Mes mille et une nuits à lire
Blog d'un lecteur assidu
"La pesanteur et la grâce" de Simone Weil est un livre mystique. Christique, car l'on ne saurait dire chrétien à l'égard de cette libertaire foncière, dégoûtée par toute forme d'institutionnalisation. On dit que des papes la lisaient en cachette. C'était...
"Tumulte", que je ne manquerai pas de conseiller, est une tranche de mémoire du grand écrivain allemand Hans Magnus Enzensberger, désormais octogénaire bien pesé. Il s'agit d'évoquer une période lointaine, celle de la fin des années soixante, où le déjà...
« I don’t give a damn about my reputation / I’ve never been afraid of any deviation. » Joan Jett Bret Easton Ellis n’avait écrit que des romans, que j’ai tous lus, depuis ma lecture d’American Psycho, découvert à sa parution, au tout début des 90’s. Comme...
"C'est quand on est surpris qu'il faut surprendre l'ennemi lui-même" Sun Zu, L'art de la guerre. Christophe Bourseiller, ce drôle d'individu, d'abord acteur, est devenu un spécialiste reconnu des phénomènes minoritaires, au fur et à mesure des publications,...
A près avoir lu il y a tout juste un an le fascinant "La pierre et le sabre", classique japonais d'Eiji Yoshikawa , chroniqué dans www.mesmilleetunenuitsalire.over-blog.com, je viens de finir avec le même délice, sans doute amplifié par le crescendo final,...
" Le fait de pouvoir élire librement des maîtres ne supprime ni les maîtres ni les esclaves". Herbert Marcuse Chemin faisant en ce moment dans l'œuvre de Pasolini, cinématographique et littéraire, j'ai pensé qu'il s'inscrivait dans une nébuleuse de Cassandre...
J'ai évidemment lu sur Sade , fréquemment, mais j'ai différé de le lire dans le texte. Même l'admiration béate des surréalistes à son égard ne m'avait pas convaincu d'ouvrir ses pages. Je ne sais pas trop d'où vint cette réticence persistante au demeurant....
On parle beaucoup de Roland Barthes en ce moment. On l’expose, on le biographie. Le structuralisme ; voué aux gémonies par la vulgarité de la « nouvelle philosophie », avatar intellectuel médiocre de la réaction néo conservatrice, sortirait donc des limbes...
E n refermant le livre ici évoqué, j’ai pensé à « Démineurs », le film passionnant de Kathrin Bigelow sur le corps de déminage envoyé en Irak pendant la deuxième guerre du golfe. L’as du déminage, un fondu qui prend tous les risques, a fini son service...
En général , pour écrire dans ce blog de lectures, je lis, je souligne parfois. Et je me lance. En me disant "c'est un blog, il va ou il veut". Mais là j'ai hésité à écrire, tellement ce second roman abordé de Michel Tournier (son premier, à 42 ans),...
Certains philosophes ne peuvent pas être aisément abordés par la face nord. Comme l'himalaya. Alors il convient de lire sur eux avant de les lire. De préparer la rencontre. C'est le cas de Spinoza, c'est le cas de Nietzsche, sans doute. Deux penseurs...
Rassemblant des textes tardifs, écrits d’une plume à la fois pleine de gravité, juste avant sa mort, dont il analyse avec une intuition incroyable la source (il est assassiné par le milieu social et culturel dont il ne cesse de s’inquiéter dans ces écrits...
D ogmatiques, avides de confort, passez votre chemin. Ici il n’y a que de l’inconfort à récolter. Le livre dont on va parler est destiné à ceux qui acceptent que le savoir ne mène surtout qu’à d’autres aventures de savoir. Et qui acceptent que penser,...
C ’est le livre dont on parle, « Confiteor » de Jaume Cabre , monument de 800 pages, d’une densité rare. Un grand roman. Un très grand. Mais je me demandais ce qui manque à ce roman catalan pour entrer dans l’Olympe. J’y reviendrai peut-être. Difficile...
L es éditions "les prairies ordinaires" ont rassemblé des textes commentés par des chercheurs français, dressant le panorama mondial d'une géographie critique radicale de la ville contemporaine, soit de la ville capitaliste, puisque c'est le mécanisme...
Alastair Campbell est devenu romancier après avoir été le conseiller en communication de l'infâme politicien que fut Tony Blair. Ma première surprise en lisant son roman bien construit, "Tout est dans la tête", c'est de me retrouver face à quelqu'un de...
S on admiration totale allait à Baudelaire, et c’est bien une « curiosité esthétique » que Huysmans propose avec « A rebours », sorte de comète dans la littérature française. Ecrit en 1884, ce roman étrange, qui décrit les affres dépressives d’un aristocrate...
L a France a affronté un traumatisme terroriste récemment. Et on a vu l’utilisation, classique, non questionnée (quel enfer de ne plus questionner les mots. C’est notre enfer. Celui du cliché vide. De la novlangue qui éradique toute capacité critique),...
" Au delà du principe de plaisir" de Sigmund Freud est tout sauf un livre de sagesse qui nous demanderait de nous hisser au delà du désir et de ses impasses. Pas le genre de la maison. Tout le propos du freudisme échappe à cette logique de la sagesse,...
J e ne me suis pas dérobé, et pourtant je pense que la pudeur est un talisman. En tout cas une certaine forme de pudeur, celle qui a trait à l'essentiel. La pudeur est tellement précieuse qu'elle mérite parfois un déploiement d'impudeurs multiples et...
L a matrice de toutes les histoires reste pour nous, occidentaux, l'Illiade homérique. Mais l'australien David Malouf choisit pour sa part, avec son roman "La rançon" , d'y faire son nid. Il revient longuement, d'un style prodige, fidèle aux sensations...
Jean François Bayard est un essayiste prolifique, passionnant, qui développe une pensée sur la littérature, mais forcément, comme la littérature est le monde -et on le verra tous les mondes - sur la vie. Son précédent essai (évoqué dans ce blog), "aurais...
D ans un essai fort bien écrit, certes un peu touffu (typiquement psy....) tout juste paru mais qui fleure un peu vintage, ce qui n'a rien de péjoratif, Max Dorra appelle à en revenir à l'outil privilégié à ses débuts par le traitement psychanalytique...
J 'éprouve comme beaucoup une certaine fascination triste pour les faits divers, inutiles, poisseux aussi, et tellement intriguants. Ils m'écoeurent mais j'ai toujours le sentiment qu'ils disent quelque chose d'essentiel. Leur caractère exceptionnel n'est...
I l s'en vendrait comme des petits pains aux Etats- Unis nous dit-on. Un livre d'économie politique de près de 1000 pages truffées de statistiques. Le sujet n'est pas celui, « successfull », d'une secte gnostique délurée qui aurait détourné la Terre pour...
Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).
D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.
Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.
Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk.
Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.
De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».
J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.
Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.
Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…
Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.
Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.
Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.
Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.
J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.
Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.
Jérôme Bonnemaison,
Toulouse.