Mes mille et une nuits à lire
Blog d'un lecteur assidu
Q uand j'avais entendu un ancien Ministre conservateur annoncer le "retour de la morale" en enseignement à l'école, j'avais trouvé cela démagogique et irritant. Quand j'ai entendu le nouveau ministre progressiste remplacer la formule par "morale laïque",...
M isère de l'édition des essais en France, où le public lecteur reste coupé d'une partie importante du débat mondial (à moins de lire l'anglais facilement, donc d'être quelqu'un dont le métier est de lire...). L'essai d' Hannah Arendt sur les révolutions...
R écemment dans ce blog, j'ai parlé du point de vue littéraire d'une transfuge sociale : Zadie Smith. Elle résonne avec mes lectures d'Annie Ernaux, et bien entendu de Pierre Bourdieu, lui-même un transfuge social et culturel. Il y a aussi le beau livre...
L e travail de Nancy Fraser , dont nous avons ici décrit la convaincante théorie de la justice ( Quelle justice sociale pour notre temps ? (Nancy Fraser) ), commence à être traduit en France, et c'est tant mieux. Cette féministe socialiste américaine...
( J 'aurais pu vous parler de l'essai "l'architecture est un sport de combat", de Rudy Ricciotti. Livre d'entretiens avec l'architecte méridional susnommé. Mais c'est un bien mauvais livre, gavé de pédanterie et de faconde surjouée. L'architecte s'y veut...
E nivrée par l'infect absinthe des médias, qui empêche tout débat public complexe et travaille à enfler la stupidité, la France se fiche de la Chine. Elle s'en fiche, oui, même si elle en a parfois la trouille quand on lui en parle. Ce qui s'y passe est...
"Il n'y a rien de plus confortable que de ne pas penser". Simone Weil. A la fin de sa vie, Simone Weil (pour ceux qui voudraient en prendre connaissance de manière aussi agréable que rapide, il y a "L'insoumise", essai biographique de Laure Adler), alors...
P our ceux qui souhaitent lier connaissance avec ce Roi considérable que fut Louis XI - et on ne saurait trop le conseiller tellement il y a d'intérêt à cette rencontre - il y a l'embarras du choix. Michelet y a consacré un de ses tomes de l'Histoire...
I l y a une dizaine d'années, j'ai passé une semaine à Rome avec ma compagne, aux frais intégraux du contribuable... Je ne vous refilerai pas le plan, il n'est plus reproductible... Je ne suis pas revenu ébloui. Pour la première fois, grâce au contraste...
C ynthia Fleury, philosophe engagée, est avant tout une philosophe de l'éthique. Ce n'est pas un paradoxe à ses yeux, car elle ne dissocie pas un instant la recherche d'une éthique de notre temps et celle d'une issue politique collective. Car la République...
Z adie Smith est perçue comme le grand espoir de la littérature mondiale. Elle n'a pourtant que 36 ans et publié que trois romans, mais l'espoir est justifié. En 2007, j'avais lu le dernier d'entre eux : "De la beauté" . C'est un peu ancien pour que j'en...
http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/03/16/lire-elire_1670154_3232.html J e me permets de vous conseiller, chers amis, la lecture de cette excellente Tribune collective ("Lire et élire") parue dans "Le Monde" à l'occasion de l'ouverture du Salon du...
E lle date un peu, mais elle n'a rien perdu de son intérêt, c'est l'anthologie de la pensée sur la Ville réalisée en 1965 par Françoise Choay. Anthologie publiée sous le titre "L'urbanisme, utopies et réalités. Une anthologie" (disponible en édition de...
Q ui était donc Germaine de Staël, cette figure qui apparaît dans tous les textes écrits au dix neuvième siècle, ce passage obligé des crises de paranoïa de Napoléon, ce nom aperçu ici ou là sur des couvertures de livres jamais lus ? A force de croiser...
M ircea Eliade était un sale type, qui a appartenu à la garde de fer roumaine (ce qui fut longtemps caché), une sorte d'aile droite de l'extrême droite, c'est dire... (dans son livre sur le procès Eichman Arendt rappelle comment les collabos roumains...
B ien que Gad El Maleh ait interprété un spectacle à immense succès intitulé « l’autre c’est moi », reprenant finalement cette vieille idée d’Aristote qui définit l’Homme comme un animal politique, nous connaissons tous des gens qui se plaignent d’être...
B on, autant le dire de suite, "Le socialisme gourmand" de Paul Ariès , ce n'est pas un grand livre mais une intervention au passage, une contribution. Ca se lit vite, très vite, comme on boit un demi en terrasse, la pensée y est légère comme un crépuscule...
L e roman de F. Exley , "dernier stade de la soif" , date des années 60. Il retrace l'odyssée alcoolique et piteuse de son auteur. On me l'a offert (merci Florence L), et c'est une belle découverte. Les critiques semblent vendre ce livre comme celui d'un...
C e n'est pas un grand roman mais il vaut néanmoins d'être lu, de par sa singularité, son caractère indécidé, qui en font un parcours intéressant. Manifestement, beaucoup ont été fascinés par ce roman d'un allemand à nom français (dans les librairies,...
V oici un petit bijou de sagesse, d'intelligence exprimée dans la simplicité (et donc dans la fraternité), de sincérité - jusqu'à la confession-. Dans un petit essai, "Un paradigme" (excellentes éditions Allia), dont le titre ("un" et pas "le") souligne...
S i on devait ne lire qu'un texte pour fracasser l'idée nocive selon laquelle la culture relèverait du superflu, la lettre de Charlotte Delbo à Louis Jouvet, publiée en 1975 sous le titre " Spectres mes compagnons" serait très indiquée. Ce mépris de la...
L e premier tome du profond travail de Françoise Héritier , chroniqué précédemment ( La domination masculine, un putsch contre le monopole de la fécondité ("Masculin/féminin", la pensée de la différence. Tome 1. Françoise Héritier)) , traquait dans la...
Q u'est ce que la réalité ? C'est quand on se cogne disait Lacan. Et Philip K Dick ne cesse d'y cogner ses personnages et de nous les montrer dans leur embarras, toujours au bord du gouffre. Seulement ils ne savent pas s'ils délirent ou sont dans une...
L ire Hannah Arendt est difficile et suppose des préalables, comme aborder la moto suppose de savoir faire du vélo. On ne le niera pas. J'ai souvent essayé et beaucoup échoué, mais à chaque fois je saisis qu'il y a dans cette oeuvre une percée. Alors...
E n refermant, enivré, "Les âmes mortes" de Gogol , lu en parallèle avec l'essai que ce réactionnaire de Vladimir Nabokov consacra à l'écrivain, je me suis tout de suite dit que Gogol était un fieffé coquin. Ses âmes mortes, ce ne sont pas les âmes des...
Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).
D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.
Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.
Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk.
Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.
De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».
J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.
Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.
Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…
Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.
Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.
Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.
Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.
J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.
Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.
Jérôme Bonnemaison,
Toulouse.