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10 avril 2019 3 10 /04 /avril /2019 16:48
L'infini solutionne l'illimité - La pesanteur et la grâce - Simone Weil

"La pesanteur et la grâce" de Simone Weil est un livre mystique. Christique, car l'on ne saurait dire chrétien à l'égard de cette libertaire foncière, dégoûtée par toute forme d'institutionnalisation. On dit que des papes la lisaient en cachette. C'était une hérétique. Et d'ailleurs sa pensée a de nombreuses accointances avec les hérésies d'antan, qui comme elle, exprimaient une révolte sociale (des cathares à Thomas Münzer). Simone Weil dit, dans "L'enracinement", je crois, son admiration pour la civilisation occitane médiévale, et ce n'est pas par hasard. Nombre d'hérésies jalonnant l'histoire du catholicisme sont des persistances de la gnose, c'est à dire d'une branche du manichéisme, que l'on trouve aussi chez Platon. Le bien là haut, le mal bas. L'âme divine, le corps maudit. Ce corps que Simone Weil automutilait, maltraitait par l'anorexie et les privations, voire la saleté (si l'on en croit sa description sous les traits à la fois fascinants et dégoûtants de "Lazare" dans "Le bleu du ciel" de Bataille). Le monde, dans lequel elle se bat, est tout de même le monde de la chute. La chute dans le corps, qui brise l'harmonie. Réunir pesanteur et grâce dans le titre, pour certainement les opposer bien que les deux soient de ce monde, n'est pas neutre. Le Jésus de Simone Weil s'est égaré en Perse, sans doute entre sa naissance et ses trente deux ans, ou en Grèce. Il y a connu d'autres influences que l'Ancien Testament, le livre des siens.

L'Humain est un être déchiré.

"La grande douleur de l'homme, qui commence dès l'enfance et se poursuit jusqu'à la mort, c'est que regarder et manger sont deux opérations différentes. La béatitude éternelle est un état où regarder c'est manger". 

Ceci étant il eut été possible, qui sait, de voir un Lacan souscrire à cette affirmation voyant dans cette dualité celle entre signifiant et signifié.

 

Ce livre est écrit comme un cahier de fulgurances, un journal de bord spirituel, délié. Le génie particulier de Weil y éclate, à travers des "bonds" inédits dans la pensée. Le talent est facile à suivre, il rassemble, il rend perceptible et clair ce que nous subodorons tout de même, par contre le génie est un saut, parfois il se précède lui-même, comme une intuition. On n'est jamais sûr que le génie soit certain de la clairière où il a mis les pieds. Ainsi de Rimbaud quand au milieu d'une lettre il dit "Je est un autre" et qu'il ouvre la voie à la grande interrogation du siècle à venir.

Je ne suis pas croyant. Je suis athée. Ce qui n'est pas destin aisé (mais qui a dit qu'il fallait choisir la voie aisée, ou qu'on le pouvait, même, aussi aisément, qu'il suffirait de le vouloir pour s'arranger ?). Mais l'intérêt pour le mystique va bien au delà des croyants. C'est un intérêt, une attraction, pour la dualité du plein et du vide. La psychanalyse, peut-être, dirait qu'en naissant, puis en accédant au langage, nous sommes tous confrontés à la question mystique.

Ma lecture de "La pesanteur et la grâce" sera donc très personnelle, elle laissera de côté, même si tout est lié dans sa pensée, qui n'est pourtant pas systémique, le rapport que l'on peut entretenir à Dieu, la nature ou l'essence de Dieu. Pour moi, il n'y a de Dieu que comme métaphore de ce qui ne peut se formuler, à savoir notre ignorance de la Vérité, sans doute éternelle, car la science ne repoussera peut-être que ses propres frontières, comme l'accès au désir recrée des objets de désir.  Par ailleurs on peut rester admiratif devant une pensée qui n'est pas sienne, mais dont l'intelligence resplendit.

"La pesanteur et la grâce" est aussi un livre de sagesse, connecté à d'autres sagesses que celle du Christ. A cet égard c'est un livre, parfois déconcertant par son abstraction, à la fois légère et élevée, mais qui a intéressé et intéressera toutes sortes de gens.

Ce n'est pas un livre de philosophie construit, ni une suite d'aphorismes, c'est une sorte de suite spirituelle. Je parlerai donc des phrases qui m'ont arrêté, à vrai dire, net.

 

Le travail humanise

"La grandeur de l'homme est toujours de recréer sa vie. Recréer ce qui lui est donné. Forger cela même qu'il subit. Par le travail, il produit sa propre existence naturelle. Par la science, il recrée l'univers au moyen de symboles. Par l'art il recrée l'alliance entre son corps et son âme".

Simone Weil, qui connaît plus que quiconque la souffrance au travail, l'ayant volontairement vécue, est de ceux qui considèrent que l'humanisation est indissociable du travail, comme Hegel ou Marx. C'est peut-être une damnation, car elle parle de forger ce que l'homme "subit", la matière. Le travail hétéronome, taylorien, aliène, elle l'a saisi dans sa chair en usine : 

"comme la pensée collective ne peut exister comme pensée, elle passe dans les choses (signes, machines...). D'où ce paradoxe : c'est la chose qui pense et l'homme qui est réduit à l'état de chose".

Mais c'est le travail qui produit la nature humaine, "sa propre existence naturelle". Précédant les grandes affirmations de l'anthropologie, Simone Weil, à rebours du christianisme, semble ici matérialiste. La nature de l'homme c'est la culture (et d'abord la sculpture des outils).  Elle, qui semble si gnostique, salue ici le corps, avec cette belle vision de l'art comme le lien entre l'âme et le corps. Formule très juste. Songeons à la danse, qui est la forme donnée à notre imagination projetée dans l'espace, ou à la musique qui procède de même avec le temps.  Simone Weil n'en est pas pour autant une matérialiste, car c'est parce qu'elle est créature, livrée à l'existence, que l'humanité doit se ressaisir de l'univers par ces moyens de la culture.

Etonnante synthèse personnelle entre la gnose christique et platonicienne, et les lectures de Marx. Si quelqu'un "recrée", c'est bien elle. Normalienne, philosophe, qui voit dans la culture la source de toute humanité. Il s'agit de recréer ce qui est "donné", c'est-il dire par Dieu, mais aussi par les générations qui nous précèdent. Comme Arendt ("la crise de la culture"), avec qui elle partage décidément beaucoup, elle voit la nouveauté comme indissociable de la transmission. Si l'on réveillait Weil, sans doute irait-elle polémiquer avec les partisans du revenu universel en leur expliquant leur irresponsabilité ontologique.

"

Le problème c'est le pouvoir, pas le prendre

"Y a-t-il toujours identité entre ce qu'on aime et ce qu'on hait ? Ce qu'on hait, éprouve-t-on toujours le besoin de l'aimer sous une autre forme, et inversement ? L'illusion constante de la Révolution consiste à croire que les victimes de la force étant innocentes des violences qui se produisent, si on leur met en main la force, elles la manieront justement. Mais sauf les âmes qui sont assez proches de la sainteté, les victimes sont souillées par la force comme les bourreaux. Le mal qui est à la poignée du glaive est transmis à la pointe."

Ici pointent la lucidité et la part de désespoir politiques de la militante Weil. La phrase illustre la blessure ouverte chez elle, comme chez d'autres, par la glaciation soviétique stalinienne. La grande lueur à l'Est est rouge, de sang. Une domination en remplace une autre. Eduquée à l'autorité, les anciens dominés deviennent les dominants, comme dans "La ferme des animaux" d'Orwell (de sa même famille politique, communiste oppositionnelle, et aussi parti en Espagne). La Révolution devient alors une simple roue qui tourne sur elle-même, déchirant tout sur son passage, et ne semant que des regrets et des illusions perdues. Quelle leçon pour aujourd'hui que de lire cette phrase si juste, selon laquelle la place de "victime", si revendiquée, objet de concurrence constant, est garante de quelque vertu ! Le souci, c'est le pouvoir, l'éternel pouvoir, et pas qui le détient. Le souci, c'est de protéger contre le pouvoir, et non de contribuer à sa force. La Boétie plutôt que Rousseau. On ne peut pas compter sur les esprits exceptionnels, sur la variable de "la vertu" robespierriste, il faut compter au contraire avec la faiblesse humaine. C'est cette faiblesse qui pousse à dominer. Weil parlerait ainsi comme ce qui lui semble le plus opposé (de prime abord), Nietzsche, pour qui ce sont les faibles les plus dangereux. Lui qui voyait les "avortons" comme capables uniquement de "fanatisme" en guise de courage.

 

Placer et dompter le désir, l'enjeu de la sagesse

"Le désir est mauvais et mensonger, mais pourtant sans le désir on ne rechercherait pas le véritable absolu, le véritable illimité. Il faut être passé par là. Malheur des êtres à qui la fatigue ôte cette énergie supplémentaire qui est la source du désir. Malheur aussi de ceux que le désir aveugle. Il faut accrocher son désir à l'axe des pôles."

Bien évidemment, pour cette gnostique, le désir est un piège. Elle n'aime pas la civilisation romaine, qui pour elle représente l'Etat et la force, mais elle rejoint ici les stoïciens romains. La liquidation du désir est la voie contre le malheur. Pourtant, elle raffine. Le désir n'est pas là par hasard. Il est le début du chemin. Car si l'on ne se porte pas au dehors de soi, on ne peut entrer en communion avec le Royaume de Dieu. Le désir est l'infantile de la foi, en somme. Simone Weil a croisé des dépressifs, que son père Médecin soignait, elle sait que la perte du désir est la perte de la possibilité de croire, tout simplement. Pour croire il faut être en vie.

Et puis cette phrase... Sublime : "il faut accrocher son désir à l'axe des pôles". Comment comprendre cette métaphore ? L'axe des pôles est ce qui est. Ce qui ne saurait bouger. Ce qui est certain. Il faut donc désirer ce qui est. Conclusion de toutes les sagesses. Les stoïciens disaient cela, quand ils pointaient la nécessité de ne se s'inquiéter que de ce qui relève de notre propre pouvoir. C'est le regard que l'on porte sur les choses qui crée le malheur et non les choses elles-mêmes. Ma situation peut changer du tout au tout et je peux rester malheureux si je continue à désirer ce qui n'est pas là. Si je regarde ma condition en considérant ce qu'elle contient, potentiellement, de créatif, alors j'échappe au malheur un tant soit peu. 

 

Mais elle va plus loin (le désir, finalement, la tracasse).

"Les amants ne peuvent pas être un ni Narcisse être deux. Don Juan, Narcisse. Parce que désirer quelque chose est impossible, il faut désirer le rien. Notre vie est impossibilité, absurdité. Chaque chose que nous voulons est contradictoire avec les conditions ou les conséquences qui y sont attachées, chaque affirmation que nous posons implique l'affirmation contraire, tous nos sentiments sont mélangés à leurs contraires. C'est que nous sommes contradiction, étant des créatures,"

Désirer ce qui est, n'est qu'une étape vers l'ataraxie. Il n'y a pas d'issue dans le désir, avons-nous dit, il repousse ce qu'il désire.  Ce que nous désirons, par exemple ne pas travailler, nous conduit à l'ennui si nous l'obtenons, et alors nous ne songerons plus qu'à retravailler. Le célibat nous conduira au désir intenable de vivre avec quelqu'un d'autre, et alors nous regretterons les libertés de la solitude. Cela doit donc laisser indifférent, et l'on doit désirer ce qui est, ou rien, au sens de "rien d'autre" que l'Etre. Ces constats se sagesse, Weil les relie à sa foi, à la chute, à la perte de la béatitude primordiale (Dieu pour elle, ou pour les athées, la vie intra utérine).

La béatitude n'est donc possible que dans l'oubli de soi. 

"La joie parfaite exclut le sentiment même de joie, car dans l'âme emplie par l'objet, nul coin n'est disponible pour dire « je ». 

D'où cette attirance indéniable pour la mort (l'Infini introuvable ici-bas, sauf "celui à portée des caniches", l'érotisme, comme le disait Céline) que toute la vie de Simone Weil atteste (elle meurt de sainteté sacrificielle, de privations). Cette joie rappelle tout de même celle des hérétiques cathares se jetant dans le bûcher de l'inquisition en chantant, quittant l'enveloppe maudite du corps.

La solution au désir, illimité, c'est donc de basculer vers la connaissance de l'Infini, la foi. " Seul l'Infini limite l'illimité". La mort éteint le désir, l'extinction du désir signifie la mort.

 

La sagesse est dans la continuité avec le monde

"Que l'univers entier soit pour moi, par rapport à mon corps, ce qu'est le bâton d'un aveugle par rapport à sa main. Il n'a réellement plus sa sensibilité dans sa main, mais au bout du bâton. Il y faut un apprentissage. Restreindre son amour au sujet pur et l'étendre à tout l'univers, c'est la même chose. Changer le rapport entre soi et le monde comme, par l'apprentissage, l'ouvrier change le rapport entre soi et l'outil. Blessure : c'est le métier qui rentre dans le corps. Que toute souffrance fasse rentrer l'univers dans le corps."

Mais elle n'oublie pas le corps, encore une fois. L'âme et le corps, elle ne les unifie pas, comme les matérialistes, mais elle les harmonise. Le risque du malheur, c'est de se couper de la totalité. Par la spiritualité, ou par le corps. C'est ainsi que le travail manuel est noble, car il lie à la matière, au monde, c'est ainsi qu'on en revient à la place centrale du travail, bien que damné.  Le malheur c'est la coupure. La machine, qui pense à ma place. La matière est emplie de spiritualité, comme dans un jardin zen (ou de sens pour les athées, le sens d'Etre là). Nous voyons comme cela fait écho, dans le passé, à tout ce que nous savons aujourd'hui sur les méfaits sur l'humain de son divorce avec les éléments naturels, de la séparation entre le manuel et l'intellectuel (nombre d'intellectuels quittant leur métier pour aller vers l'intelligence manuelle et retrouver un lien avec le monde, sans lequel ils s'enfermaient dans un vertige sans fin, derrière une vitre opaque). C'est un exercice dit-elle, comme les professeurs de méditation le disent.

 

Penser humblement mais radicalement

"Il n'y a rien de plus proche de la véritable humilité que l'intelligence. Il est impossible d'être fier de son intelligence au moment où on l'exerce réellement. Et quand on l'exerce on n'y est pas attaché. Car on sait que, deviendrait-on idiot l'instant suivant, et pour le reste de sa vie, la vérité continue à être".

Ici c'est l'amour grec qui parle. La sagesse socratique. La porte ouverte par le génie, c'est l'humilité. Weil croit à l'accès à la vérité, par la foi, l'amour, comme Pascal. Tout au moins à des contacts avec la Vérité (que l'on quitte ensuite, et qui reste, de toute éternité). Mais c'est aussi une philosophe, et elle aime l'intelligence. C'est dans ce débat que Pascal, aussi, a du trouver sa place, utilisant la raison mais plaçant la foi au dessus pour aller vers la vérité. Platon croyait à la vérité des Idées éternelles et voyait la sagesse comme la conscience de sa part d'ignorance philosophique. Alors l'humilité est de rigueur, et on ne les imagine pas, ces adeptes de "la" vérité, sourire en coin comme Montaigne le sceptique. Paradoxalement le sceptique, ou le relativiste absolu, comme Nietzsche, sont peu enclins à la modestie alors qu'ils décrètent d'emblée que la vérité n'est pas le sujet. Nietzsche surtout.

Au passage, Weil affirme la radicalité de l'acte de pensée. Celui-ci ne saurait transiger avec rien, et surtout pas avec l'ego. Il faut penser contre soi si cela est nécessaire. La vérité est préférable à la vie, dit-elle ailleurs. Et toute sa vie, elle pensera contre elle, contre les siens. Contre la bourgeoisie, contre les catholiques, contre les assassinats de catholiques par ses camarades en Espagne, contre les communistes en refusant de s'aveugler. La "fierté", qui peut aussi s'entendre comme l'orgueil, le corporatisme, le confort d'être bien avec Soi, ne l'empêchera jamais de penser. L'acte de penser est une forme de béatitude qui donc, évacue le "je". On est loin du "je pense donc je suis" de Descartes. C'est plutôt, je pense donc je suis dans le monde.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Lectures de Jérôme Bonnemaison

 

Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).


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D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.

 

Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.


Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk. Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.


 

De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la  bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».


 

J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde  le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.


 

Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.

 

 

Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…


 

Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.

 

 

Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.


 

Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.  


 

Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.


 

J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.


 

Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.

 

 

Jérôme Bonnemaison,

Toulouse.

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