Mes mille et une nuits à lire
Blog d'un lecteur assidu
J'ai lu, mais j'ai perdu du temps à lire des livres de peu de portée, et j'en perdrai encore car ils ont leur place. Cependant je m'astreins, la quarantaine assise, à lire ce qui s'annonce essentiel, d'après ce que je lis, les pages conduisant à d'autres....
Béatrice Mousli a donc le mérite de réaliser la première (et consistante) biographie française de Susan Sontag . Une biographie pourtant à l’anglo saxonne (Mme Mousli enseigne aux Etats-Unis), exhaustive, dense, chronologique. Peu analytique. Sans doute...
On dit que le succès de la série Game Of Thrones, dont on ne soulignera jamais assez la richesse, notamment en termes de pensée politique, aurait suscité un regain d'intérêt pour l'Histoire médiévale. Tant mieux. Fort de cet encouragement là, quatre jeunes...
C'est un étrange concept éditorial que ces biographies directement éditées en poche par Folio. Trop longues et "up" pour être des moyens de toucher un public très éloigné du sujet, trop courtes pour permettre d'entrer à fond dans des vies qui pourraient...
" L'usage du monde" de Nicolas Bouvier est considéré comme le joyau de la littérature de voyage moderne. Je ne voyage pas, pour ma part, mais justement cela m'intéressait de saisir le point de vue d'un globe trotter, tellement différent de moi, et on...
Ceux qui défendent et prônent la lecture la relient inévitablement à un surcroît de liberté. Peut-être est-ce du à la perception de cet "espace des possibles'' que la sociologue Viviane Albenga repère dans la lecture, au delà des déterminismes qui sont...
Ce n'est presque pas un récit, pas du tout un essai, c'est un document d'abord et avant tout, tellement Rozenn Le Berre choisit, semble t-il de prime abord, de s'effacer pour donner la parole aux ombres des ombres de nos rues contemporaines : les mineurs...
De nombreux articles soulignent, chiffres à l'appui, l'absolue absence des textes de femmes dans les épreuves, et donc dans les programmes de français. Ceci est d'autant plus frappant que les filles sont dominantes dans ces sections, qu'elles le sont...
Ceux qui ont vécu une psychanalyse ou une psychothérapie plus ou moins d'inspiration freudienne partageront sans doute ce constat : ils reconnaissent vite ceux qui sont passés par là. Dans l’œuvre d'Emmanuel Carrère (est-il en passe de devenir notre grantékrivain...
"je faisais une halte sur le terrain derrière le magasin d'articles de pêche, un simple avant-poste blanchi à la chaux. A mes yeux, c'était Tanger, où pourtant je n'étais jamais allée. Je m'asseyais par terre dans un coin, entourée de murets blancs, mettant...
J'ai ri. A la lecture des nouvelles rassemblées par Renaud Cerqueux dans un recueil titré « Un peu plus bas vers la terre». J'ai ri, pas tout le temps, mais tout de même... de cette politesse du désespoir que peut être le rire. Il arrive de rire en lisant,...
Elle est souvent citée cette fulgurance d’Hannah Arendt : « le mal n’est jamais radical, seul le bien est radical ». Elle est indissociable de sa théorie de «la banalité du mal ». Le criminel de papier c’est celui qui a renoncé à penser et se vit comme...
Ici continue notre errance dans ce qui se dit sur la survie du livre et éventuellement sur les possibilités de conforter sa place dans la civilisation. Qui voudra réfléchir sérieusement à ce sujet trouvera dans cette suite d'articles du matériau, à travers...
" Nous demandons seulement un peu d'ordre pour nous protéger du chaos" Ils sont durs à lire les bougres. C'est que lorsqu'ils rédigent à quatre mains, ils se lâchent et laissent s'exprimer toutes les associations qui s'expriment à partir de leur immense...
"Chères amies, collègues, journalistes, et membres de la presse, Je vous écris cette lettre depuis la prison de Bakırköy, au lendemain de l’opération policière à l’encontre du journal Cumhuriyet, un des journaux les plus anciens et voix des sociaux démocrates....
Le récit réel est le genre littéraire contemporain par excellence. Ni autocentré, ni candide sur l’omniscience d’une voix neutre et d’une passivité du lecteur, il tire les leçons des acquis de l’Histoire littéraire . Il lie le politique et l’intime, sans...
Jour après jour on se regarde dans la glace, et mine de rien on change, sans à coup, au fil de l'eau qui coule dans le lavabo. C'est ce qui nous arrive depuis que nous vivons tellement sur la toile. Ce qui occupe Mael renouard, dans une sorte de journal...
On continue ici la farfouille dans ce qui se dit sur la défense de la lecture. Dans le cadre d'une réflexion, qui aboutira ou pas, sur une stratégie globale possible, de contre offensive culturelle qui puisse être formulée, fondée sur la lecture. Nous...
" La littérature est une manipulation permanente du plein et du vide" Il est rassurant de voir que l'on écrit, que l'on publie, et même que l'on lit des essais comme celui de la théoricienne littéraire Judith Schlanger . Car si la littérature, ce que...
La guerre que la France mène contre le djihadisme ne date pas d’hier, mais de l’intervention en Afghanistan il y a quinze ans. Elle est désormais stratégiquement importée sur notre territoire par les fanatiques. Quelle que soit notre vision géopolitique,...
Avec "Envoyée spéciale" , Jean Echenoz s'amuse, et nous amuse énormément, se plaçant dans la tradition de l'absurde qui honore sa maison d'éditions, "minuit". Il illustre aussi son amour du principe romanesque, et ce n'est pas fortuit s'il utilise le...
C'est le troisième livre de Javier Ce rcas que je lis, je n'avais pas voulu commencer par son grand succès, l'opus qui l'avait fait connaître en France. "Les soldats de Salamine" est dans la veine de ce que Cercas pratique le mieux : le récit réel , mêlé...
Nous pensions que Dieu était mort. Mais il s’agite sacrément. Peut-être sous des formes zombies, c’est à discuter. Son « reboot » est peut-être un dernier sursaut de réaction face à la modernisation qui finira par avoir raison d’elle. Peut-être qu’elle...
Une petite clé d'importance se loge dans une minuscule notice biographique de l'édition nouvelle du " Ponce Pilate" de Roger Caillois Il fut en effet l'éditeur original de ce carrefour de la littérature : "Fictions" de Borges. Ouvrage qui esquissa un...
L'oeuvre d'Annie Ernaux rend justice. Mais elle n'y est pas réductible loin s'en faut. C'est une écriture de consolidation, ce me semble, qui vise à unifier ce que la t rajectoire sociale pourrait morceler jusqu'à la souffrance intenable . A reconstituer...
Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).
D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.
Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.
Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk.
Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.
De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».
J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.
Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.
Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…
Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.
Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.
Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.
Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.
J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.
Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.
Jérôme Bonnemaison,
Toulouse.