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17 décembre 2010 5 17 /12 /décembre /2010 21:51

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Désormais, tout le monde est écologiste. Ou plus personne, on ne sait plus.

Nous pouvons donc nous lancer dans certaines lectures écologiques, sans craindre de nous transformer en barbus débraillés déambulant entre le stand vêtements mangeables et l’atelier-débat "toilettes sèches dans l’Administration", au festival « champignon et folk song » quelque part dans le piémont pyrénéen.

Quelques pistes de lectures bio à votre attention, en fonction de votre nuance de Vert préférée : écolo radical, écolo érudit, social écolo.

- DANS LE GENRE ECOLO-RADICAL : « Le Gang de la clef à molette » d’Edward Abbey est un roman génial écrit dans les 70’s par un pote de Robert Redford (qui l’a préfacé, avec talent). L’ouvrage invente les « eco warriors » considérés comme les héritiers des « luddistes », ces ouvriers de la première révolution industrielle qui brisaient les machines.


  Quatre larrons (un vétéran du Vietnam hautement frappadingue, un médecin-philosophe et latiniste, un mormon qui entretient un rapport charnel avec la nature, une jeune hippie au caractère trempé et au sex appeal incandescent) se rencontrent lors d’une séance de rafting. Ils décident de résister par l’action directe au saccage du pays qu’ils aiment : le Colorado et les plus beaux paysages du monde aux alentours.

Chacun a un jour rêvé de se défouler en cassant du cristal (ah bon, pas vous ?). Ce roman permet à l’auteur et au lecteur de le vivre intensément par procuration. Essayez, ça fait du bien. Nos quatre desperados givrés mais attachants vont parcourir les canyons, détruisant les bulldozers, les lignes électriques, sabotant un pont. Tout en jouant au chat et à la souris avec les beaufs du coin, merveilleusement dépeints, plus ou moins acoquinés avec les pollueurs. Une traque haletante et drolissime (le livre aurait sa place dans mon précédent Post sur les livres pour rire), avec une fin magnifique sous influence du chamanisme qui hante ces terres.

Les apôtres de la décroissance (dont je ne suis pas) s’y régaleront. Mais chacun peut trouver son bonheur dans ce livre rebelle, qui est aussi et peut-être surtout un prétexte pour voyager, ramper, suer, fuir, dans cette nature grandiose, vertigineuse, guidé par un américain viscéral.

- DANS LE GENRE ECOLO-ERUDIT : « Effondrement » de Jared Diamond peut décourager par son épaisseur et l’ampleur de son projet. Mais plongez-y et vous battrez votre record d’apnée en lecture. L’auteur, scientifique et écologiste dans le genre sérieux, vous promène avec une érudition hors du commun dans les civilisations les plus diverses en tentant de comprendre comment elles survivent ou disparaissent. On y découvre des pans négligés de l'aventure humaine : l'Île de Paques, l'épopée humaine à travers les petites îles du pacifique sud, les vikings et leur tentative de s'installer en Amérique via Bering, la conquête du Nord vers l'Islande et le Groenland, les difficultés de l'Australie et le génie du Japon... On y comprend pourquoi Haïti et la République Dominicaine, bien que se partageant la même île, ont des destins différents. Et on comprend que les hommes peuvent maîtriser leur avenir à l'aide de la Raison, s'ils savent écarter certaines lubies culturelles (hier le "tout pour les statues "des hommes de Paques, aujourd'hui le consumérisme effrené et désinvolte).

 

effondr C'est l'oeuvre impressionnante d'un intellectuel complet, épigone de Darwin dans sa manière d'exploiter les recherches scientifiques pour réaliser une belle oeuvre écrite. On est béat devant le travail qu'un tel livre révèle. La critique que l'on peut adresser à Jared Diamond est sa propension au Malthusianisme. Expliquer le génocide rwandais par la surpopulation, c'est un peu court et douteux.

"Effondrement" est un des rares livres de science dure que j'ai réussi à lire. En le dévorant qui plus est. Payez vous en livre de poche un tour du monde en 800 pages. Et en évitant les spots touristiques et le Jet Lag.

- DANS LE GENRE "SOCIAL-ECOLOGIQUE" : les éditions IVREA ont eu l'excellente idée de rééditer un roman méconnu de  Georges Orwell - "Un peu d'air frais". Attention, Orwell est sans doute l'écrivain le plus cher à mon coeur, par son oeuvre comme par par son comportement. Une lumière dans un siècle de cauchemar.

Il est de bon ton de dire que la "vieille gauche" est "productiviste". En gros, la gauche marxiste, ce serait Tchernobyl et l'assèchement de la Mer d'Aral. Injustement sommaire. Beaucoup de gens de ce camp ont essayé de penser l'émancipation des travailleurs comme une question globale, une transformation de tout le mode de vie. Incluant le rapport au monde, à l'environnement.

Orwell, parangon de la gauche populaire, a écrit "un peu d'air frais" en 1939.  Il conte, sur un mode ironique et grinçant (on retrouve l'humour d'Orwell chroniqueur génial), les aventures d'un membre de la fraction inférieure de la classe moyenne anglaise.  Celui-ci , qui gagne à peine plus que nécessaire à la "reproduction de sa force de travail" s'évade quelques jours dans son village natal, pour simplement y respirer. Mais le village n'existe plus. Il a été avalé par un développement urbain incontrôlé et nuisible.  A travers lui, c'est un univers qui disparaît, celui de l'avant première guerre mondiale.

Dans la société industrielle avancée vue par Orwell, l'homme n'est pas seulement exploité et aliéné à son poste de travail, mais dans tous les compartiments de sa vie. On a souvent dit qu'Orwell était un prophète et on n'exagère pas. Il faut lire ces passages, écrits dans les années 30, sur la laideur de la périurbanisation, de l'étalement urbain, sur la fausseté du pseudo retour à la campagne qu'incarne la vie pavilonnaire. Une longue file de décennies d'avance sur nos urbanistes qui tiennent colloque sur les dégâts de la "rurbanisation", la densification des villes, les schémas de cohérence territoriale et tous concepts en vogue.

orwell.jpg Orwell rejette cette société où trouver un coin pour pêcher ou un bosquet auprès duquel flâner devient une prouesse. En même temps, il annonce le déferlement barbare des "hommes mécanisés" et la guerre pour 1941. "Un peu d'air frais" est aussi un beau témoignage sur ces gens, nombreux, qui pressentirent le désastre mondial sans trouver le moyen de s'y opposer, coincés entre le stalinisme, le fascisme, et l'aveuglement des "démocrates".  En Espagne, Orwell a compris ce qui attendait l'Europe. Il s'y est préparé, ce qui explique sa réaction juste face au nazisme, alors que certains donnaient dans un pacifisme à contretemps. Orwell est grand.

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Lectures de Jérôme Bonnemaison

 

Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).


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D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.

 

Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.


Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk. Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.


 

De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la  bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».


 

J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde  le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.


 

Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.

 

 

Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…


 

Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.

 

 

Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.


 

Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.  


 

Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.


 

J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.


 

Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.

 

 

Jérôme Bonnemaison,

Toulouse.

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