Mes mille et une nuits à lire
Blog d'un lecteur assidu
J e prends prétexte de la parution de l'excellente adaptation BD d' "Ô dingos, Ô châteaux" par le grand Jacques Tardi pour évoquer un peu cette figure qui m'est si chère : Jean-Patrick Manchette . C'est la quatrième adaptation de Manchette réalisée par...
P ourquoi se repaît-on de tristesse, et pourquoi c'est bon ? Bonne et rude question que nous n'aborderons pas ici (mais nous ne manquerons pas de malaxer ce paradoxe une autre fois, quand l'occasion s'en présentera), car il s'agit juste, comme ça, de...
Lors du dernier 11 novembre, une polémique a surgi sur la nécessité de conserver les commémorations, sur le sens à leur donner, sur la place à donner aux mutins de 1917. Dans ce débat, la droite est à l'aise : elle joue sur la fibre patriotique et le...
"Nous, fils d'Eichmann" : c'est sous ce titre qu'ont été publiées les deux lettres de Gunther Anders adressées au fils du planificateur de la Solution Finale. Une première lettre écrite à la mort du criminel de bureau retrouvé et condamné par l'Etat d'Israël,...
A u fur et à mesure que l'on vieillit, le monde physique se sature de références, de souvenirs, de phrases tatouées sur la pierre... Le monde, en somme, ne nous laisse pas tranquille avec notre présent. Il nous traque dans notre intimité de l'instant....
"La chambre à remonter le temps" est un roman d'époque de Benjamin Berton , qui dresse un portrait au Wasabii des "classes moyennes", ou si l'on préfère de la toute petite bourgeoisie : les couches sociales salariées qui ont tout juste sorti la tête de...
"Contes des sages..." . Ainsi sont intitulés ces petits recueils attirants publiés au Seuil sous l'égide d' Henri Gougaud . Des jolis petits objets richement illustrés, pas forcément destinés à une lecture continue, mais plutôt à être picorés. Lectures...
Q uand j'étais gamin, j'avais souvent recours à la pensée magique. Si je parvenais à faire rouler un caillou du collège jusqu'à chez moi, c'était un 15/20 garanti à l'interro dont je sortais... De ces petits jeux conjurant l'angoisse, l'écrivain israëlien...
C' est l'édifiant livre d'un étrange Historien, à propos d'évènements à peine croyables, que "La possession de Loudun" de Michel de Certeaux . Un classique publié en 1970 et disponible aujourd'hui en Folio Histoire. ... M ême si la forme est un peu indocile...
" Personne ne vous donnera la liberté. Personne ne vous donnera l'égalité ou la justice, ou quoi que ce soit. Si vous êtes un Homme, vous vous en emparez". Malcom X J e viens de lire l'Essai "La Force de l'ordre" de Didier Fassin, travail anthropologique...
2012. La lecture fléchit, incontestablement. Dans les statistiques, cette mauvaise nouvelle est masquée par la prise en compte de tas de productions écrites qui n'ont pas de rapport avec ce qui nous occupe ici : la littérature, la poésie, la philosophie,...
L a hausse de la TVA à laquelle nous sommes appelés à sacrifier, pour expier les pêchés de la paresse, du farniente, de la facilité assistée, de l'indolence, de cette vie de Cocagne que nous vivons (si on en croit notre Premier Ministre)... est en elle-même...
C e blog inutile d'un lecteur inconnu et banal a dépassé la barre, en un peu moins d'un an de fonctionnement, des 10 000 visites. Pfouhhhh. Bon, le blog du "Monde" doit réaliser la même chose en 30 minutes (j'en sais foutre rien). Celui de JL Mélenchon...
" I ls sont vraiment retors et chafouins ces intellos chrétiens"... ... Telle fut ma première pensée en refermant ce qui fut le premier essai de l'anthropologue et philosophe René Girard : "Mensonge romantique et vérité romanesque" . (Oui, je sais René...
A force de croiser l’intriguant mais sybillin philosophe Walter Benjamin dans de nombreuses lectures (par exemple dans une biographie de Hannah Arendt, dans ses textes, ou dans un essai incompréhensible de Daniel Bensaïd…), son influence devenant de plus...
P remier roman réussi que ce "Brut" de Dalibor Frioux qui parvient à surnager un peu, grâce à la critique et aux conseils avisés des libraires, dans la marée de cette rentrée littéraire où on ne sait se repérer. Le sujet est original et ambitieux : la...
I l y a des êtres que l'on souhaiterait aimer. Mais voila, on ne peut pas. Même à se fixer des lentilles occulaires psychédéliques. On ne peut pas se mentir et se cacher la réalité, et le vernis fragile de la séduction se craquèle, et pourrit comme de...
E mmanuel Todd est un des intellectuels français les plus vivifiants de notre temps. Très intervenant dans le débat public (il se qualifie lui-même comme la "pom pom girl' de la cause protectionniste) car beaucoup invité (un "bon client" pour les médias,...
M a bien aimée ville de Toulouse ne produit pas seulement, dans le domaine culturel, que de la variété des 80's, des avocats bling-bling fournissant les sujets de la presse à scandales et (le bientôt usé jusqu'à la corde à force d'être célébré) Claude...
"De l'inégalité parmi les sociétés" de Jared Diamond est un livre-monde. Un livre qui prend à bras le corps l'Histoire de l'Humanité, avec une ambition sans équivalent aujourd'hui. Une ampleur de vues impressionnante, tirant parti au mieux du croisement...
Patrick Lowie réalise des galeries de portraits dits oniriques, où à partir de bribes, comme un rêve d'enfance raconté par le concerné, une photo, il laisse aller ses songes à partir de ces fragments de vie. Il m'a fait le plaisir de me consacrer un de...
« L’homme n’est pas libre de ne pas faire ce qui lui fait plus de plaisir que toutes les autres actions possibles » Goûter au génie de Stendhal, c’est bien sûr se plonger dans les romans essentiels : le Rouge et le noir, la chartreuse, et le moins encensé...
" Les questions sociales se présentent inévitablement aussi comme des questions personnelles ". Christopher Lasch Pourquoi sommes nous si passifs devant le basculement effrayant du monde ? Pourquoi le capitalisme de notre temps, dont plus personne ne...
Comme chaque toulousain, j'ai les yeux rivés sur Barcelone. C'est magnétique et c'est ainsi. Barcelone est notre grande soeur, magnifique. Elle nous inspire. On envie son patrimoine, son audace, son mariage avec la mer. Beaucoup d'entre nous - j'en suis...
G eorg Lukacs a écrit sa "Théorie du roman" pendant la première guerre mondiale, alors qu'il ne s'était pas encore converti au communisme. C'est un texte exigeant de jeune hégelien. Ecrit d'une plume absolument géniale, pleine de fulgurances. Lukacs essaie...
Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).
D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.
Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.
Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk.
Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.
De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».
J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.
Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.
Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…
Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.
Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.
Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.
Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.
J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.
Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.
Jérôme Bonnemaison,
Toulouse.