Le livre que je viens de lire en un rien de temps tellement il est diaphane a été présenté comme un évènement littéraire de toute première grandeur...
Les écrits reconstitués de Marylin Monroe (Fragments, ...) m'ont déçu. Je trouve à vrai dire l'entreprise à la limite de l'escroquerie. J'ai beau chercher ce que j'aurais raté... mais non...
Pourquoi diable la critique branchée (Inrocks, Transfuge...) a t-elle présenté cette parution au titre prétentieux (se mesurer à Héraclite, tout de même...) comme un moment artistique étincelant, alors qu'il s'agit au bout du compte, à mon avis, d'un attrape gogo (en l'occurence, je suis un gogo) ?
Nous y reviendrons...
C'est un livre soigné qui apparaît de prime abord riche, mais qui est terriblement vide. Il faut reconnaître à l'éditeur le talent de savoir fabriquer un objet attrayant avec trois bouts de ficelle.
L'éditeur a pris la peine de retrouver quelques belles photos de Marylin avec des livres à la main (elle lisait beaucoup, et n'était pas la cruche désignée par Hollywood, ça c'est certain) et en compagnie d'écrivains qu'elles fréquentaient assidûment. Ce n'est nullement un hasard si elle fut mariée avec le dramaturge et romancier Arthur Miller : Norma Jean attirée par la littérature, le théâtre, était une "cérébrale" sans nul doute. Mais pas plus que ma copine Chloe de l'Essonne, que ma copine Florence de Paris, que ma copine Ariane de Toulouse, que ma copine Nadine du périurbain, que ma copine Julie des faubourgs transformés en quartiers chics.... et même beaucoup-beaucoup-beaucoup moins.... (vous valez beaucoup mieux que la pseudo poétesse nombriliste dont on a édité les pleurnicheries, les filles ! Vraiment !).
Mais d'ici à nous la présenter comme une Christine de Pisan ou une Virginia Woolf en gestation, un auteur qui aurait pu éclore si on l'avait mieux comprise... Ce que le livre prétend... il y a un monde !
Certes, cette femme était intelligente, sensible, et cela ne protège pas du malheur, bien au contraire. Mais cela ne justifie pas d'en dresser le portrait d'une graine de Marguerite Duras...
Tout comme fumer de l'Herbe ne suffit pas à être Rimbaud, écrire des bribes de phrase angoissées ne fait pas de vous un Baudelaire, ni même un Modiano. Le talent ne se mesure pas à l'indice de noirceur d'un écrit. En littérature, Dark is not forcément Beautiful.
Le livre se pâme devant les lignes gratouillées par la Star dans quelques agendas présentés comme des fêtiches, auxquelles s'ajoutent des courriers, des listes de recettes ou de courses...(incroyable de découvrir que Maryline s'intéressait à la popote... Un chapitre nous présente ses notes de cuisine avec la déférence qui sied à des vers de Mallarmé).
Tout cela, même pour une personne disparue à 38 ans, n'est pas considérable. Rien de suivi, de consistant et d'un peu tenu. Pas un texte qui dépasse une trentaine de lignes. A ce niveau de constance, parler d'écriture, c'est comme si on parlait de marathon quand on court chercher une bière à la mi-temps du match...
Introspection, introspection, introspection vague.
Aucun regard sur autrui, aucun égard pour le monde. L'autocentrée absolue, même dans ses courriers. Cela est censé nous donner à voir la "face cachée" de Monroe. Il me paraît que cette lecture de gris-gris sans intérêt la dessert au contraire. Sans doute perçoit-on plus clairement sa profondeur dans ses chansons et ses films.
Il y a juste un moment un peu captivant (ça dure quelques secondes) où elle parle de sa dépression comme un phénomène corporel. Mais c'est bien peu.
Sinon, autant lire en cachette le journal intime de votre nièce de treize ans.
Alors, pourquoi ce livre, qui recense des phrases juste utiles au biographe ? Pour l'argent certes. Mais pourquoi la critique hurle t-elle à la découverte géniale ?
En premier lieu, il y a sans doute la pulsion voyeuriste. Elle est dissimulée derrière le prétexte littéraire, et donc plus facile à assumer pour des gens qui prétendent à la "culture". C'est le ressort de l'"autofiction". Christine Angot est devenue une figure littéraire à partir de son livre sur l'Inceste. Montre nous ce que tu as dans ton pot de chambre, on te qualifiera de nouveau Proust.
Et puis, dans ce Moi Je-Moi Je-Moi Je... l'époque se mire.
Ensuite, je pense que ce livre aide certaines personnes à apprécier Marylin en lui imprimant une légitimité qu'elle a toujours à reconquérir, s'étalant en photo dans tous les bazars à babiole. Le tableau de Wharol est délavé à force d'être imprimé, il était nécessaire d'en remettre un coup dans ce sens. Marylin est confirmée comme préoccupation "artiste".
Je n'en ressens pas le besoin pour ma part. Ca me va déjà très bien de l'entendre chanter "Diamonds..." ou de la voir dans ce film irrésistible qu'est "Certains l'aiment chaud". Je trouve que sa beauté irradiante est en soi magnifique, et qu'en plus c'est une excellente intérprète.
Mais c'est ainsi : certains ont besoin d'aller uniquement à l'UTOPIA voir des films parce que les esquimaux et les pop corns y sont interdits, et que cela garantit une "attitude culturelle" devant un film. Moi au contraire, je pense qu'aller au cinéma c'est l'occasion rêvée de manger des sucreries et de boire avec une paille (en plus, contrairement à ces pharisiens, je me juge capable de manger en me servant de mon cerveau...). Et je me souviens avec grande nostalgie d'avoir vu, vers mes six ans, une des dernières (sans doute) séance en deux parties avec entracte. Un des deux films, je crois était "Le mur de l'atlantique". Une bêtise avec Bourvil. Et ce qui est génial c'est qu'à l'entracte vous pouvez réclamer à vos parents l'achat de douceurs malsaines.
Mais après tout, soyons positifs.
Marylin Monroe a porté à son incandescence le potentiel de séduction, à effet immédiat sur les hommes comme sur les femmes, quelle que soit l'orientation sexuelle. Quand on tombe amoureux, on veut que l'objet du désir transcende sa réalité. On voit des mirages. Sans doute aimerions-nous que Marylin ait survécu, mais aussi nous donne plus qu'elle n'a pu. In fine, dans sa (fausse ?) naïveté et son enthousiasme excessif, à la limite du ridicule, la publication de ces "fragments" prend ici un sens.
L'amour n'est point aveugle. Il hallucine.