Mes mille et une nuits à lire
Blog d'un lecteur assidu
« Chaque éclat de la musique, dans la nuit, était une incantation qui appelait à la guerre et au meurtre. Les battements de tambour étaient portés au paroxysme, dans l’espoir de se résoudre finalement en sanglantes rafales d’artillerie : je regardais...
Lors de sa séance inaugurale au collège de France, Roland Barthes affirma ceci : "la langue est fasciste". Hélène Merlin-Kajman (dont j'ai beaucoup aimé le plus récent "Lire dans la gueule du loup", sur la littérature d'effraction psychique) n'en est...
"Dès qu'on pense, on devient androgyne" Annie Lebrun Dès les années soixante dix, Annie Lebrun a senti, avec beaucoup de lucidité, un mauvais vent dans le féminisme. Elle l'a vu se transformer en volonté de pouvoir. En bonne surréaliste elle a écrit un...
Pardonnez-moi un certain esprit de continuité, passager, dans mes lectures. Mon dernier article portait sur "Les diaboliques" de Barbey d'Aurevilly. Celui-ci parlera d'un essai récent, qui s'interroge sur le rapport de l'Histoire à la littérature.......
Les chrétiens adorent parler du mal. C'est qu'il les fascine, alors qu'ils seraient censés dire au Diable de passer son chemin, comme Jésus. Les chrétiens adorent tout ce qu'ils disent détester, bien souvent (ils ne sont pas les seuls). Ils s'y adonnent,...
Si le fait même de penser, ne peut s’exonérer de la réification, à travers la soumission du langage humain, forme dans laquelle se coule toute pensée, aux exigences de la performance capitaliste (« il faut te vendre »), puisque je suis une marchandise...
Régulièrement, depuis ma lecture il y a vingt ans de "la vie de Jésus" d'Ernest Renan, je fais un bilan d'étape sur Jésus, d'un point de vue historique. Je suis athée, je précise. Athée respectueux et curieux de l'intérêt des miens, des humains, pour...
C’est le premier tome, réussi, d'une trilogie annoncée. « Vernon subutex 1 » de Virginie Despentes (dont on retrouverait dans ce blog une évocation de son essai stimulant et fracassant, « King Kong theory »), est un roman d’époque, un roman de quadra...
"Aujourd'hui, guère moins ignorants ni moins démunis, nous sommes de surcroît perdus dans un monde hors de l'échelle humaine, né dans une explosion, lancé dans un mouvement vertigineux et destiné à périr. Devant lui, les vastes palais de l'Olympe paraissent...
En 1965, le couple situationniste constitué de Michèle Bernstein et Guy Debord décide de s'amuser un peu avec la littérature et l'esprit décadent d'une certaine bourgeoisie qui emplit les pages des magasines de leur époque. Ils imaginent un projet et...
A vant de périr assassiné par les fanatiques-boomerangs de ce monde nihiliste que son romancier préféré avaient mis en scène à la fin de « plateforme », sentant que leur heure arrivait, comme un Bret Easton Ellis aussi dans « glamorama » (la familiarité...
Quel superbe livre, d'une conception si inhabituelle. La narratrice connaît un immense chagrin d'amour. Elle est quittée par l'amant, un homme connu, qui préfère finalement sa famille et sa femme. Elle vit une tragédie véritable. Et dans ce moment, elle...
Les livres de Pascal Quignard sont difficiles et déconcertants, surtout quand on a été nul en latin comme moi et qu'on ignore totalement le grec, mais on sait qu'à un moment, une lumière vous touchera si vous êtes patient, sous la forme d'un aphorisme...
Qui nous dira que la poésie est affaire de satin, coussinets et sainte nitoucherie ? Se croit-on particulièrement endurci quand on parle de "poésie urbaine" parce qu'on prend un accent macho et qu'on a un battle dress ? Plaisanteries. La poésie c'est...
A vant de partir en Crète, terre où Thésée terrassa le Minotaure, j'assouplis mon esprit à la pensée de midi en lisant Ovide, dont je vous parlerai bientôt, et .. Albert Camus , dont son splendide "Noces, suivi de l'été", réunion de textes épars écrits...
Il est acquis de nos jours de considérer que la transparence est la vérité de l'amour et que la sincérité en serait la caution. Il en serait de l'amour comme de la démocratie libérale, en somme. Un amoureux serait ainsi, un "partenaire". Un bon citoyen....
De vingt a trente ans deux sentiers de lecture approfondie m'ont beaucoup occupé. Ils sont extrêmement liés. Deux questions majeures me taraudaient. Comment la grande espérance d'une nouvelle aube humaine - la grande lueur venue de l'Est- a t-elle pu...
L'une des plus grandes stupéfactions du XXème siècle est la soumission volontaire, puis plus tard enthousiaste, du peuple allemand, considéré comme le plus "philosophe" du monde, à la psychopathologie nazie. On a beaucoup écrit à ce sujet, et parfois...
Avant de parler de son livre essentiel, « Le sentiment tragique de la vie » (1902), de Miguel de Unamuno, il n’est pas inutile de rappeler l’épisode du fameux discours de Salamanque, son dernier, devant l’amphithéâtre envahi par les franquistes soulevés....
Trois contes, pour terminer une vie d’écrivain. L’Esprit Saint dans un cœur simple Dans la première nouvelle, « un cœur simple » , Flaubert nous propose comme un contrepoint de Mme Bovary. Il réalise la prouesse de faire entrer un monde dans une petite...
J e suis retombé sur le premier Faust de Goethe en farfouillant dans les restes de ma bibliothèque de jeunesse, au domicile parental. J'avais envie de m'y replonger, comme si toute l'époque me le réclamait. Je ne savais pas pourquoi, je l'ai su après,...
La croyance est un besoin puissant dans notre espèce. Elle aide les humains à tenir debout, elle les console, elle donne un sens à leur vie et au monde, et à leur place dans le monde. Qu’elle soit religieuse ou laïcisée. C’est pourquoi quand une personne...
Marguerite Duras est de ces rares écrivains qui suscitent un culte, dessinent une tribu relâchée, invisible mais réelle. Pour le relever il suffira de regarder les communautés littéraires existantes sur les réseaux sociaux. Sa biographie a ainsi été disséquée,...
Le souvenir des enfants d'Izieu s'est télescopé dans mon esprit avec l'horreur subie par les enfants d'Alep à cette seconde. Les enfants n'ont jamais échappé à la barbarie déchaînée par les adultes "responsables". Le droit international, chemin faisant,...
« Vers la guerre des identités ? De la fracture coloniale à la révolution ultranationale ». Sous la dir. De Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Dominic Thomas « Ni culpabilité, ni haine de soi » Les éditions de la Découverte rassemblent une série de contributions...
Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).
D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.
Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.
Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk.
Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.
De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».
J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.
Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.
Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…
Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.
Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.
Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.
Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.
J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.
Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.
Jérôme Bonnemaison,
Toulouse.