Mes mille et une nuits à lire
Blog d'un lecteur assidu
Le moins que l'on puisse dire, c'est que notre monde va avoir besoin de diplomatie s'il veut se sortir de ses ornières. Je me souviens de ce personnage d'avocat revenu de tout, dans "Le colonel Chabert" de Balzac, qui dit à peu près "transiger, transiger,...
Dans un petit essai d'intervention, "Où atterrir ? Comment s'orienter en politique" , Bruno Latour , un des penseurs qui me semble les plus cités dans la production d'idées contemporaine, veut attirer l'attention sur l’événement considérable que constitue...
Il ne sert à rien de critiquer négativement les livres qu'on lit. Il y a tellement de bons livres à défendre. Je passe, la plupart du temps. Mais voila, parfois, la critique négative apporte, en contraste, certaines réflexions utiles. Et puis, certains...
« 1984 » de George Orwell, nous dit-on, a bondi dans les ventes, singulièrement aux Etats-Unis depuis l'ascension de Donald Trump (personnellement, cet événement m'a évoqué le moins brillant mais aussi terrifiant « dead zone » de Stephen King). Il n'est...
Si l'anthropologue Eduardo Kohn, qui signe ce livre profond, doté d'un titre qui n'a rien de métaphorique, « Comment pensent les forêts » , a vu la trilogie du « Seigneur des anneaux », il a du afficher le large sourire du sentiment analogique. En effet,...
Je referme "le pays qu'habitait Albert Einstein", d'Etienne Klein, une personnalité que j'apprécie beaucoup, m'apprête à en faire l'éloge, et je tombe avec amertume sur la polémique ouverte par l'"Express", qui révèle que l'essai est truffé de plagiats...
Les philistins et pharisiens se drapent dans leur snobisme et nous déclarent que Bob Dylan c'est too much pour le prix Nobel. Et bien moi je m'en réjouis de ce choix. La littérature n'est pas une pose. N'est pas un conformisme de plus. La poésie ce n'est...
Ca va mal. Sur ce point, l'on s'accorde, généralement. Ca va mal. Peut-êt re certes que ce n'était pas "mieux avant", en tout cas pas sur tout, pas sur beaucoup. Mais l'on sent tout de même que les nuages se rassemblent. Donc on se demande comme en 1902...
" La Pierre et le sabre" est un grand classique japonais, et un roman "culte" des amateurs d'arts martiaux. Son auteur est Eiji Yoshikawa. M'intéressant en ce moment à la figure du combattant (magnifique film que "Les combattants" avec A.Haenel), j'ai...
Pourquoi une biographie de plus de Malraux ? C'est ce qu'on se demande devant la couverture de l’œuvre de Sophie Doudet. Ce n'est pas un portrait, c'est une biographie en bonne et due forme. Sans doute l'éditeur, Gallimard « Folio », une maison où le...
L'identitaire. Cette horreu r. En "Bloc", certes, mais surtout en cancer généralisé qui si l'on passait la France et l'Europe au Petscan, cette machine d'imagerie de la maladie, très impressionnante, éclaterait en tâches morbides dans tout le corps social....
Il y a des Atlandide sous les phrases. Une phrase à destination pr écise peut mener à des champs incommensurables, et finalement il est de peu d'impor tance en littérature de savoir si l'auteur a disposé du sous-texte ou si notre imaginaire l'a déployé....
En lisant "Le pressentiment" , d' Emmanuel Bove, j'ai songé à Oblomov de Goncharov mais surtout à un cousinage de premier degré avec Irène Nemirovski et sa littérature moraliste, impitoyable, crépusculaire, et laissant filtrer en même temps un amour déçu,...
L'auteur de ce blog de lecteur, qui est aussi un cadre supérieur "dans le social et l'éducatif" pour faire vite, fait paraître un livre su r la petite enfance aux Editions Dunod, le must de l'édition sociale. Aucun rapport avec ce dont on t raite ici...
Qui a lu « Les mémoires d'Hadrien » ou l' »Oeuvre au noir » aura été inévitablement stupéfait par la radicalité idiosyncratique de ses œuvres. . En lisant ces chefs-d’œuvre nous avons l'impression de parcourir des journaux intimes de première main. Nul...
-Celui qui écrit trace le plan d'un labyrinthe inédit dans un pénitencier. Un pénitencier dont on ne peut s'echapper. La langue. les tunnels se croisent sans cesse dans l'intertextualite. - Mais il y a des Mains levées à cette inca r cé r ation. La musique....
.... Après avoir traversé des éloges du caractère vital de la lecture et une dénonciation violente de la bifurcation numérique, nous continuons notre exploration de ce qui "se lit sur la lecture", utile à pense r sa pérennité, avec deux modérés, Antoine...
Norbert Elias avait beau être un génie sociologique, il ne prétendait pas livrer de recette du génie, ne serait-ce que parce que son apparition est historique, et que le train du génie particulier ne repasse pas, comme une histoire d'amour est une chimie...
Avant d'être consacrée par le Goncourt, pour un livre que je n'ai pas lu, Leïla Slimani avait écrit un premier roman, "Le Jardin de l'ogre" . Un roman "choc", "sans tabou" si apprécié des éditeurs et des colonnes des journaux féminins. L'histoire d'une...
Dans cette période troublée que nous vivons, agitée par le terrorisme, on voit poindre sans cesse le mot « nihiliste » dans les analyses foisonnantes du phénomène. C’est très discutable. Comment penser que des gens qui croient sans aucune espèce de doute,...
Je suis tombé sur un essai en poche sur les « dandies », de Roger Kempf, déjà ancien. Un dandysme approché à travers ses héros littéraires, dont Baudelaire au premier chef, Barbey d’Aurevilly, et avant eux Chateaubriand et Stendhal. C’est une figure intéressante...
Ce n'est pas un roman. Mais il s'agit d'une vie vécue comme folle tentative de se muter en roman, avec toutes ses implications. Avec "L'imposteur" Javier Cercas supasse à mon goût le sublime "anatomie d'un instant", déjà un roman réel à entrées multiples,...
Le roman gothique est toujours vivant. On l'a vu avec le mainstream "l'ombre du vent' de Zafon, qui ne manque pas sur une plage ou une rame de T.E.R, et que je n'ai pas beaucoup aimé car trop fabriqué. On le redécouvre avec un petit roman français récent...
127 parisiens , au moment où je rédige, sont tombés sous les balles du fanatisme, produit direct de la vie que nous menons en ce monde. Il ne sort pas du ciel même s'il s'y réfère. Nous pleurons, mais nous devons penser. Notre force est plus que jamais...
L'oeuvre d'Emmanuel Carrère, dont on trouvera plusieurs approches dans ce blog, est en définitive le récit d'une longue lutte, patiente, stylo à la main, contre le mal être, que dans " D'autres vies que la mienne" il décrit comme un renard qui lui dévore...
Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).
D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.
Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.
Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk.
Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.
De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».
J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.
Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.
Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…
Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.
Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.
Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.
Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.
J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.
Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.
Jérôme Bonnemaison,
Toulouse.