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10 juillet 2011 7 10 /07 /juillet /2011 08:38

 

marilyn-monroe-fragments-livre2.jpg Le livre que je viens de lire en un rien de temps tellement il est diaphane a été présenté comme un évènement littéraire de toute première grandeur...

 

Les écrits reconstitués de Marylin Monroe (Fragments, ...) m'ont déçu. Je trouve à vrai dire l'entreprise à la limite de l'escroquerie. J'ai beau chercher ce que j'aurais raté... mais non...

 

Pourquoi diable la critique branchée (Inrocks, Transfuge...) a t-elle présenté cette parution au titre prétentieux (se mesurer à Héraclite, tout de même...) comme un moment artistique étincelant, alors qu'il s'agit au bout du compte, à mon avis, d'un attrape gogo (en l'occurence, je suis un gogo) ?

Nous y reviendrons...

 

C'est un livre soigné qui apparaît de prime abord riche, mais qui est terriblement vide. Il faut reconnaître à l'éditeur le talent de savoir fabriquer un objet attrayant avec trois bouts de ficelle.

 

L'éditeur a pris la peine de retrouver quelques belles photos de Marylin avec des livres à la main (elle lisait beaucoup, et n'était pas la cruche désignée par Hollywood, ça c'est certain) et en compagnie d'écrivains qu'elles fréquentaient assidûment. Ce n'est nullement un hasard si elle fut mariée avec le dramaturge et romancier Arthur Miller : Norma Jean attirée par la littérature, le théâtre, était une "cérébrale" sans nul doute. Mais pas plus que ma copine Chloe de l'Essonne, que ma copine Florence de Paris, que ma copine Ariane de Toulouse, que ma copine Nadine du périurbain, que ma copine Julie des faubourgs transformés en quartiers chics.... et même beaucoup-beaucoup-beaucoup moins.... (vous valez beaucoup mieux que la pseudo poétesse nombriliste dont on a édité les pleurnicheries, les filles ! Vraiment !).

 

Mais d'ici à nous la présenter comme une Christine de Pisan ou une Virginia Woolf en gestation, un auteur qui aurait pu éclore si on l'avait mieux comprise... Ce que le livre prétend... il y a un monde !

 

Certes, cette femme était intelligente, sensible,  et cela ne protège pas du malheur, bien au contraire. Mais cela ne justifie pas d'en dresser le portrait d'une graine de Marguerite Duras...

 

Tout comme fumer de l'Herbe ne suffit pas à être Rimbaud, écrire des bribes de phrase angoissées ne fait pas de vous un Baudelaire, ni même un Modiano. Le talent ne se mesure pas à l'indice de noirceur d'un écrit. En littérature, Dark is not forcément Beautiful.

 

Le livre se pâme devant les lignes gratouillées par la Star dans quelques agendas présentés comme des fêtiches, auxquelles s'ajoutent des courriers, des listes de recettes ou de courses...(incroyable de découvrir que Maryline s'intéressait à la popote... Un chapitre nous présente ses notes de cuisine avec la déférence qui sied à des vers de Mallarmé).

 

Tout cela, même pour une personne disparue à 38 ans, n'est pas considérable. Rien de suivi, de consistant et d'un peu tenu. Pas un texte qui dépasse une trentaine de lignes. A ce niveau de constance, parler d'écriture, c'est comme si on parlait de marathon quand on court chercher une bière à la mi-temps du match...

 

Introspection, introspection, introspection vague.

Aucun regard sur autrui, aucun égard pour le monde. L'autocentrée absolue, même dans ses courriers. Cela est censé nous donner à voir la "face cachée" de Monroe. Il me paraît que cette lecture de gris-gris sans intérêt la dessert au contraire. Sans doute perçoit-on plus clairement sa profondeur dans ses chansons et ses films.

 

Il y a juste un moment un peu captivant (ça dure quelques secondes) où elle parle de sa dépression comme un phénomène corporel. Mais c'est bien peu.

 

Sinon, autant lire en cachette le journal intime de votre nièce de treize ans.

 

Alors, pourquoi ce livre, qui recense des  phrases juste utiles au biographe ? Pour l'argent certes. Mais pourquoi la critique hurle t-elle à la découverte géniale ?

 

En premier lieu, il y a sans doute la pulsion voyeuriste. Elle est dissimulée derrière le prétexte littéraire, et donc plus facile à assumer pour des gens qui prétendent à la "culture".  C'est le ressort de l'"autofiction". Christine Angot est devenue une figure littéraire à partir de son livre sur l'Inceste. Montre nous ce que tu as dans ton pot de chambre, on te qualifiera de nouveau Proust.

 

Et puis, dans ce Moi Je-Moi Je-Moi Je... l'époque se mire.

 

Ensuite, je pense que ce livre aide certaines personnes à apprécier Marylin en lui imprimant une légitimité qu'elle a toujours à reconquérir, s'étalant en photo dans tous les bazars à babiole. Le tableau de Wharol est délavé à force d'être imprimé, il était nécessaire d'en remettre un coup dans ce sens. Marylin est confirmée comme préoccupation "artiste".

 

Je n'en ressens pas le besoin pour ma part. Ca me va déjà très bien de l'entendre chanter "Diamonds..." ou de la voir dans ce film irrésistible qu'est "Certains l'aiment chaud". Je trouve que sa beauté irradiante est en soi magnifique, et qu'en plus c'est une excellente intérprète.

 

Mais c'est ainsi : certains ont besoin d'aller uniquement à l'UTOPIA voir des films parce que les esquimaux et les pop corns y sont interdits, et que cela garantit une "attitude culturelle" devant un film. Moi au contraire, je pense qu'aller au cinéma c'est l'occasion rêvée de manger des sucreries et de boire avec une paille (en plus, contrairement à ces pharisiens, je me juge capable de manger en me servant de mon cerveau...). Et je me souviens avec grande nostalgie d'avoir vu, vers mes six ans, une des dernières (sans doute) séance en deux parties avec entracte. Un des deux films, je crois était "Le mur de l'atlantique". Une bêtise avec Bourvil. Et ce qui est génial c'est qu'à l'entracte vous pouvez réclamer à vos parents l'achat de douceurs malsaines.

 

Mais après tout, soyons positifs.

Marylin Monroe a porté à son incandescence le potentiel de séduction, à effet immédiat sur les hommes comme sur les femmes, quelle que soit l'orientation sexuelle. Quand on tombe amoureux, on veut que l'objet du désir transcende sa réalité. On voit des mirages. Sans doute aimerions-nous que Marylin ait survécu, mais aussi nous donne plus qu'elle n'a pu. In fine, dans sa (fausse ?) naïveté et son enthousiasme excessif, à la limite du ridicule, la publication de ces "fragments" prend ici un sens.

 

L'amour n'est point aveugle. Il hallucine.

 

 

 

 

 

 

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Lectures de Jérôme Bonnemaison

 

Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).


ete2010-035.jpg

 

 

D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.

 

Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.


Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk. Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.


 

De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la  bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».


 

J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde  le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.


 

Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.

 

 

Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…


 

Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.

 

 

Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.


 

Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.  


 

Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.


 

J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.


 

Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.

 

 

Jérôme Bonnemaison,

Toulouse.

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