Mes mille et une nuits à lire
Blog d'un lecteur assidu
Paul Veyne considère dans son petit essai d’adieu sur « Palmyre, l’irremplaçable trésor » que les troupes de Daesh détruisent les ruines antiques, non pas par haine particulière du paganisme, mais parce que l’occident admire l’art antique. C’est une interprétation...
« Il faut bien que ça ait un nom ! » Les éditions l’Age d’homme m’ont très élégamment proposé de puiser dans leur catalogue pour alimenter mon blog. Je l’ai fait avec plaisir, tant leur ligne éditoriale est variée et originale. J’y ai trouvé notamment...
Je ne sais pas si Mme la Directrice de la Nouvelle Quinzaine Littéraire est dotée de dons médiumniques, mais c'est un fait : elle m'a envoyé ce livre - car nous avons convenu qu'elle les choisit pour moi en fonction de ce qu'elle subodore de mes attentes-,...
L’habile Matteo Renzi a donc décidé d’attribuer à tous les jeunes italiens parvenant à 18 ans un chèque de 500 euros qui « doit être dépensé dans la culture ». L’argument de ce « Pacte d’humanité » est noble : il ne faut pas combattre la barbarie post...
L’essai historique que consacre Charles Ridel à « l’ivresse du soldat », c’est-à-dire à la place de l’alcool dans la première guerre mondiale, fouillée, pourrait passer pour caprice d’érudition. Ce n’est nullement le cas. En ouvrant ce dossier, en explorant...
Philippe Pujol est un journaliste. Un Monsieur manifestement intègre, patient, professionnel, indépendant semble t-il, encore qu'on n'est jamais indépendant de soi-même, soucieux de creuser sous le vernis des communiqués de presse ou au contraire d'une...
On lit pourtant. De ces lectures dévastatrices. Pourquoi ? Je ne saurais le dire. Par souci moral, de prendre une part du fardeau en s'"informant" ? Par voyeurisme ? Par propension à considérer que rien de ce qui est humain n'est étranger ? Par masochisme...
Certains penseurs alter mondialistes (le mot est en train de disparaître, ce qui mériterait en soi une longue réflexion), dénommés les "cognitivistes", affirment que le capitalisme est déjà en voie de dépassement alors qu'il croit triompher, ayant enfanté...
Dans cet ouragan d'après Nice où l'on voit la bêtise, telle Méduse, agiter hystériquement ses multiples têtes mortelles. La bêtise politicienne, la bêtise de l'inculte. La bêtise de l'intellectuel châtré, la bêtise de la bonne conscience suicidaire, la...
Ce blog existe depuis cinq ans, et c'est la première fois que je vais parler d'un livre de quelqu'un que je connais personnellement. Ce n'est pas un ami, ni même un copain, c'est une vieille connaissance. Je l'aime bien en fait, mais c'est à peu près...
J'ai trop peu lu d'ethnologie et j'en ai le regret. J'y remédierai, car chaque ouvrage de cette "catégorie" que j'ai lu - il y en a dans ce blog- m'a été une grande respiration, une invitation à se défaire des pesanteurs de la pensée enkystée, une incitation...
Est-ce que parler c'est agir ? Du coup est-ce que parler peut être criminel ? Est-ce que parler peut être salvateur ? Oui, oui, oui, très nettement, si l'on en croit Jeanne Favret-Saada, dans son livre devenu classique de l'ethnologie, et pourtant si...
"Le visage aspergé d’un produit antiseptique vert, Ludmila Oulitskaïa est restée stoïque. « Dieu merci, ce n’était pas de l’acide sulfurique. » La romancière russe, dont les œuvres ont été traduites dans le monde entier, a été victime, jeudi 28 avril,...
C'est un petit roman cruel, écrit comme un conte, d'un point de vue légèrement omniscient, doucement misanthropique, bien mené. Déroulé d'une élégante prose, claire comme l'eau ensoleillée, légèrement lâchée vers le poétique. Il reprend le thème du «...
Je suis né dans les années 70, je n’ai pas découvert le comique de l’absurde avec Ionesco, Beckett ou Chesterton et son « club des métiers bizarres », Jarry . Ils sont venus après, juste après les Monty Python. Mais comme beaucoup, dans ma génération,...
"Le cavalier suédois" est un roman de Léo Perutz, viennois de la première partie du XXème siècle, de ce fameux "monde d'avant" qui agitait la mélancolie de Zweig. Un roman chouchouté par des lecteurs avisés, qui le gardent un peu comme un secret coquet....
En refermant la longue nouvelle de Thomas Mann, "La mort à Venise" , il m'est revenu le souvenir de la scène jouée par Jean Pierre Melville, dans ".A bout de souffle" de Godard. Il joue un écrivain qui répond à un interview et avoue son plus grand fantasme...
"L'enracinement" ,écrit dans l'exil londonien et combattant,,à la fin de la vie de Simone Weil , est un remède au prurit identitaire borné et vindicatif qui nous empuantit. L'incroyant que je suis n'a aucun mal à admirer la puissance de pensée de cette...
"Le siècle des lumières" d'Alejo Carpentier est un grand roman classique de la littérature sud américaine, qui démontre que l'on a pu, au temps des avants-gardes (quand il écrit, en France on essaie le "nouveau roman"), réaliser de grandes fresques romanesques...
Une partie du mouvement féministe, qui a toujours questionné la dimension patriarcale incrustée dans la langue française, avec de solides arguments, défend avec vigueur la perspective d'une écriture dite inclusive, ou épicène (concept féministe plus précis)....
Ce sont les années 50 et le poète qui n'est pas encore l'immense figure qu'il sera de son vivant vient visiter la tombe de celui qui est mort durant son adolescence. Son passeur privilégié avec cette grande idée communiste à laquelle il donnera une forme...
Joseph Conrad est un immense écrivain, ce qui signifie qu'il va au plus simple et par ce biais évoque l'universel. La honte et l'honneur, avec "Lord Jim", la manipulation du sens de la justice, avec "l'agent secret". Et dans ce court roman dont je parle...
Jean-Pierre Lebrun est un psychanalyste belge qui a ouvert un débat important dans le mouvement psychanalytique. Avec deux textes, rassemblés et réédités par Erès : "Un monde sans limite" et "malaise dans la subjectivation". Contrairement à ce qu'ont...
Je finis de lire le livre de Moriz Scheyer , « Si je survis », le jour même des élections allemandes qui voient l’Afd, parti d’extrême droite aux accents révisionnistes, atteindre 13 % et mander des députés au Bundestag. Dans ma dernière tranche de lecture,...
L a science fiction est un genre puissamment politique. Nous en avons la confirmation avec "World War Z" de Max Brooks (le fils de Mel.. Ambiance au repas de famille...). Elle joue le rôle du laboratoire manquant dans les sciences sociales. En soumettant...
Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).
D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.
Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.
Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk.
Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.
De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».
J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.
Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.
Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…
Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.
Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.
Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.
Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.
J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.
Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.
Jérôme Bonnemaison,
Toulouse.