat qui débouchera sur la solution introuvable. Et ne jamais oublier qu’il a face à lui un adversaire irréductible.  Le lieu de la négociation doit se transformer en domaine flottant au-dessus des deux camps, où une alchimie unique s’opère. Mais le diplomate n’est pas un utilitariste vulgaire : les liens qu’il établit sont réels. L’empathie, voire l’amitié qui le rattachent à son interlocuteur peuvent être tout à fait sincères. C’est même dans cette configuration que la négociation a véritablement des chances d’aboutir. Il en fut sans doute ainsi entre Roosevelt et Churchill. Ou entre Monnet et Schuman.

On a pu attribuer par exemple l’échec des pourparlers de paix entre OLP et Israël, après la mort d’Itzhak Rabbin, au fait que les successeurs immédiats n’ont pas réussi à renouer un rapport direct et personnel avec Yasser Arafat.

 

Le négociateur est l’être de toutes les contradictions et de toutes leurs résolutions, et en cela il est fascinant et génial. C’est pourquoi chaque camp a envoyé à Saint-Germain un duo complémentaire, afin que toutes les qualités soient en présence et s’équilibrent. L’analyse sans fin des personnalités de l’autre camp,  la recherche des éventuelles opportunités offertes par la dualité de la délégation, sont les obsessions du négociateur.

 Il est au final un homme de paix, car il travaille aux liens, à les renouer ou à les consolider. Il est fondamentalement un humaniste positif, il aime apprécier les qualités d’autrui, tisser des relations et s’appuyer sur les vertus de son interlocuteur. Il est de bonne grâce. Il nous rappelle que le pouvoir n’est pas forcément où l’on croit, là où il brille et attire le regard des badauds. Réalité que l’orgueil sait cacher facilement à ceux qui recherchent le pouvoir et en traquent seulement les mirages. Le diplomate n’est pas homme d’orgueil. Il est homme amoureux des idées et de la réalité, dans un même mouvement. Il est un Prométhée armé de langage et de raison.

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28 octobre 2012 7 28 /10 /octobre /2012 08:07

9782715232921.jpg En refermant le tout petit roman (plus un récit à mon sens mais bon...) d'Emmanuelle Guattari, "La petite Borde", j'ai pensé à ce film un peu loufoque de Laurence Ferreira Barbossa dont le titre est "les gens normaux n'ont rien d'exceptionnel", avec Valérie Bruni Tedeschi. Je l'ai vu il y a très longtemps, mais il m'avait marqué par sa pertinence à brouiller la frontière entre la folie et la normalité.

 

Mais cette pensée de ma part est périphérique. "La petite Borde" ne parle pas de la folie ni de la psychiatrie expérimentale d'un point de vue interne. C'est un peu ce que j'étais venu y chercher je pense, et à vrai dire je ne l'ai pas trouvé. Mais ce n'est pas grave car en chemin j'y ai trouvé d'autres attraits. L'éditeur s'est-il servi du nom de Guattari comme un produit d'appel ? Oui (et ça a fonctionné sur moi). Et le roman aurait-il été édité avec un autre nom d'auteur et sans référence à ce lieu symbole de l'histoire de la psychiatrie française ? Ca nous ne le saurons jamais. Il y a un côté très people chez les intellos. Et l'auteur y cède quand elle raconte que Lacan, pote avec son papa, lui a fait la causette quand elle était petite et lui a prêté des crayons de couleur. Intéressant... Bon.... 

 

Emmanuelle est la fille de Félix Guattari, psychanalyste et philosophe, complice de Gilles Deleuze avec qui ils ont écrit un livre que je n'ai pas lu mais qui a fait date : l'anti oedipe. C'est un fait, et les éditions du Mercure de France n'ont pas été insensibles, en découvrant le manuscrit, au nom et à la référence du lieu évoqué. Le récit a du être lu avec d'autant plus de curiosité que l'auteur ne s'appelait pas Jacqueline Chotard, ou Evelyne Gubluk, filles respectives du psychologue Chotard du Mans ou du psychiatre Gubluk de Villefranche de Rouergue.

 

Guattari fut un déconstructeur actif de la psychatrie asilaire de son temps. La figure de ce qu'on appela l'anti psychiatrie, une critique de l'asile comme système oppressif, dont le symbole resta la pratique des électrochocs et de la lobotomie (et aussi des piqures à l'eau dans les fesses dit-on, même si je ne vois pas à quoi ça sert. Il faudra que je cherche). Il a essayé dans cette clinique de la Borde, dans les années 60, de pratiquer un soin plus ouvert, démocratique, de sortir les aliénés de leur aliénation. Au grand air de la région de Blois. Dans un château. On revint bien entendu des aspects les plus excessifs de l'anti psychiatrie, car justement la folie trouve sa limite dans la liberté en société, par nature, mais elle ne fut pas utopique en vain. La psychiatrie d'aujourd'hui en est aussi l'héritière.

 

Sa fille a vécu là avec d'autres enfants, assez libre au milieu des fous, qui la conduisaient à l'école avec la 2 cv de la clinique. Juste avec l'idée qu'il ne fallait pas trop s'approcher de certains, mais sans trop de précaution. Elle en tire un récit, non pas sur les fous, non pas sur son père célèbre (enfin, tout est relatif, c'est Félix Guattari... pas Jay Z non plus....), mais simplement sur l'enfance. Une enfance dans la vieille France finissante, avant le virage de l'après-mai 68.

 

Une belle série de petits chapitres sur l'enfance, grapillés dans la malle à souvenirs. Un récit de sensation plus que de raison. Evidemment, pour un enfant, ce n'est pas banal de vivre dans cet environnement à la fois très proche de la nature, dans cette France où le rural était encore très prégnant, alors que ses parents sont des intellectuels, et au milieu d'une communauté très spécifique, avec ses fonctionnements singuliers. Mais les enfants ont pour eux la force de l'évidence du monde. Ils s'en emparent et ne se posent pas trop de questions dans un premier temps. Avant d'être une maison de fous, la Borde est une collectivité dans le rural. On y retrouve des souvenirs de colos, de grandes conserves de confitures de marrons et de bêtises à commettre en pagaille. Emmanuelle Guattari y a vécu une existence un peu étrange, auprès de parents avant gardistes mais encore ancrés dans la vieille France très présente. Et sans une conscience réelle de la singularité de cette vie au milieu des malades. Félix Guattari est un père assez original, ramenant un singe d'un voyage par exemple. Et manifestement très détendu dans son rôle paternel.

 

Certains passages sont très intenses et bouleversants, notamment lorsque l'auteur évoque depuis la mort de sa mère, ou plutôt ce qu'elle a produit dans sa représentation du monde. Une absence qui restructure la texture même du monde. De quelques phrases jaillissent des effets de vérité vraiment étonnants. Révélant une âme d'écrivain évidente. Prometteur.

 

On mesure certains changements de civilisation qui personnellement m'ont aussi donné matière à réflexion dans ma vie : le rapport à l'insécurité, qui a profondément évolué. Dans les années 60-70, on n'avait pas cette obsession constante pour la précaution. L'auteur raconte une scène aujourd'hui impensable où elle visite un zoo en famille, les vitres de la voiture ouverte, une girafe glissant sa tête dans l'habitacle pour piquer un chapeau.... J'ai moi-même vécu des scènes presque similaires. On était plus décontacté, quoi... Il y aurait tant à dire sur ce sujet. Mais un motif de ce changement m'est apparu à la lecture de ce récit : la proximité de la guerre mondiale n'y est peut-être pas tout à fait pour rien. Quand on a vécu des évènements hors de toute comparaison, on doit relativiser un peu les risques du quotidien. Dans les années 60, le souvenir de la guerre est encore très fort. Il est omniprésent dans les discussions à table. Il ne commence qu'à s'estomper dans les années 70, avec la génération du baby boom qui transmet une autre expérience à ses enfants.

 

C'est un joli petit récit  mais sans ambition cependant, en dehors de celle de ces effets de vérité assez poignants et réussis. Dommage. J'aurais aimé que Mme Guattari allie à son talent d'aquarelliste un pouvoir d'évocation dans la durée, un obstination, une volonté de penser cette expérience. On lit ce petit roman mignon (quoique donnant sa petite part au sordide), sans nostalgie (ce n'est pas sur cette note que l'auteur joue), avec le plaisir de sentir resurgir nettement des clichés de sa propre enfance (les pâtes alphabétiques au fond de la soupe par exemple). Elle crée le lien avec le lecteur en partageant nos madeleines de Proust. Oui c'est joli, mais on a le sentiment de manquer un roman d'un autre ampleur. 

 

Si les gens normaux n'ont rien d'exceptionnel, ce petit roman ne l'est pas non plus. Mais on attendra la suite possible de l'oeuvre de Mme Guattari avec une légitime curiosité, de splendides dispositions émaillant ces lignes

 

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12 septembre 2012 3 12 /09 /septembre /2012 08:15

toni-morrison-400x295.jpg Le changement, c'est toujours possible. Le monde n'est pas condamné à l'état stationnaire ou à la décadence et rien n'est joué.

 

Pour y croire, pour s'en convaincre, la lecture du petit roman nerveux et condensé de Toni Morrison, "Home", est d'une belle efficacité. Grâce à un violent effet de contraste avec notre présent.

 

Toni Morrison a connu elle-même les dernières années d'une ségrégation hyper violente, dont elle décrit les affres dans ce roman qui frappe en plein coeur. Lecture âpre et douloureuse.

 

Et c'est ce même pays décrit par l'auteur qui a élu le Président Obama et s'apprête, on l'espère, à le réélire. Tant de chemin a été parcouru, jalonné de combats, de défaites qui finirent par contraindre l'adversaire lui-même, à bout d'arguments, à concéder des avancées vers la liberté et l'égalité. Une route jonchée de cadavres de leaders et militants, de déceptions et d'amertume. Mais une route vers le progrès, sans conteste.

 

"Home", c'est l'histoire d'un frère et d'une soeur, Franck et Cee, fratrie issue d'une famille noire miséreuse de la région d'Atlanta. Le Sud raciste des années précédant les droits civiques. On pense immédiatement à Strange fruit de Billie Holliday, source d'inspiration évidente du roman ( Gros plan sur le fruit étrange de Billie Holiday) , où un noir est d'ailleurs massacré près d'un magnolia. C'est comme si Mme Morisson avait résolu de donner son ampleur romanesque à cette "scène pastorale du valeureux Sud" chantée par la voix la plus déchirante du jazz.

 

Le jazz inspire nettement l'écriture de Toni Morrison, on y retrouve une certaine nervosité dans le rythme, une densité (court roman qu se lit lentement), des ruptures de ton et des résurgences. Un rythme tout à fait particulier. Quelquefois on ne voit pas où elle veut en venir et puis soudain.... la lumière. Comme dans le jazz où il y a ces alternances, le sentiment d'arriver sur un plateau après une ascension, une révélation.

 

Franck s'échappe d'un hôpital psychiatrique. On comprend qu'il est parvenu dans ce lieu de perdition après un retour difficile au "pays" comme vétéran de la guerre de Corée. Une guerre inutile, atroce, meutrière et méconnue. A la violence incorporée de la ségrégation, s'ajoute celle de cette guerre où le pire a été vu, subi, accompli. Double traumatisme. Franck est allé se battre, avec ses amis dont aucun n'est revenu, pour une Nation qui le vomit.

 

Pourtant Franck trouve la force de fuir, de rester sobre, pour aller chercher sa soeur dans le sud. Celle ci s'est égarée et a été captée par un médecin eugéniste qui l'utilise comme cobaye. Franck traverse les Etats Unis, comme on plonge dans un cauchemar atroce pour finir par en émerger. Partout la menace plane, partout le mépris. Il parviendra à sauver sa soeur.

 

Toni Morrison a trouvé un procédé tout à fait intéressant pour rendre plus vivants ses personnages : ils lui parlent. Ils sont là et bien là dans son esprit d'écrivain.

 

Les descriptions rendent compte d'un sud ambigu, beau mais envahissant, sec, dur aux humains, parfois tout juste consolant par ses beautés et ses ressources. La chaleur participe de cette anxiété, de ce sentiment de menace qui planent sur les personnages. La mort est au bout d'un chemin de balade d'un enfant.

 

Ce roman parle de violence. De la violence fondamentale, native, des Etats Unis. Pays né sur les cendres d'un génocide et prospérant grâce à l'esclavage. L'auteur met toute la force de son style à nous faire saisir l'ampleur de cette violence dans la chair des opprimés. Ainsi que la destruction terrible des personnalités individuelles traitées comme des nuisibles. Une violence ahurissante qui submerge dès l'enfance.

 

Mais il y a aussi, et c'est le petit côté "conte qui finit bien" de ce livre, la solidarité et la décence des simples. De la communauté mais aussi d'un bon samaritain, ou de blancs. Sans cette bonté qui ne demande rien, Franck et Cee ne pourraient surnager dans cet enfer.

 

A cette lecture d'une histoire ou on lutte pour simplement survivre, et pas encore pour conquérir des droits, je mesure le courage, la témérité, de ceux qui se sont levés contre l'apartheid sudiste. La fureur que cette résistance a pu soulever. Ce n'était pas, pour paraphraser une autre guerre de libération, qui a mal tourné celle-là, un "dîner de gala". Ils ont en partie réussi, même si l'oppression économique et sociale reste de mise. Mais on ne peut plus impunément traiter des êtres humains à l'instar de bouts de chiffon comme c'était encore le cas quand Mme Morrisson était jeune. Toni Morrisson, au firmament de la littérature mondiale. La grande et juste plume de sa communauté afro américaine.

 

 

 

 

 

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24 août 2012 5 24 /08 /août /2012 00:00

YALOM-Spinoza-72dpi.jpg Je parle aujourd'hui d'un livre venu des étoiles. Dont je n'avais jamais entendu parler et qui m'est tombé dessus. Un cadeau de la Providence, ou si l'on préfère, pour être tout à fait spinoziste, de la nécessité. Tellement il correspond à ce que j'aime.

 

"Le problème Spinoza" est un roman passionnant d'Irvin Yalom, psychanalyste américain. Yalom n'est que romancier par destination, et cela se ressent un peu, dans certaines libertés qu'il prend avec la forme. Ce n'est pas un grand styliste forcément, bien qu'il écrive très clairement -c'est toujours l'essentiel-. Il se concentre d'abord sur les idées, c'est le roman d'un fêru de théorie et pas d'un écrivain plus complet, intégrant une certaine sensualité ou une porosité au monde sensible.

 

Ce roman inspiré des biographies croisées de Baruch (ou Bento) Spinoza, homme du dix septième siècle, sans doute un des plus brillants que l'humanité ait portés, et Arthur Rosenberg, l'infâme idéologue nazi condamné à mort à Nuremberg, est un travail d'une richesse rare, qui aborde des sujets fondamentaux avec une grande netteté. C'est une oeuvre éclairée et éclairante, où la psychanalyse est très habilement intégrée. La grande réussite de ce livre est d'articuler la technique romanesque, l'Histoire, une initiation à la psychanalyse et son usage pour comprendre des personnages, et un abord des grandes questions philosophiques telles que l'immanence ou le déterminisme. C'est aussi une belle et riche introduction à la philosophie de Spinoza. Ce père du rationalisme et de l'universalisme. Cet homme courageux et digne.

 

Rosenberg, et c'est un fait réel, fit confisquer la bibliothèque de Spinoza après l'invasion des Pays-Bas. Dans le rapport écrit à cette occasion, il est fait référence à un "problème Spinoza". C'est de ce mystérieux problème qu'est née l'idée de ce roman.

 

Yalom construit un roman alternant entre le parcours de Spinoza et celui de Rosenberg. Il les confronte tous les deux à un analyste. Pour Spinoza évidemment, c'est un analyste qui s'ignore, un analyste par le don. Mais on peut penser que la méthode analytique a de vieux ancêtres : la confession auriculaire en est un certainement.

 

L'auteur imagine un Rosenberg obsédé depuis l'adolescence par Spinoza. Un grain de sable dans sa conception raciste et antisémite du monde. Les professeurs de Rosenberg, effrayés par la violence de ses conceptions, lui donnent un exercice à accomplir pour le conduire à douter : reprendre l'autobiographie de son modèle, Goethe, et travailler sur les passages où il évoque son propre inspirateur : Spinoza, un juif.

Qu'un juif puisse servir de référence absolue à son modèle de grand allemand aryen, cela poursuivra Rosenberg toute sa vie. Il n'aura de cesse d'essayer de résoudre ce hiatus. Sans y parvenir, puisque résoudre le problème serait admettre l'universalité du genre humain.

 

Chemin faisant, Yalom réalise, fictionnellement, un début de psychanalyse du nazi Rosenberg. A travers la rencontre avec un jeune disciple de l'école freudienne. Dans cette relation, Spinoza et sa pensée sont sans cesse évoqués, ce qui nous permet d'approcher la proximité entre la philosophie et la psychanalyse, soeurs très proches. Siamoises.

 

Stupéfait, j'ai retrouvé une thématique très proche de celle de l'odyssée télévisuelle des Sopranos : peut et doit-on être le psychanalyste d'un sociopathe ? C'est à dire l'aider à se sentir mieux. Peut-on utiliser cette relation pour le ramener dans l'humaine communauté ? Ou en le soulageant, l'aide t-on à accomplir sa tâche ? Que faire, finalement, de ces êtres odieux ? Nous sont-ils absolument étrangers ? L'analyste de Rosenberg échoue. Il essaie de faire comprendre à Rosenberg que son sentiment d'exclusion et d'être mal aimé vient notamment de son désintérêt pour autrui ("les êtres humains aiment ceux qui s'intéressent à eux"). Peine perdue. Rosenberg, qui souffrira d'une immense dépression (il fut vraiment hospitalisé ) devient dépendant d'Hitler, des miettes affectives et de la reconnaissance que le petit caporal et mauvais peintre lui apporte. L'analyste essaie vainement de lui faire comprendre les ressorts profonds de cette dépendance et le mirage dont elle procède. Il approche aussi les sources de son antisémitisme furieux, retournement d'un stigmate. Pour parvenir à ses fins, l'analyste essaie de profiter du transfert, mais aussi de l'intérêt de Rosenberg pour Spinoza, dont il utilise la pensée.

 

La psychanalyse fait écho à Spinoza, et Spinoza préfigure la psychanalyse. Les deux époques se répondent. 

 

Puis il y a l'immense Spinoza. On le suit dans la progression de sa pensée, mais aussi dans le processus de rupture avec la communauté juive de Hollande dont il est excommunié à vingt trois ans pour avoir prétendu que la Bible était d'écriture humaine, tissée de métaphores, et que Dieu se confondait avec la Nature, n'était autre chose que la Nature. Spinoza est le premier grand penseur, malgré des précautions de langage, à dire clairement que la religion, qui par ailleurs doit être écartée de la politique, est superstition manipulée par des chefs religieux, et à appeler l'humanité à faire usage de la seule raison pour comprendre le monde. Le premier de cette stature à opposer un monde immanent à l'idée d'une transcendance. Un libérateur sans comparaison.

 

Spinoza est un génie. Et un philosophe inspirant et essentiel pour la tradition matérialiste dans laquelle je me situe pour ma part (fondée rapidement sur le fait que la matière engendre l'esprit, et non l'inverse, ce qui change tout). Mais c'est aussi un personnage digne d'une admiration sans bornes pour son courage et son intégrité. On lui proposa de garder ses idées silencieuses, de recevoir une forte pension, plutôt que d'être chassé à vie de la communauté juive, séparé de sa famille, de tous ses repères. Et il n'hésita pas une seconde. Le fils surdoué de la communauté, appelé à en devenir le grand leader spirituel, décide - parce qu'il ne peut pas faire autrement sinon il devrait renier ses idées - de subir l'exclusion et la vindicte, jusqu'à subir un attentat au poignard.

 

Ce penseur du dix septième siècle, à y réfléchir, est tellement majeur, qu'aujourd'hui on peut encore se définir comme Spinoziste. J'en connais. Et vous ne feriez pas les malins dans une discussion face à eux... Ce qu'a dit Spinoza, pour imiter Sartre quand il parlait de Marx, est l'horizon indépassable de la pensée. On peut compléter Spinoza, le prolonger. Mais le cadre de pensée qu'il a fixé est largement valable. Pas de dérive comme celle des "esprits animaux" que l'on trouve chez un Descartes. C'est dans cet espace spinoziste notamment que la pensée scientifique, qui a montré sa validité par d'incommensurables preuves, se déploie.

 

(Pour ma part, j'ai été très marqué par un cours de philo évoquant Spinoza. On disséquait un texte de nietzsche sur le libre arbitre. Et la plupart d'entre nous pensions - dans le cadre de la morale commune - que cette notion de liberté était nécessaire à la sanction et donc au droit, finalement. Le prof nous a cité une parabole de Spinoza expliquant que lorsqu'un serpent nous pique, nous le réprimons, pour qu'il ne recommence pas, pour se défendre. Philosophiquement donc, l'idée de justice punitive peut s'imaginer dans un monde régi par les causes. Pour moi, ce fut important. J'ai compris là que le libre arbitre peut ainsi être renvoyé à ce qu'il est : une fiction destiné à faire croire que chacun est responsable de son sort. Une fiction bourgeoise.)

 

Ce n'est pas fortuit si Yalom aborde Spinoza. Car sa pensée augure déjà de cette pensée du soupçon qu'est le freudisme. L'idée déterministe, c'est celle que tout a une cause. Le monde est un enchaînement de causes. La liberté, à proprement parler,  ou plutôt la liberté interne, n'existe pas. On ne peut créer un Empire au sein d'un Empire qui est la Nature, et son infini cortège de causes et de conséquences que l'homme peut déchiffrer peu à peu, sans toutefois y parvenir un jour entièrement.

 

Donc, la liberté chez Spinoza, et là on touche en effet au coeur de l'intuition psychanalytique, c'est devenir soi-même. Se réaliser en conscience de ses déterminations. Devenir ce que l'on est (non pas réaliser son essence, mais son être en puissance). Comprendre et se comprendre.

 

Spinoza, pour mener sa réforme de l'entendement humain, et donc aborder des continents inconnus de la pensée, à du recourir à l'introspection. Yalom imagine un personnage, un rabbin qui essaie de réformer le judaïsme de l'intérieur, qui va jouer le rôle de l'analyste. Alors que Spinoza l'ouvre à ses propres idées.

 

Le roman débouche alors sur un terrain passionnant : comment l'être rationnel, utilisant sa propre raison, peut aussi faire communauté ? Sachant que la religion, ses mythes et superstititions, ont cette efficacité, justement, à "relier" les humains ? Comment ne pas verser dans l'isolement, ce qui est le lot de Bento Spinoza (qui en devient misogyne) ? Les deux interlocuteurs diffèrent sur les moyens de parvenir à cette humanité vivant heureuse, et soucieuse de vérité.

 

Entre les descendants de Rosenberg et les disciples de Spinoza, rien ne sera jamais fini.

 

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Lectures de Jérôme Bonnemaison

 

Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).


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D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.

 

Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.


Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk. Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.


 

De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la  bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».


 

J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde  le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.


 

Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.

 

 

Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…


 

Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.

 

 

Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.


 

Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.  


 

Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.


 

J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.


 

Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.

 

 

Jérôme Bonnemaison,

Toulouse.

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