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11 septembre 2011 7 11 /09 /septembre /2011 19:06

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Il y a une dizaine d'années, j'ai passé une semaine à Rome avec ma compagne, aux frais intégraux du contribuable... Je ne vous refilerai pas le plan, il n'est plus reproductible...

 

Je ne suis pas revenu ébloui.

Pour la première fois, grâce au contraste avec le mythe de la Ville éternelle, je prenais pleinement conscience de la réalité de la Ville-Musée, et de l'uniformisation forcée des métropoles sous le souffle de la mondialisation.

 

C'était l'époque où le Maire de Rome était cité en exemple par les édiles français... (avant de se donner à un Maire fascisant). Alors qu'il m'avait semblé que l'évolution de cette ville nous alertait au contraire sur les risques qui s'apesantissaient sur l'urbanité de notre temps.

 

Rome nous avait alors donné ce semblant de Rome auquel le touriste paresseux et assommé par la chaleur pouvait prétendre. Mais c'était tout. Seul le Colisée m'avait singulièrement plu. La visite du Forum m'ayant laissé une impression de visite d'une maquette géante.

 

J'ai donc été acquérir immédiatement un livre de cette "rentrée littéraire" 2011, qui se proposait de donner la parole à Rome elle-même. Cité parvenue à l'âge informatique, étonnée de se retrouver recréée dans l'univers virtuel des jeux électroniques.

 

"Rom@" de Stéphane Audeguy (Gallimard) est un livre libre et audacieux. Terriblement triste aussi.

 

Le narrateur est Rome elle-même. Une Rome excédée par la présence "flasque" des touristes, par l'hypocrisie marchande qui lui vole ses façades et une partie de ses vieilles pierres "comme un coucou" qui fait son nid dans celui des autres. Sans même avoir la trempe de tout détruire et d'assumer une nouvelle Rome.

 

Mais Rome est sentimentale. A l'égard d'individus qui essaient de vivre et s'aiment dans ses murs. A l'égard des paumés et des damnés qui, comme autrefois sous l'Empire, refluent encore vers elle parfois.

 

Il y a une influence des mythes antiques dans ce livre, Rome ayant  la tentation, comme Zeus, de s'incarner dans les corps humains pour y vivre la passion.

 

Rome est excédée. Elle ne va plus accepter la règle du jeu du temps, et va lâcher les amarres. Aussi, le livre bascule dans la surnaturel. Toutes les strates de Rome surgissent. Les touristes paniqués y croiseront Saint-Pierre, Mussolini ou Audrey Hepburn. Il se précipiteront sauvagement sur Anita Ekberg, revenue dans la fontaine de Trevise de la "dolce vita".

 

Ce livre poétique, qui regarde aussi vers Lucrèce et son "de rerum natura" me semble t-il, est avant tout une expression de dépit et de dégoût devant la mondialisation. Ce stade du capitalisme qui donne un pouvoir exhorbitant à des enrichis immatures, et qui en décloisonnant tout, produit une violence sans précédent. Et combine de manière stupéfiante l'inégalité la plus  vertigineuse et la proximité.

 

On regrettera certaines fioritures lyriques peu nécessaires, et surtout, encore une fois dans un livre contemporain, cette propension au cradingue, à la pornographie sale, inutile.

 

Le cradingue est décidément l'authenticité du petit-bourgeois lettré, et notre époque ne peu s'empêcher de planquer des caméras dans les chiottes. Il n'y a pourtant rien d'intéressant à y observer.

 

Ce roman est une vengeance jubilatoire contre le virtuel. C'est une fable qui dit aux hommes : vous voulez du virtuel bien réel, et bien je vous en donne ! Ca fait mal.

 

Enfin, l'auteur porte un regard sur l'entropie, l'usure de toute chose, l'érosion fatale. La sagesse est de s'y mêler, de s'y fondre, d'accepter de retourner à la poussière du monde. En profitant de la beauté et de l'amour.


Dans cette filiation philosophique qui nous convie à accepter le sort qui est le nôtre, Stéphane Audeguy est indéniablement un auteur romain.

 


 

 

 

 

 

 


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L
<br /> Les villes musées ne sont fascinantes que pour ceux qui les traversent. J'aime pourtant me perdre dans Tolède ou dans une autre "fausse" ville musée: Venise. Il faut savoir sortir de la Gare de<br /> Venise, longer le grand canal, et prendre rapidement à gauche vers le Ghetto.<br /> Puis remonter les arrières de San Marco pour rejoindre l'Arsenal. De toutes façons, j'aime ses espaces envahis par les chats, délicieusement délaissés par les hordes de touriste, cherchant au mieux<br /> la photo du reflet de la gondole, dans le pire des cas où une boule à neige avec la cathédrale Saint Marc.<br /> <br /> Il y a une résonance politique dans ton article. Je suis né à Bordeaux, j'y ai grandi. J'aimais le Bordeaux des quais, moins propre sur lui que la vitrine Juppéiste, mais tellement plus vrai. Je me<br /> perds dans les senteurs lusitaniennes de Saint Michel avant que le dernier quartier populaire de Bordeaux ne sombre dans la mécanisation architecturale...<br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Je voyage pas.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Mais je connais bien bordeaux, j'y ai été étudian, et j'ai travaillé deux ans et demi, surtout dans le centre en plus (lutte contre l'exclusion). Je partage à cent pour cent ton sentiment.<br /> Napalmisé, Bordeaux.<br /> <br /> <br /> <br />

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Lectures de Jérôme Bonnemaison

 

Un sociologue me classerait dans la catégorie quantitative des « grands lecteurs » (ce qui ne signifie pas que je lis bien…).


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D’abord, tout petit, j’ai contemplé les livres de mes parents qui se sont rencontrés en mai 68 à Toulouse. Pas mal de brûlots des éditions Maspero et autres du même acabit… Je les tripotais, saisissant sans doute qu’ils recelaient des choses considérables.

 

Plus tard, vint la folie des BD : de Gotlib à Marvel.


Et puis l’adolescence… pendant cette période, mes hormones me forcèrent à oublier la lecture, en dehors des magazines d’actualité, de l'Equipe et de Rock’n Folk. Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de l’exigence littéraire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lâcher.


 

De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la  bibliothèque familiale A quatorze ans, je n’avais aucune culture littéraire classique, mais je savais expliquer les théories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui étaient les « Tupamaros ».


 

J’étais en Seconde quand le premier déclic survint : la lecture du Grand Meaulnes. Je garde  le sentiment d’avoir goûté à la puissance onirique de la littérature. Et le désir d’y retoucher ne m’a jamais quitté.


 

Puis je fus reçu dans une hypokhâgne de province. La principale tâche était de lire, à foison. Et depuis lors, je n’ai plus vécu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallèle" qui s’offre à moi.

 

 

Lire, c’est la liberté. Pas seulement celle que procure l’esprit critique nourri par la lecture, qui à tout moment peut vous délivrer d’un préjugé. Mais aussi et peut-être surtout l’impression délicieuse de se libérer d’une gangue. J’imagine que l’Opium doit procurer un ressenti du même ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec n’importe qui, de se glisser dans toutes les peaux et d’être la petite souris qu’on rêve…


 

Adolescent, j’ai souvent songé que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissée au port… Et la lecture permet, quelque peu, de s’affranchir du temps, de l’espace, des échecs , des renoncements et des oublis, des frontières matérielles ou sociales, et même de la Morale.

 

 

Je n’emprunte pas. J’achète et conserve les livres, même ceux que je ne lis pas jusqu’au bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothèque personnelle, c’est une autre mémoire que celle stockée dans mon cerveau. Comme la mémoire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre qu’on passa trois semaines à parcourir. Mais on peut à tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup férir un souvenir enfoui dans la trappe de l’inconscient.


 

Lire est à l’individu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme : une dépense inutile à court terme, sans portée mesurable, mais décisive pour aller de l’avant. Lire un livre, c’est long, et c’est du temps volé à l’agenda économique et social qui structure nos vies.  


 

Mais quand chacun de nous lit, c’est comme s’il ramenait du combustible de la mine, pour éclairer la ville. Toute la collectivité en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisés, plus au fait de ce qui a été dit, expérimenté, par les générations humaines. Le combat pour l’émancipation a toujours eu partie liée avec les livres. Je parie qu’il en sera ainsi à l’avenir.


 

J’ai été saisi par l'envie de parler de ces vies parallèles. De partager quelques impressions de lecture, de suggérer des chemins parmi tant d’autres, dans les espaces inépuisables de l’écrit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide.


 

Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vôtres.

 

 

Jérôme Bonnemaison,

Toulouse.

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