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4 octobre 2013 5 04 /10 /octobre /2013 18:57

LaNouvellePornographie.jpg" La nouvelle pornographie" de Marie Nimier, petit roman intimiste écrit en 2002, n'a rien d'un manifeste pour le renouvellement du genre porno.

C'est le moins que l'on puisse dire.

 

Marie Nimier s'y met en scène face à la commande d'un éditeur qui lui propose l'écriture d'une oeuvre pornographique de qualité, raffinée. Comme elle est une romancière qui a du mal à en vivre, elle accepte, très sceptique, avec l'aide de sa colocataire Aline, qui n'a pas froid aux yeux. 

 

Ce roman, écrit avec une plume immédiatement talentueuse, mais qui sur le fond souffre d'inspiration parfois et finit par s'étioler, sombrant dans le banal du quotidien d'une femme qui n'a pas grand chose à dire, coule de source grâce au style léger et épuré de Marie Nimier, douée pour écrire. Trop ?

 

Mme Nimier me fait l'effet de quelqu'un de trop gâté par les muses, qui n'a pas l'habitude de travailler et de forcer son talent, d'autant plus que le nom de famille ouvre les portes de l'édition. C'est pourquoi le roman est agréable à lire, sauvé par le style, malgré sa légèreté frustrante, le titre fonctionnant comme un beau produit d'appel, mais risquant évidemment de nous décevoir. Et il déçoit en effet, malgré les promesses contenues à chaque page.

 

Le livre, qui s'ouvre comme une interrogation sur la pornographie à travers un prisme littéraire, se développe comme une exploration de l'écriture, dans son analogie avec la vie sexuelle et les fantasmes. La littérature, contrairement à ce qu'en pensent ses dédaigneux, est une affaire de sacrés jouisseurs. Elle permet tout, elle autorise à aller où l'on veut, et à en revenir à tout moment, sans dégâts. Elle autorise même à essayer des sexualités qui ne sont pas les nôtres. Et Nimier ne s'en prive pas, sans trop d'entrain cependant, car quelque chose cloche. Et ce quelque chose c'est l'amour.

 

Vivre n'importe quelle vie, c'est ce que permet l'écriture (la lecture aussi), et ainsi c'est une forme suprême de fantasme. Le roman nous plonge ainsi dans les expériences sexuelles de Marie et d'Aline, dont on ne sait s'ils relèvent du réel ou de l'imaginaire, de l'écriture ou de l'enquête pré rédactionnelle. On écrit sa vie et la vie s'écrit. Les expériences physiques sont autant de plongées de l'autre côté du miroir, de perditions, d'utopie surréaliste.

 

C'est très chaud, il faut bien le reconnaitre. A faire rougir un marin habitué des ports belges. Parfois aussi un peu cradingue. Chacun son truc. 

 

L'idée qui ressort, un peu nunuche peut-être dans son expression, contrastée avec la hardiesse de certains passages, mais qu'on ne critiquera pas en soi, c'est que la sexualité est toujours peu ou prou une éclaircie sur l'amour. Même quand on vit une expérience assez déconcertante dans un avion avec un japonais inconnu. Ainsi la discussion avec l'éditeur débouche sur l'amour. Et un amour littéraire, n'est-ce pas, est un amour déçu.

 

Nimier attrape certains fils qu'elle aurait pu tisser, comme celui du regard d'une femme sur le porno, sur sa fonction ou ses mécaniques. Y a t-il une pornographie possible ou est ce une impasse obligée ? Une écrivaine est-elle enfermée dans son genre (au sens identité de sexe) ou peut-elle aspirer à "une écriture large" ?

 

Ces fils sont attrapés et toujours presque immédiatement redéposés. On a ainsi la sensation d'un talent exposé puis délaissé, d'un embryon littéraire prometteur qui ne se développe pas. Dommage. Marie Nimier peut donner mieux, et nous sommes en droit de l'attendre.


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Lectures de Jérôme Bonnemaison

 

Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).


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D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.

 

Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.


Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk. Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.


 

De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la  bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».


 

J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde  le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.


 

Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.

 

 

Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…


 

Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.

 

 

Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.


 

Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.  


 

Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.


 

J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.


 

Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.

 

 

Jérôme Bonnemaison,

Toulouse.

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